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Le Canada se rapproche d’une entente avec l’Inde

La Presse | 21 octobre 2017

Le Canada se rapproche d’une entente avec l’Inde

by MAXIME BERGERON

Alors qu’une petite armée de diplomates canadiens bûche en coulisse depuis des mois dans l’espoir de sauver l’ALENA, Ottawa met aussi les bouchées doubles en vue de diversifier ses risques à l’étranger. Des pourparlers commerciaux sont en cours avec une série de pays, et une entente sur les investissements pourrait être conclue avec l’Inde d’ici « quelques mois », a appris La Presse.

En entrevue dans son bureau de la promenade Sussex, le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a dit avoir bon espoir que les discussions entamées il y a plus d’une décennie portent bientôt leurs fruits. Le Canada songe à conclure un éventuel accord de libre-échange avec le géant indien, mais les pourparlers les plus avancés concernent une entente sur « la promotion et la protection des investissements étrangers ».

« Du côté canadien, on est prêts à aller de l’avant, a indiqué le ministre. J’ai déjà eu beaucoup de discussions. L’Inde est probablement le pays que j’ai visité le plus à part le Canada depuis le début de mon mandat. On est à regarder avec nos homologues indiens comment on peut finaliser [cette entente]. »

8 MILLIARDS

L’accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) vise à offrir davantage de « prévisibilité » et une « certitude accrue » aux groupes canadiens qui souhaiteraient investir en Inde. Les grands fonds de retraite, par exemple, pourraient bénéficier de cet accord.

François-Philippe Champagne effectuera une mission économique en Inde le mois prochain avec une délégation de gens d’affaires et les ministres Navdeep Bains (Innovation) et Marc Garneau (Transports). Ils souhaitent stimuler les échanges entre les deux pays, qui atteignent, bon an, mal an, 8 milliards de dollars. L’Inde affiche depuis deux ans la plus forte croissance économique de la planète.

La mission pourrait aussi contribuer à mettre la dernière main à l’APIE.

« J’espère qu’on arrivera à quelque chose dans les prochains mois. J’ai parlé au ministre des Finances en Inde, on a eu plusieurs discussions. »
 François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international

Ottawa explore toujours la possibilité de ratifier un accord de libre-échange avec l’Inde, mais cette perspective apparaît plus éloignée, reconnaît le ministre âgé de 47 ans. « Il faut se le dire, ça va être long. Il y a eu plusieurs rondes de négociations. Quand je suis arrivé en poste, j’ai ranimé cette discussion-là parce que je crois fortement qu’on peut aller plus loin dans cette dynamique-là. »

UN « PLAN B » POUR L’ALENA ?

François-Philippe Champagne a été nommé ministre du Commerce international en janvier dernier, alors que le ton de l’administration Trump devenait de plus en plus acerbe envers l’ALENA. Chrystia Freeland, qu’il remplace, a pris la tête des Affaires étrangères et chapeaute depuis les négociations en vue de moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain.

Sans conjecturer sur le « plan B » du Canada en cas d’échec des pourparlers, François-Philippe Champagne estime que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il rappelle que les échanges totalisent 2 milliards chaque jour entre les deux pays, que 400 000 personnes traversent quotidiennement la frontière et que le Canada achète davantage des États-Unis que la Chine, le Japon et le Royaume-Uni réunis. « J’ai toujours dit : le bon sens finit par primer », lance-t-il avec prudence.

Sa principale priorité depuis son entrée en poste est la mise en oeuvre progressive de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

« C’est le plus grand accord de commerce que le Canada a mis en place, rappelle M. Champagne. Avec la mise en oeuvre de cet accord le 21 septembre, ça ouvre un marché commercial de 510 millions de consommateurs, 1300 milliards d’approvisionnement public en Europe, c’est aussi un accord historique au niveau de la mobilité de la main-d’oeuvre. »

CHINE ET MERCOSUR

Le Canada mène par ailleurs des discussions avec une série d’autres régions en vue de conclure des ententes de libre-échange, notamment les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et la Chine. Malgré la tenue de plusieurs « discussions exploratoires » et la réalisation d’« études de faisabilité » depuis 2016, une entente n’est toutefois pas à portée de main avec le mastodonte chinois.

« J’ai dit aux Chinois : trois choses sont très claires, affirme le ministre Champagne. D’abord, on fait ça à notre rythme, selon nos termes, avec les yeux grands ouverts. Parce que les gens s’attendent à ce que, oui, on ouvre des marchés dans la région de l’Asie-Pacifique, mais aussi qu’on ait des accords qui soient progressistes et qui correspondent aux valeurs des Canadiennes et Canadiens. »

ALENA: Washington mal informé

Justin Trudeau et ses ministres le répètent depuis des semaines : le Canada souhaite le meilleur dans le cadre des négociations de l’ALENA, mais se prépare aussi « au pire ». Il semble que cette attitude ne soit pas partagée à Washington. L’administration de Donald Trump n’aurait encore préparé aucune étude d’impact économique sur la disparition éventuelle de l’ALENA, rapportait hier La Presse canadienne. Robert Lightizer, le secrétaire américain du Commerce, a déclaré qu’aucune analyse n’avait encore été faite, car Washington se concentre sur la négociation d’une entente avec le Canada et le Mexique.


 source: La Presse