bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

L’accord de libre-échange Kiev-UE entre en vigueur au grand dam de Moscou

All the versions of this article: [English] [français]

Le Parisien | 31 décembre 2015

L’accord de libre-échange Kiev-UE entre en vigueur au grand dam de Moscou

L’accord de libre-échange entre Kiev et Bruxelles doit entrer en vigueur vendredi, en même temps qu’un embargo alimentaire russe contre l’Ukraine, véritable tournant pour cette ancienne république soviétique dont le rapprochement avec l’UE a déclenché une grave crise avec la Russie.

L’accord d’association Ukraine-UE a été signé en juin 2014, sept mois après la date initialement prévue. Visant en particulier à lever les barrières douanières, ce document est "un coup de pouce pour le développement" du pays, résume à l’AFP Egor Perelyguine, expert à la banque UniCredit.

Traditionnellement tournée vers la Russie voisine, l’Ukraine va devoir réorienter son économie vers le marché européen et se plier à ses règles.

"L’accord contribuera à la modernisation et à la diversification de l’économie ukrainienne et incitera davantage aux réformes, notamment dans la lutte contre la corruption", a estimé jeudi la Commission européenne.

Le texte "va donner à l’Ukraine l’opportunité d’améliorer son climat des affaires et d’attirer des investissements étrangers", a-t-elle assuré dans un communiqué.

Commerce avec Moscou en chute libre

Le chemin vers cet accord aura été semé d’embûches.

En novembre 2013, le refus de l’ex-président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch de le signer a déclenché le mouvement de contestation pro-européen du Maïdan à Kiev, qui a abouti à sa fuite en Russie, suivie de l’annexion de la Crimée par Moscou et d’un conflit avec les séparatistes prorusses dans l’est du pays.

L’accord d’association avec l’UE a finalement été signé en juin 2014 par le nouveau président pro-occidental Petro Porochenko, bien que l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange a été retardée au 1er janvier 2016 à la demande de Moscou.
Craignant de voir son marché inondé de produits européens — ce que réfute Bruxelles —, la Russie a pris des mesures de rétorsion.

Après avoir imposé depuis 2014 une série de restrictions commerciales sur les produits alimentaires ukrainiens, Moscou a décidé d’exclure à partir du 1er janvier Kiev de la zone de libre-échange liant plusieurs pays de l’ex-URSS, mais aussi d’étendre à l’Ukraine l’embargo alimentaire déjà imposé aux pays occidentaux.

Les marchandises en provenance du territoire ukrainien ne pourront plus passer la frontière russe en bénéficiant d’une exemption des droits de douane, mais seront désormais soumis à des droits de 6%-7% en moyenne.

Le président Porochenko a reconnu que la suspension de ces tarifs préférentiels allait "porter préjudice" à l’économie ukrainienne, qui traverse actuellement une grave crise et vit sous perfusion financière de ses alliés occidentaux.
"Nous sommes prêts à payer le prix pour notre liberté et notre choix européen", a-t-il cependant lancé.

Les pertes ukrainiennes en termes d’exportations annuelles dues à l’embargo russe risquent de s’élever à 600 millions de dollars, selon le gouvernement ukrainien, qui a d’ores et déjà annoncé des mesures de représailles. La liste des biens russes qui seront interdits sera prochainement officiellement annoncée.

L’Ukraine exportait majoritairement des produits agricoles, des légumes, des fruits, des produits laitiers et des friandises vers la Russie, selon le ministère de l’Economie.
"Bien sûr, pour les producteurs ukrainiens cela va être un problème. Mais il ne faut pas oublier que nombre d’entre eux se sont déjà depuis longtemps entièrement ou partiellement réorientés, sur des marchés alternatifs: UE, Afrique, Kazakhstan, Chine, Proche-Orient", tempère M. Perelyguine.

Selon le vice-ministre russe de l’Economie Alexeï Likhatchev, les relations commerciales entre les deux pays ont effectivement chuté de 70% depuis 2011.

Effets à long terme

Concernant l’arrivée sur le marché ukrainien de produits européens, "il est difficile de prévoir comment va s’établir la concurrence (...) et quelles seront les conséquences de cette concurrence sur les producteurs ukrainiens", estime Olexandra Brovko de l’ONG ukrainienne Centre de facilitation en investissement et commerce.

Néanmoins, selon elle, leur présence ne va pas nécessairement être synonyme de baisse de la demande pour les produits domestiques.

"Il est possible que certains produits européens trouvent des acheteurs et occupent une niche sur le marché ukrainien, là où il n’y a pas de compétiteurs" locaux, estime-t-elle.
Pour Olexandre Valtchichen, économiste à Investment Capital Ukraine, l’accord avec l’UE pourrait surtout attirer les investissements pour produire dans le pays "étant donné les prix très compétitifs de la main d’oeuvre".

Il rappelle cependant que les premiers effets de cet accord ne seront visibles que sur le long terme étant donné que l’économie de l’UE n’est actuellement pas "prospère".


 source: Le Parisien