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Burkina Faso: La Confédération paysanne dit non aux APE

Le Pays (Ouagadougou) | 2 Mai 2007

Burkina Faso: La Confédération paysanne dit non aux APE

Paul-Miki Roamba

Les Accords de partenariat économique (APE) en cours de négociation entre l’Union européenne et la CEDEAO ne sont pas du goût de la Confédération paysanne du Faso (CPF). C’est ce qui ressort d’un point de presse sur la "crise dans la commercialisation de la tomate", animé le jeudi 26 avril dernier au siège de l’UNPCB à Bobo Dioulasso.

L’Union nationale des producteurs de fruits et légumes (UNPFL), à travers la déclaration liminaire lue par le président Marc Gansonré, a indiqué que la filière tomate au Burkina est en crise, au même titre que les filières coton et riz. Et cette situation, selon l’UNPFL est d’autant plus préoccupante qu’elle aurait conduit certains producteurs au suicide. La Confédération paysanne du Faso (CPF) qui s’est fait l’avocat des producteurs burkinabè de tomate a, lors du point de presse tenu dans le fief des cotonculteurs, énuméré quatre raisons majeures qui, selon elle, expliquent la mévente et le pourrissement qu’elle regrette dans la filière tomate.

Il s’agit d’abord de la faible absorption d’une production qui, selon les conférenciers, est en constante augmentation de l’ordre de 5 à 10%, du fait de la construction par le gouvernement, de nombreux barrages hydro-agricoles et de la promotion de la petite irrigation villageoise. Ainsi, les traditionnelles localités de production dans la région de Bobo, telles que Bama, Banakélédaga, Léguéma, Kuinima, etc. ont été vite rejointes par celles de Ouahigouya, Koudougou, Mogtedo, Kongoussi, Kaya, etc. Et du coup plus de 60 000 tonnes de tomates sont annuellement mises sur les marchés national et international. C’est excessif.

La seconde raison évoquée est la mauvaise jonction entre la production et la commercialisation, qui serait due à la contradiction entre les objectifs du ministère de l’Agriculture (accroître la production de 5 à 10% par an) et ceux du ministère du Commerce qui sont, selon les conférenciers restés vagues sur le sort des producteurs. La non-effectivité de la libre circulation des personnes et des biens dans la sous-région ouest-africaine serait la troisième situation dont est victime la filière tomate au Burkina. Et quatrièmement enfin, L’UNPFL, par la voix de son président, a dénoncé "l’agression du marché de nos produits agricoles par des produits agroalimentaires importés tels que la purée de tomate".

Partant de l’exemple de la crise que connaît la filière tomate, la CPF a émis de "sérieuses inquiétudes" quand aux enjeux éventuels des Accords de partenariat économique (APE), en cours de négociation entre l’Union Européenne et la CEDEAO. Au cas où ces fameux APE venaient à être effectivement signés en janvier 2008, les périmètres irrigués, les champs, les fermes, etc. des producteurs burkinabè et africains en général, seront "sinistrés", selon les termes des membres de la Confédération paysanne du Faso. La CPF qui reste indéfectiblement rattaché à son principe de préservation de la souveraineté alimentaire, pense qu’il est très tôt pour un pays comme le Burkina, d’aller vers les APE tel qu’ils se présentent.

Car cela pourrait subjuguer les productions agricoles nationales à une concurrence déloyale et un commerce inéquitable. De l’avis des portes-paroles des paysans burkinabè, l’heure est plutôt à l’application effective de certains textes adoptés par l’UEMOA et/ou la CEDEAO et qui, selon eux, n’existent que sur le papier. C’est le cas entre autres, des textes relatifs à la libre circulation des personnes et des biens, et ceux relatifs à la promotion des échanges commerciaux intra-régionaux.

Dans l’optique de sauver la tomate burkinabè prédestinée à l’exportation vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et la France, L’UNPFL, soutenue au plus haut niveau par la CPF, a formulé 5 propositions de solutions : La première, s’adressant aux horticulteurs eux-mêmes, préconise la planification de la production dans le temps et dans l’espace, conformément à la loi de l’offre et de la demande, de sorte à éviter la surproduction et la mévente. La deuxième s’adresse à l’Etat burkinabè auprès de qui les producteurs demandent la création de conditions favorables à la transformation de la tomate (réouverture de la SAVANA, relance de l’UCOBAM).

La troisième proposition s’adresse aux autorités des pays de l’UEMOA et de la CEDEAO, pour l’application effective du principe de la libre circulation des biens et des personnes et surtout de celui de la promotion des échanges commerciaux intra-régionaux. La quatrième solution pour sortir la filière tomate de l’ornière, s’adresse au consommateur burkinabè à qui l’UNPFL et CPF demandent de consommer les productions locales, dans une perspective de lutte contre la pauvreté. Et la cinquième proposition enfin est le refus des APE qui, selon les producteurs, viendront "exacerber la situation actuelle des paysans".

Le chef de l’Etat, Blaise Compaoré, lui qui est président en exercice de la CEDEAO et de l’UEMOA est conjuré par la CPF, d’user de tout son poids politique pour une relecture des APE. Car, comme l’a conclu François Tani, vice-président de l’UNPCB, ces accords tels que élaboré, répondent plutôt à un autre mot d’ordre, hostile aux petits producteurs d’Afrique et qui correspond d’ailleurs au sigle : "Abattre les pauvres dans leurs efforts".


 source: AllAfrica.com