La mobilisation contre les accords transatlantiques reste vive

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EurActiv | 8 décembre 2016

La mobilisation contre les accords transatlantiques reste vive

Par Aline Robert

La mobilisation contre les accords transatlantiques se poursuit. Selon les opposants, le TTIP n’est pas mort, et le CETA est encore opposable.

On le croyait mort et enterré… mais rien n’est moins sûr. C’est en tout cas l’inquiétude manifestée par plusieurs ONG, lors d’un évènement sur l’élevage et le libre-échange organisé à l’Assemblée nationale le 6 décembre. L’accord transatlantique va-t-il revenir par la petite porte ?

« La France a souhaité interrompre les négociations, mais elle n’a pas le pouvoir de le faire. Si les négociations achoppent sur un certain nombre de points, ce n’est pas pour cela qu’elles s’arrêtent » prévient Thomas Borrell, chargé des négociations commerciales aux Amis de la Terre, rappelant le mandat donné à l’UE en 1999 pour négocier un accord avec le Mercosur. Et dont les négociations viennent tout juste de redémarrer.

Car si la commissaire au commerce, Cecilia Malstrom, reconnait dans le Financial Times cette semaine que l’accord est «au frigo », il pourrait ne pas y rester.

C’est en tout cas l’avis de Sharon Treat, ex-députée américaine et conseiller principal à l’Institut de l’agriculture et des politiques commerciales (IATP), qui assure que « l’histoire n’est pas terminée ». « Donald Trump n’a jamais évoqué le sujet. Mais ses conseillers sur l’agriculture viennent à 100 % de l’agrobusiness, et certains étaient des lobbyistes pour le TTIP. À partir de cela, je pense que le sujet du TTIP risque de revenir sur la table, et rapidement » prévient la spécialiste, invitée par les ONG à évoquer les enjeux agricoles de ces accords commerciaux.

Plus que la position de la France, c’est celle de Barack Obama, qui avait précisé lors d’un voyage en Allemagne, qu’il n’y aurait pas d’accord sous sa présidence, qui a douché les derniers espoirs des pro-TTIP. Angela Merkel avait alors rétorqué que les négociations reprendraient « plus tard ». Que la chancelière soit réélue ou pas ne change rien : outre-Rhin, CDU et SPD sont plutôt favorables à l’accord commercial, tout comme la droite en France et une majorité d’États européens.

« Attention, les conséquences du TTIP, c’est que votre agriculture va devenir comme celle des États-Unis, avec une industrie totalement intégrée, beaucoup de fermiers en moins et des fermes immenses où l’on fait de l’élevage intensif !» prévient Sharon Treat

Le CETA dans les méandres du Parlement européen

Dans un premier temps, c’est toutefois l’accord avec le Canada qui inquiète le plus. Signé fin novembre, in extremis, par les ministres du Commerce international, l’accord pourrait être appliqué provisoirement dès le mois de mars prochain, à l’issue du processus législatif européen qui s’avère plus compliqué que prévu.

Plusieurs commissions du Parlement européen doivent auparavant examiner et voter sur le sujet. C’est le cas des commissions affaires étrangères, emploi, droits des femmes et affaires constitutionnelles. Les commissions transports et surtout agriculture ont, étonnamment, décidé de ne pas donner d’avis sur l’accord avec le Canada.

Mais le vote par la chambre européenne devrait être une formalité pour l’accord, alors que les deux principaux partis, les sociaux démocrates et le PPE, penchent pour le valider, même si des questions se posent encore notamment au sein de la gauche.

Pourtant, pour certains Canadiens aussi, cet accord pose question. C’est le cas de Sujata Dey, membre du Conseil des Canadiens. « Pour la plupart des Européens, les Canadiens sont des gentils. Mais c’est plus compliqué ! » prévient la jeune femme, qui rappelle que l’agriculture canadienne n’a pas grand-chose à voir avec l’agriculture européenne, avec ses fermes de 400 hectares en moyenne (contre 16 en Europe), une production intensive à bas coût, l’omniprésence des OGM ou des antibiotiques dans l’élevage, et la quasi-disparition de l’agriculture familiale . Sans parler de bien-être animal. « Sur toute l’OCDE, le Canada est le pire pays en matière de réglementation sur le bien-être animal » assure la spécialiste.

Le CETA risque aussi de poser problème aux éleveurs en général : c’est le point de vue que défend Aurélie Trouvé, chercheur chez AgroParisTech. Sur le secteur de la viande de bœuf, le fait que les Canadiens se positionnent a priori sur la viande présentant les plus fortes marges, qui est aussi la principale source de revenus pour les éleveurs français, risque de représenter une compétition déloyale, et peser sur les exploitations européennes.

« Le comble, c’est que l’élevage est le principal pourvoyeur de prairies, alors que par ailleurs la Commission européenne veut protéger les prairies par le biais de la PAC » rappelle la chercheuse. Dans une récente étude, l’exécutif européen reconnait l’impact négatif de l’accord UE/Canada sur les exportations de boeuf européen, mais aussi sur le blé, les céréales, huiles végétales ou encore les fruits et légumes, ce qui devrait être compensé par l’impact positif sur les produits laitiers et surtout les boissons.

Malgré les nombreuses hésitations de la société civile, l’eurodéputé Vert Pascal Durand se dit peu optimiste quant aux chances de faire dévier le CETA de sa trajectoire : celle d’une application directe, à partir de mars 2017.

«La seule hypothèse, ce serait une hypothèse juridique : si la Cour de Justice de l’UE est saisie, il est possible qu’elle estime que les tribunaux arbitraux ne sont pas compatibles avec le droit de l’UE, puisqu’ils ne reconnaissent pas la CJUE en dernier ressort », explique l’avocat. Le Parlement européen a toutefois échoué à demander la saisine de la Cour : un vote en ce sens lors de la dernière session parlementaire a échoué. Désormais, seuls la Commission européenne ou un État pourrait formuler un tel recours.

source : EurActiv

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