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Les accords commerciaux menacent les objectifs climatiques européens

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EurActiv | 10 juillet 2017

Les accords commerciaux menacent les objectifs climatiques européens

par Sarantis Michalopoulos

Les accords commerciaux en cours de négociation avec des pays d’Asie et d’Amérique du Sud nuiront aux objectifs climatiques de l’UE en matière de transport, prévient l’ONG Transport&Environment.

Une bonne volonté politique booste actuellement les négociations de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), s’est récemment félicité Cecilia Malmström. « Les cinq partenaires devront travailler dur cet automne pour conclure un accord équilibré et mutuellement bénéfique avant Noël », a indiqué la commissaire au commerce.

Un accord avec l’Indonésie est en cours de préparation, alors que les discussions avec la Malaisie ont été gelées en avril 2012.

Tous ces pays sont des producteurs et exportateurs de biocarburants issus de cultures vivrières, et notamment de l’huile de palme et de l’huile de soja, qui génèrent encore plus d’émissions de gaz à effet de serre que le diesel fossile, prévient l’ONG Transport and Environment (T&E).

Dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables, la Commission européenne a proposé de réduire la contribution des biocarburants conventionnels, afin d’atteindre un plafond de 7 % en 2021 et 3,8 % en 2030.

L’exécutif compte également augmenter à 6,8 % la part des « carburants à faibles émissions », comme l’électricité issue des renouvelables et les biocarburants avancés dans le transport.

Contradiction

T&E avertit cependant que les accords commerciaux prévus contredisent l’esprit de la directive sur les énergies renouvelables. « Les deux approches risquent de se contredire », estime l’ONG dans un rapport. « Même si la Commission a signalé son intention de réduire les biocarburants issus de cultures vivrières, le plafond prévu de 3,8 % encouragera une demande continue. »

Une fois les accords commerciaux conclus, cette demande sera de plus en plus alimentée par des « biocarburants peu chers et non durables provenant d’Amérique du Sud ou du Sud-est asiatique ».

Les négociations en cours avec le Mercosur et les pays d’Asie comprennent un chapitre sur l’énergie et les matières premières, tout comme le TTIP, l’accord gelé entre l’UE et les États-Unis.

Pour T&E, la suppression des barrières tarifaires résultera tout simplement en une augmentation des exportations de biocarburants non durables depuis ces régions. « Cela pourrait mener à davantage de déforestation, à une perte de biodiversité et à une hausse des émissions de gaz à effet de serre des biocarburants », poursuit le rapport.

Afin de garantir une réduction des émissions de carbone et la protection de la biodiversité, l’UE a défini une série de critères pour la production de biocarburants. Ces critères s’appliqueront naturellement aux produits autorisés dans le cadre du plafond de 3,8 %. Pourtant, « l’UE surveille, mais ne tient pas compte de l’impact du changement indirect dans l’affectation des sols (CASI) lié aux biocarburants », précise également l’ONG, alors même que le CASI lié à l’huile de palme et de soja constitue une grande partie de l’impact environnemental négatif des biocarburants.

L’ONG est particulièrement inquiète d’une possible augmentation des importations de biocarburant non durable depuis l’Argentine. Le pays s’est en effet récemment plaint à l’Organisation mondiale du commerce des critères de durabilité européens appliqués aux biocarburants.

L’Argentine produit du biodiesel de soja à bas prix. Ce type de biocarburant est deux fois plus polluant que le diesel traditionnel, dénonce T&E. Résultat : « le Mercosur pourrait faire pression sur l’UE pour qu’elle affaiblisse ses politiques internes », s’inquiète le rapport.

Celui-ci se penche également sur les cas de l’Indonésie et de la Malaisie. En avril, le Parlement européen a voté une résolution appelant la Commission à mettre un terme aux « effets catastrophiques » de la production d’huile de palme.

L’Indonésie et la Malaisie sont les plus gros producteurs d’huile de palme au monde. Elles fournissent en effet environ 58 % de la production mondiale. Après l’Inde, l’UE est le deuxième plus gros acheteur depuis ces deux pays.

Selon les données de Gapki, l’association indonésienne de l’huile de palme, l’Indonésie a exporté 4,37 millions de tonnes d’huile de palme vers l’Europe en 2015. La Malaisie a pour sa part envoyé 2,06 millions de tonnes vers les pays européens.

« Nous ferons tout notre possible pour convaincre le Parlement européen et les pays de l’UE de ne pas concrétiser [cette résolution] », a déclaré Darmin Nasution, vice-ministre indonésien aux Affaires économiques. « Nous ne voulons pas encore penser à un compromis, nous négocierons jusqu’au bout. »


 source: EurActiv