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Bénin-Nigeria : un partenariat économique entre voisins

Syfia 21/09/2007

Bénin-Nigeria : un partenariat économique entre voisins

Fernand Nouwligbèto, Daouda Aliyou

(Syfia Bénin/Nigeria) Longtemps placés sous le signe de la fraude, les échanges entre le Bénin et son grand voisin nigérian sortent de l’informel. La coopération économique connaît depuis un an un regain de vitalité. Premiers secteurs concernés : la téléphonie et l’électricité...

Le Nigérian Olayinka Olafimihan ne tarit pas de remerciements envers le gouvernement béninois. Le 10 août dernier, GlobaCom Limited, sa société, a remporté l’appel d’offres international lancé par l’Etat béninois pour l’attribution d’une licence d’exploitation d’un réseau de téléphonie mobile. "Nous allons offrir un service de qualité aux Béninois", a-t-il promis. Selon l’Autorité transitoire de régulation des postes et télécommunications, en charge de ce secteur, GlobaCom a convaincu par la qualité de son dossier qui en outre "entre dans le cadre du projet bénino-nigérian de co-prospérité".

Conclu le 8 février dernier, sur l’initiative de Boni Yayi, le président béninois, et Olusegun Obasanjo, l’ex-chef d’Etat nigérian, cet Accord, qui inclut aussi le Togo et le Ghana, vise à intégrer les marchés de ces quatre pays dans divers domaines dont l’énergie, les télécommunications et les infrastructures de transport. "Comme les organisations sous-régionales, notamment la Cedeao et l’Uemoa*, peinent à réaliser l’intégration, Yayi Boni a préféré une autre approche : celle d’un partenariat de voisinage, à commencer par le Nigeria avec qui nous réalisons 35 % de nos échanges commerciaux", explique l’agro-économiste béninois Bio Goura Soulé. Le 31 juillet 2007, le Bénin a concédé des droits d’exploration de son gisement pétrolier à trois entreprises privées du Nigeria, son grand voisin de l’Est, sixième exportateur mondial du pétrole brut.

Depuis l’accession au pouvoir de Boni Yayi, en avril 2006, "on note une volonté politique sans précédent des chefs d’Etat du Bénin et du Nigeria de rapprocher économiquement les deux pays", apprécie Martin Adjagodo, de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (Ccib). En un an, le président béninois a effectué une dizaine de visites officielles au Nigeria, un record jamais atteint par ses prédécesseurs. Intéressées, les autorités nigérianes, le nouveau président élu, Umaru Yar’Adua, en tête, lui ont rendu plusieurs fois la politesse".

Gros bénéfices sans fraude

De part et d’autre de la frontière, les actions communes se multiplient : organisation, du 26 juillet au 5 août derniers à Cotonou, d’une foire commerciale bénino-nigériane, la première depuis 1958 à en croire ses initiateurs ; tenue en février dernier, toujours dans la métropole béninoise, d’un forum réunissant 350 hommes d’affaires dont 170 Nigérians qui ont promis investir dans la production de seringues et la construction de fermes d’élevage, entre autres ; mise en service, le même mois, à Sakété (environ 70 km à l’est de Cotonou) du site d’interconnexion qui fournit au Bénin et au Togo 75 mégawatts d’électricité. "Avant, le savon, l’huile, les jus de fruit et le tissu écru fabriqués au Bénin entraient clandestinement dans notre pays, mais depuis l’accord entre Boni et Obasanjo, nous les importons librement et réalisons ainsi de gros bénéfices", se réjouit par ailleurs Sikiratu Lawal, commerçante nigériane.

Avant cette nouvelle impulsion, la coopération entre ces deux Etats ouest-africains se limitait à quelques initiatives isolées. Dans les années 70, ils avaient créé, au Bénin, la Société sucrière de Savè et la Société des ciments d’Onigbolo qui, mal gérées, ont été remises en location-gérance à des privés. "A l’époque, les objectifs de cette coopération étaient peu clairs et les deux pays ne savaient pas en fait ce qu’ils pouvaient apporter l’un à l’autre", reconnaît Martial Assah, du ministère béninois en charge du Commerce. Il en était résulté une contrebande de très grande ampleur. Selon le Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares), un centre d’étude privé béninois sur les échanges régionaux, 75 % des marchandises d’origine européenne et asiatique, débarquées au port de Cotonou en régime de consommation interne, étaient en fait ré-exportées en fraude vers le marché nigérian où ils concurrençaient les produits locaux. En 2003, le Nigeria avait fermé pendant quelques jours ses frontières terrestres avec le Bénin et mis en place un système rigoureux de contrôle des échanges commerciaux.

Des avantages partagés

Pourtant, malgré leurs différences, les deux pays ont tout intérêt à coopérer. Etat francophone de 116 000 km2 peuplé de 8 millions d’habitants, "le Bénin représente pour le Nigeria une terre d’opportunités", selon l’économiste nigérian Olaniyi Akangun. Il fait allusion à sa stabilité sociopolitique et sa position géographique qui fait de lui une porte d’entrée sur le marché de l’UEMOA, dont son pays ne fait pas partie. De l’autre côté, le Nigeria, Etat anglophone neuf fois plus étendu et vingt fois plus peuplé, offre d’énormes avantages au Bénin. "Son marché est un débouché sûr pour les produits béninois, estime Martial Assah. De même, l’investissement nigérian, jusque-là orienté vers le Ghana et l’Afrique du Sud, est important et nous devons tout faire pour l’attirer."

La révision, en cours, du Code béninois des investissements devrait contribuer à attirer les investisseurs, notamment nigérians, de même que la Zone franche industrielle de Sèmè-Kraké, non loin de la frontière avec le Nigeria, censée accorder aux opérateurs économiques des conditions plus favorables (eau, téléphone, exonérations fiscales...). Il reste toutefois à résoudre d’autres problèmes comme l’insécurité transfrontalière et l’accès des investisseurs à la terre, souvent objet de litiges au Bénin. En attendant, la voie de l’intégration des deux économies semble bien balisée.

*Cedeao : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra-Leone, Togo)
* Uemoa : Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo).


 source: Syfia