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L’automobile au cœur des négociations de l’ALENA

Radio Canada | 17 août 2017

L’automobile au cœur des négociations de l’ALENA

L’industrie canadienne de l’automobile et le million d’emplois qui y sont associés pourraient se retrouver au cœur des négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), après certaines déclarations en ce sens de la délégation américaine mercredi.

Au cours de la première journée de discussions entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, le représentant commercial américain Robert Lighthizer a lancé les échanges en affirmant que le « carnage » survenu dans le secteur manufacturier américain était la raison pour laquelle l’ALENA a mauvaise presse pour bon nombre de ses concitoyens.

Selon lui, Washington a indiqué, très haut dans sa liste de priorités pour ces négociations, sa volonté que davantage de pièces soient fabriquées en Amérique du Nord.

Pour éviter d’imposer des tarifs douaniers, les États-Unis exigeraient donc que les fabricants s’installent davantage sur le continent, et surtout de façon substantielle au pays de l’Oncle Sam.

Les normes actuelles exigent que 62,5 % des pièces d’un véhicule soient fabriquées en Amérique du Nord. Les détails de ce qu’exige le représentant américain n’ont pas encore été dévoilés.

M. Lighthizer a toutefois demandé de mettre en place une surveillance plus stricte pour s’assurer que les entreprises respectent les règles sur la provenance des pièces.

Le représentant de l’administration Trump a aussi appelé à un rehaussement des normes du travail dans l’industrie.

Concurrence accrue

Selon les représentants de syndicats canadiens, un tel renforcement réglementaire entraînerait non seulement une augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail pour les travailleurs mexicains et d’une partie des travailleurs aux États-Unis, mais aiderait également à rendre le Canada – où les salaires sont plus élevés – plus attrayant pour les entreprises.

Si les United Automobile Workers, aux États-Unis, sont favorables à cette idée, les constructeurs ne partagent pas cet enthousiasme. Ils estiment que l’importation de pièces au rabais aide à abaisser les coûts du produit final.

En général, une plus forte part de pièces provenant des pays de l’ALENA, y compris des pièces américaines, signifie que la voiture sera plus chère à l’achat.

Mercredi, Ottawa et Mexico ont fait savoir qu’ils s’opposaient à des normes spécifiques sur une telle disposition.

« Plusieurs membres de la communauté d’affaires estiment que l’ALENA fonctionne très bien, et ne souhaitent pas un chambardement dans les chaînes d’approvisionnement existantes », mentionne Jeffrey J. Schott, un expert de l’ALENA au Peter Institute for International Economics, à Washington.

Même son de cloche auprès de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

Dans un discours prononcé mercredi, elle a affirmé que les entreprises avaient justement eu de bons résultats en tirant profit des chaînes d’approvisionnement.

L’heure est au changement

Malgré tout, plusieurs observateurs du secteur estiment qu’il est temps que de nouvelles règles soient écrites pour l’industrie de l’automobile dans le cadre de l’ALENA, dont les bases ont été jetées il y a 23 ans.

Certains imputent à l’accord la fermeture de quatre usines d’assemblage au Canada, et d’une dizaine aux États-Unis.

Pendant ce temps, le Mexique a vu les usines se multiplier depuis l’entrée en vigueur du traité commercial.

« Il est primordial que la position canadienne demeure au minimum aussi importante qu’elle l’était auparavant », avance le professeur Tony Faria, de l’École d’affaires de l’Université de Waterloo.

Selon lui, les automobiles, en tant que plus importante composante des exportations canadiennes, sont un aspect essentiel de l’économie nationale.

« L’industrie est si vaste... Et les impôts payés représentent plusieurs milliards de dollars chaque année. »

Les produits laitiers aussi visés

Outre leur intérêt pour l’industrie automobile, les États-Unis ne cachent pas leur volonté de s’attaquer au système canadien de gestion de l’offre des produits laitiers.

En déplacement à Washington pour les négociations, le président des Producteurs laitiers du Canada, Pierre Lampron, n’est pas surpris du « ton dur » adopté par Washington sur cette question.

Pour M. Lampron, l’aspect essentiel des tractations commerciales est qu’« il n’y ait aucun impact négatif pour les producteurs [laitiers] ».

« Nous en sommes encore au début des négociations », rappelle-t-il, en entrevue à RDI.

Le président estime par ailleurs que l’industrie a « fait sa part » en acceptant une ouverture plus importante du marché aux fromages fins européens lors des négociations en vue de la conclusion de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne.

Ottawa aurait ainsi « garanti que nous n’aurions pas d’impact négatif », poursuit M. Lampron.

Pas de velléités expansionnistes

Les producteurs laitiers du Canada affirment également n’entretenir aucune visée d’exportations au sud de la frontière.

« La gestion de l’offre est un choix collectif [...] qui représente le marché [intérieur], et nous répondons à 100 % de la demande », indique M. Lampron.

« Les Américains sont en situation de surproduction [de produits laitiers] et désirent envoyer ces surplus au Canada. Mais ce n’est pas le choix des Canadiens; le choix des Canadiens, c’est la gestion de l’offre pour vraiment répondre au marché. »


 source: Radio Canada