Walf Fadjri | 6 mai 2009
Signature des Ape avec la communauté européenne : L’Afrique craint pour son intégration régionale
Abdoulaye SIDY
C’est le 30 juin prochain, dernier délai du calendrier des négociations, que l’Afrique de l’Ouest devra ou non signer, avec la communauté européenne, un Ape régional, complet ou incomplet. Mais, l’Afrique semble aller vers ce rendez-vous la peur au ventre : Celle de signer un accord qui casserait la dynamique de son intégration.
Au fur et à mesure que ce délai du 30 juin 2009 approche, l’Afrique de l’Ouest multiplie les initiatives et les travaux pour achever les chantiers prioritaires dont la finalisation est un préalable pour que l’Ape ait des chances d’être un accord de développement pour la région. L’atelier d’hier, organisé à l’Ucad II par la Plate-forme des acteurs non-étatiques, en collaboration avec Enda Tiers Monde et la Fondation Friedrich Ebert s’inscrit dans ce cadre. Cette rencontre à laquelle ont pris part l’Etat, le Parlement, le secteur privé, la société civile, les syndicats et les partenaires, a permis de cibler les plus importants chantiers. Il s’agit de l’élaboration de l’offre d’accès au marché, la finalisation et la mise en œuvre du Tarif extérieur commun (Tec) Cedeao et l’élaboration du Programme de l’Ape pour le développement (Paped).
Au cours de diverses interventions, il a en effet été d’emblée retenu que ‘le Tec ne sera probablement pas prêt, tandis que l’offre d’accès au marché comme le Paped est sur la table de négociations et (elle) fait l’objet de divergences entre l’Afrique de l’Ouest et la communauté européenne’. Toutes choses qui font dire au président de la Plate-forme des acteurs non-étatiques, Papa Nalla Fall, que l’Afrique reste soumise à la contrainte de devoir jouer très serrée en perspective du 30 juin 2009. En attendant ce rendez-vous essentiel pour l’Afrique de l’Ouest, qui devra signer ou pas avec la communauté européenne un Ape régional, complet ou incomplet et les conséquences à court et long termes, les participants n’ont pas caché leur crainte majeure d’assister à une approbation de cet accord qui briserait le processus d’intégration régionale.
Selon Cheikh Tidiane Dièye de Enda Tiers Monde, qui a axé son exposé sur les scénarii appropriés pour la région de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire a signé son Ape et pourrait difficilement revenir là-dessus. De même que le Ghana, qui a paraphé un Ape et qui pourrait le signer prochainement. Le Nigeria, quant à lui, est dans le Système généralisé de préférence (Sgp) et a les moyens d’y rester à défaut de mieux.
A l’opposé de ces quatre Pays en développement (Ped) y compris le Cap-Vert, les Pays moins avancés (Pma), à l’image du Sénégal, pourraient se contenter le 30 juin à venir de leur régime ‘tous sauf les armes’. Celui-ci leur préserve, en fait, un accès au marché européen sans obligation de suppression tarifaire. Ce qu’ils feraient dans le cadre d’un Ape, d’après Cheikh Tidiane Dièye. Il ajoute que certes il a été convenu, de part et d’autre, que les accords intérimaires, même signés, cesseront d’exister aussitôt que l’Ape régional sera conclu. A son avis, l’engagement de ces pays ne tempère que très partiellement la tension qui s’exerce avec de plus en plus d’intensité sur tout le processus d’intégration régionale.
Face à ce dilemme pour l’ensemble des Etats de la région et ses conséquences sur la cohésion et la solidarité, il a été retenu deux des quatre scénarii jugés plus plausibles pour l’Afrique de l’Ouest. Au cours de son exposé, Cheikh Tidiane Dièye de Enda Tiers Monde résume le premier partant de l’importance que tous semblent accorder à l’intégration régionale. A l’en croire, il se pourrait que les autorités politiques de la région soient amenées, peut-être malgré elles, à faire de nombreuses concessions à la partie européenne dans le but de parvenir rapidement à un Ape régional, complet ou incomplet qui non seulement remplacerait l’Ape de la Côte d’Ivoire, mais aussi préserverait ce pays du risque de se mettre, peut-être définitivement, en marge du processus d’intégration économique. L’objectif ultime étant ici de préserver l’intégration de l’Afrique de l’Ouest à tout prix.
Le second scénario n’est pas plus heureux pour la région. D’après le conférencier, si la conclusion d’Ape régional devait avoir pour seule motivation le maintien de la Côte d’Ivoire et du Ghana dans le giron de l’Uemoa et de la Cedeao, et si le prix à payer en termes de concession sur ces sujets, dont la plupart sont vus comme des lignes rouges, s’avérait trop élevé, de nombreux Etats, en particulier les Pma comme le Sénégal pourraient n’avoir aucune raison de signer. Puisque même sans Ape, leur statut les préserve de tout risque de pertes commerciales. Pour les deux autres non Pma restants, le Nigeria et le Cap-vert, signale Cheikh Tidiane Dièye, le premier a déjà démontré sa capacité à supporter durablement une non-signature de l’Ape, et en conséquence une perte commerciale vis-à-vis de l’Europe ; tandis que le second bénéficie encore des mêmes avantages que les Pma dans de nombreux domaines.