Afrik.com | Vendredi 25 septembre 2009
L’Afrique à l’heure vénézuélienne
Le deuxième sommet Afrique-Amérique du Sud se tient ce week-end
par Stéphanie Plasse
Le deuxième sommet Afrique-Amérique du Sud ne devrait pas passer inaperçu. Plusieurs dirigeants africains feront le déplacement, ce week-end, sur l’île de Margarita au Nord du Venezuela. Parmi eux : Mouammar Kadhafi (Libye), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Robert Mugabe (Zimbabwe), Abdelaziz Bouteflika (Algérie). Les présidents les plus influents du continent assisteront à cette rencontre qui devrait être axée, selon le ministère de la Communication et de l’Information du Venezuela, sur le « rapprochement stratégique » entre les deux régions, la crise énergétique, la sécurité alimentaire ou encore la crise financière.
« Nous sommes d’accord sur le fait que ce sommet ne doit pas être simplement un sommet de plus. Ce sera un sommet fructueux, pas seulement des discours et une déclaration finale qui passe inaperçue. Nous œuvrons à l’intégration de l’Amérique du Sud et de l’Afrique », avait lancé début septembre Hugo Chavez, le président vénézuélien, lors d’une visite à Tripoli. Des propos qui en disent long sur l’impulsion que compte donner le dirigeant aux relations Sud-Sud. Lors du sommet, Hugo Chavez devrait présenter plusieurs propositions sur le renforcement de la coordination entre l’Union des nations sud-américaines et les Etats africains. Le journaliste et écrivain Jean-Jacques Seymour en a retenu deux parmi elles : la création d’une banque pour l’Amérique latine et l’Afrique censée être « une alternative au Fonds monétaire internationale et à la Banque mondiale dont les pays du Sud sont dépendants ». Et l’application d’une monnaie unifiée qui doit remplacer le FCFA et qui inaugura « des échanges commerciaux “gagnant-gagnant” ».
L’Afrique, les Caraïbes et l’Amérique latine : « une essence métisse »
L’intérêt du président vénézuélien pour l’Afrique s’inscrit dans une dynamique de coopération initiée avec les Caraïbes en avril 2005 avec l’association bolivarienne pour les Amériques (ALBA). Cette organisation politique sociale et économique a été créée à l’initiative de la Havane et de Caracas pour promouvoir la coopération entre les deux pays socialistes de l’Amérique latine et les Caraïbes. L’Alba se veut une concurrente de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), « initiatives pour les Amériques » promulguée par l’ancien président américain George Bush en 1990, qui passe par la suppression des droits de douanes.
Dans l’esprit d’Hugo Chavez, le continent africain, les Caraïbes, et l’Amérique latine représentent « une essence métisse ». « Nous avons davantage à faire en compagnie de notre continent frère, la Mère Afrique, après avoir fixé nos yeux sur l’univers occidental et capitaliste. Caracas doit devenir un pont de toutes sortes de coopération culturelle, économique entre l´Afrique et l´Amérique Latine », déclarait-il dimanche lors d’un hommage rendu à Thomas Sankara [1].
C’est dans cette optique qu’Hugo Chavez multiplie depuis 2005 les échanges avec l’Afrique. Par exemple, le Venezuela coopère avec le Mali dans des domaines variés : les télécommunications, l’agriculture, les mines, la santé et l’éducation. Pour inciter les Etats africains à se rapprocher de l’Alba, le pays d’Amérique latine compte sur ses ressources pétrolières. Le Venezuela figure parmi les pays possédant les plus grandes réserves d’hydrocarbures et fournit déjà du brut à des tarifs privilégiés à 17 pays d’Amérique centrale et des Caraïbes depuis 2005. Un atout de taille pour les pays énergiquement dépendants.
Pour les pays africains dotés déjà de ressources pétrolières, Hugo Chavez adopte une autre stratégie : le partenariat. Lors de sa tournée africaine en septembre, le président vénézuélien a proposé au chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika une collaboration entre les compagnies de son pays et le groupe pétrolier national, Sonatrach, afin de damer le pion aux Etats Unis qui, selon Hugo Chavez, « pillent les richesses africaines ». Cette approche anti-impérialiste vise « à l’intégration d’un Sud débarrassé de la tutelle des pays riches », souligne François Polet, chercheur au Centre tricontinentale (CETRI). Une idéologie empruntée au « Liberator » Simon Bolivar [2] qui souhaitait libérer les peuples opprimés des puissances dominantes.
Le Brésil et le Venezuela jouent des coudes
Mais cette vision antiaméricaine n’a pour l’instant pas réussi à détrôner le Brésil qui occupe une place de choix en Afrique. « Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, le président brésilien Lula da Silva a fait du continent africain et notamment de l’Afrique du Sud, l’une de ses priorités économiques. Il a d’ailleurs créé une alliance Inde-Brésil-Afrique du Sud (IBAS) pour changer la géographie mondiale du monde, desserrer les relations inégales avec la Triade (Amérique du Nord, Europe occidentale et Asie Pacifique) et établir des partenariats plus équilibrés », explique Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégique (IRIS). L’IBAS souhaite promouvoir en Afrique les biocarburants, générateurs d’emplois. Et notamment de l´éthanol, énergie renouvelable élaborée avec la canne à sucre, que le Brésil et l´Inde cultivent en grande quantité.
Ces partenariats profitent à l’Afrique. « Convoité par le Brésil, le Venezuela, la Chine, les Etats Unis et l’Europe, le continent peut faire jouer la concurrence. Il a à sa disposition une palette de pays économiques », analyse François Polet. « Les pays du Sud sont avantagés par rapport aux pays du Nord. D’abord parce qu’ils posent moins de conditionnalités (mesures sur les droits de l’Homme par exemple) lors des accords de coopération que les Etats-Unis et l’Europe, et deuxièmement parce qu’ils disposent d’une structure économique dans le domaine de l’agriculture semblable à l’Afrique », conclut-il.
Trois ans après le premier sommet Afrique-Amérique du Sud qui s’était tenu à Abuja, la capitale nigériane, l’Amérique latine confirme sa présence sur le continent africain. Après le Brésil, c’est au tour du Venezuela représenté par le charismatique Hugo Chavez de convaincre les dirigeants africains d’un renforcement des coopérations Sud-Sud.