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Libre-échange : le débat se polarise sur le partenariat transatlantique

Les Echos | 15.04.2014

Libre-échange : le débat se polarise sur le partenariat transatlantique

Par Catherine Chatignoux et Virginie Robert

Les critiques montent sur les négociations commerciales. Le commissaire Karel De Gucht se défend de toute opacité des débats.

Placardée sur les kiosques la semaine dernière, la une de l’hebdomadaire « Marianne » a fait son effet. Un aigle dominateur avec en fond le drapeau américain : « Comment les Américains vont nous bouffer ». Le dossier est une attaque en règle contre le traité de libre-échange (TTIP) que l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis ont commencé à négocier. Est-ce le début d’une contestation plus large qui pourrait monter crescendo avant les élections européennes ? Encore à leurs prémices, ces négociations ont pour objet de faire sauter les barrières tarifaires et d’harmoniser les normes sanitaires ou juridiques et les standards.

Il s’agit du plus grand accord de libre-échange jamais négocié. Karel de Gucht, le commissaire européen chargé de la négociation, y voit une opportunité unique pour consolider la sortie de crise en créant 120 milliards d’euros de croissance additionnelle d’ici à cinq ans, mais aussi une occasion de réguler la mondialisation. « Il faut réaffirmer notre leadership quand le centre de gravité se déplace vers l’Asie », a-t-il insisté la semaine dernière à Paris.

Quatre « rounds » de discussions ont déjà eu lieu et tous les sujets ont été abordés une fois. Il y a des points durs : les Européens veulent que leurs entreprises puissent accéder aux marchés publics américains et veulent un chapitre « énergie » où il y ait des garanties d’approvisionnement pour l’Europe. Les Etats-Unis veulent mettre en place un mécanisme d’arbitrage (ISDS) qui autorise une entreprise à attaquer un Etat pour une législation qui lui ferait tort. L’Europe a lancé une consultation publique à ce sujet. « Il existe déjà 1.400 accords avec ce genre de dispositif dans l’UE », observe Karel De Gucht. Ce n’est donc pas un mécanisme inconnu en Europe, mais il souhaiterait limiter son utilisation « à la discrimination ». Et il y a bien évidemment des différends sectoriels sur l’agriculture, l’aéronautique, les médias, etc…

Les détracteurs du TTIP reprochent avec vigueur un manque de transparence dans les négociations. Le mandat n’a pas été publié - bien qu’il ait fuité dès le début des discussions – et les ONG se plaignent de l’opacité des débats. « La transparence est présente dans les négociations, plaide le commissaire. Nous avons ouvert une “reading room “où les textes négociés sont consultables à tout instant par les parlementaires. » Certains redoutent aussi que les Européens s’alignent systématiquement sur les standards américains jugés inférieurs. Karel De Gucht se défend d’un tel dessein : « J’ai dit explicitement devant le Parlement européen que nous n’accepterons pas les OGM ni le bœuf aux hormones. ». Dans une récente tribune au site Euractiv, Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC, évoque un autre risque. Ce traité, une fois conclu, pourra être régulièrement remis à jour dès lors qu’il y aura convergence entre les parties, sans avoir besoin de rouvrir le texte. Un accord vivant en quelque sorte. « Cela peut poser des problèmes de responsabilité, car on verra apparaître des processus réglementaires qui vont graduellement se détacher de la politique décidée à l’origine et donc des préférences de ceux qui sont réglementés. » Il réclame donc un contrôle parlementaire a posteriori afin de garantir la légitimité du TTIP dans le temps.

Écrit par Catherine CHATIGNOUX
Chef de service adjointe
cchatignoux@lesechos.fr

Écrit par Virginie ROBERT
Chef du Service International
vrobert@lesechos.fr


 source: Les Echos