Alternatives Economiques | 1 janvier 2019
Quels sont les effets du Ceta jusqu’ici ?
by Mathilde Dupré
Un an après son entrée en vigueur à titre provisoire, le Ceta présente un bilan mitigé. En dépit des controverses, il sert de modèle à de nombreux autres accords.
Il est évidemment un peu tôt pour tirer un bilan définitif de l’Accord économique et commercial global (AECG) ou Ceta en anglais (pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) entre le Canada et l’Union européenne. Et ce d’autant plus que l’application provisoire de l’accord depuis le 21 septembre 2017 n’est pas complète. Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats, notamment, n’entrera en vigueur que si l’ensemble des parlements nationaux donnent leur feu vert.
La première année d’application provisoire du Ceta a néanmoins été célébrée par la Commission européenne, qui met en avant la hausse des exportations européennes vers le Canada d’environ 7 %.
Qu’en est-il des autres effets ? Sans surprise, la hausse annoncée du transport international et des émissions de gaz à effet de serre associées se confirme. Le transporteur Maersk table ainsi sur une croissance de 7 % du trafic maritime en provenance et vers le Canada en 2018.
Les activités de coopération réglementaire ont également commencé. Elles visent à harmoniser les règles et les standards en vigueur de part et d’autre pour éliminer les obstacles au commerce. Plusieurs sujets hautement controversés ont déjà été mis à l’agenda des toutes premières réunions des comités techniques spécialisés. On sait par exemple que le Canada a fait part de ses inquiétudes relatives à une éventuelle interdiction du glyphosate et aux analyses européennes de risques en matière d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Malheureusement, les comptes rendus très succincts de ces rencontres rendent difficile tout véritable contrôle démocratique et citoyen de cette coopération.
Par ailleurs, les Amis de la Terre ont révélé qu’une entreprise canadienne, Vermillon, avait menacé l’Etat français de poursuites à travers un autre accord de protection des investissements (le traité sur la charte de l’énergie) pour amoindrir avec succès la portée de la loi Hulot sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures adoptée en décembre 2017. Cette affaire, qui confirme le caractère dissuasif de ce dispositif, devrait inviter les responsables politiques à réexaminer la situation avec prudence avant d’actionner le chapitre de protection des investissements du Ceta.
En France, le vote sur le Ceta ne devrait pas avoir lieu avant le deuxième semestre de l’année 2019. Une nouvelle étude d’impact devrait être remise aux parlementaires pour éclairer le débat. Interrogée par la Belgique sur la compatibilité du Ceta avec les traités européens, la Cour de justice européenne doit aussi encore rendre un avis au printemps prochain.
Mais le Ceta sert d’ores et déjà de modèle pour l’ensemble des autres accords en préparation, en dépit des engagements pris par le gouvernement français de réformer la politique commerciale. Le Parlement européen a ainsi approuvé le 12 décembre un accord de commerce encore plus important avec le Japon. Avant les élections, il sera invité à se prononcer sur deux accords de commerce et d’investissement négociés avec Singapour et le Vietnam. Par ailleurs, les négociations reprennent dans un format restreint avec les Etats-Unis. D’autres sont bien avancées avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Et elles commencent avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.