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Algérie-UE : l’Accord d’association sur la sellette

Les Afriques | 16 janvier 2011

Algérie-UE : l’Accord d’association sur la sellette

Les vastes ambitions d’une démarche qui visait à la création d’une dynamique de rapprochement et de partenariat tous azimuts entre l’Algérie et le grand voisin européen donnent aujourd’hui l’impression de se diluer dans d’âpres négociations commerciales.

Dans son intervention devant les participants au 3ème Sommet Afrique-UE, le président Bouteflika soulignait encore voici quelques jours : « L’Afrique n’a pas bénéficié de flux conséquents d’investissements directs internationaux. De surcroit, les investissements qui ont été réalisés sont pour l’essentiel orientés vers des secteurs à faible impact sur la diversification de la structure des économies et la création d’emplois. » Une déclaration qui fait écho aux récentes négociations liées à l’application de l’Accord d’association entre l’Algérie et l’UE et qui est en passe de devenir un leitmotiv de la position algérienne.

Résultats jugés décevants et asymétriques

Au mois de juin dernier déjà, négociateurs algériens et européens s’étaient réunis à Bruxelles pour faire le point sur cinq années d’application de leur accord d’association. Ce rendez-vous avait été précédé par les déclarations de nombreux responsables algériens affichant leur insatisfaction face aux résultats jugés décevants et asymétriques de cet accord international, négocié et ratifié au pas de charge au début de la décennie. Le ministre des Affaires étrangères, qui dirigeait la délégation algérienne, avait rappelé : « Mon pays, en signant l’accord d’association, voulait développer une coopération globale qui couvrirait tous ses volets : politique, économique et commercial, culturel, social et humain. Or, nous relevons clairement que le volet commercial a reçu une attention particulière par rapport aux autres ». M. Medelci n’avait pas manqué non plus de souligner que « les flux d’investissement européens en Algérie sont en deçà de nos attentes, en particulier ceux destinés à promouvoir la diversification de son économie et de ses exportations ».

En dépit de nombreuses et ambitieuses déclarations de principe, les résultats concrets enregistrés par le Conseil d’association de juin dernier ont été, finalement, assez maigres. Pour l’essentiel, un accord de principe sur une révision à la baisse du calendrier de mise en œuvre du démantèlement tarifaire, prévue dans la perspective de la création d’une zone de libre-échange en 2017.

Grâce aux propositions qu’elle s’est engagée à faire dans ce domaine avant la fin de l’année 2010, l’Algérie va gagner un peu de temps et réduire également le manque à gagner pour le Trésor public qui résulte de la baisse des droits de douane sur les produits importés de l’UE.

Un accord minimal aussi bien que des déclarations de principe, qui cachent mal l’embarras qui est aujourd’hui celui des deux parties.

Un accord plus couteux que prévu.

Côté algérien, on s’aperçoit qu’à la suite du gonflement accéléré des importations au cours des dernières années (38 milliards de dollars en 2008 et en 2009, contre 11 à 12 milliards au début de la décennie), la baisse des tarifs douaniers contenue dans l’accord d’association coûte beaucoup plus cher que prévu au Trésor algérien : déjà près de 2,5 milliards de dollars de pertes de recettes douanières cumulées entre 2005 et 2009 et certainement plus de 8 milliards en 2017 au train ou vont les choses. Un haut fonctionnaire algérien, ancien responsable du commerce extérieur, nous confie : « On n’avait pas anticipé une telle explosion des importations algériennes, qui sont imputables, pour l’essentiel, aux plans de relance décidés depuis 2002. C’est une situation qui crée un déséquilibre entre les profits et les pertes de recettes consécutives à l’application de l’Accord. » D’ou la disponibilité et la souplesse affichées par les fonctionnaires de Bruxelles, qui ont souligné leur volonté de « mieux adapter l’accord aux réalités et aux potentialités de la relation économique entre l’Algérie et l’UE ».

Panne des IDE

Par ailleurs, les orientations récentes du gouvernement algérien en matière d’encadrement de l’investissement étranger sont à l’origine d’une panne des IDE, déjà sensible en 2009, mais qui devrait se manifester surtout à partir de 2010, en empêchant le pays d’exploiter les potentialités ouvertes dans ce domaine par l’Accord conclu avec l’UE. Ajoutons que les financements institutionnels disponibles dans le cadre des programmes MEDA ont été fortement sous-utilisés pendant toute la décennie écoulée et on comprendra l’embarras actuel, voire le dilemme, des autorités algériennes, tiraillées entre les conséquences de la logique de franche ouverture au partenariat, qui était celle de 2001, et la démarche de repli sur soi inaugurée voici dix-huit mois par le gouvernement de M. Ouyahia.

Un Forum des investissements début 2011

Côté européen, on est tout aussi embarrassé. Les rapports d’experts établis à l’occasion de la préparation du Conseil d’association constatent une augmentation sensible des flux commerciaux, estimée à plus de 80% entre 2005 et 2008. On relève aussi les faiblesses de la coopération institutionnelle. Les financements mobilisés dans le cadre des programmes MEDA sont jugés « insuffisants » et courant le risque d’une dispersion en raison du nombre important des projets.

« On n’avait pas anticipé une telle explosion des importations algériennes, qui sont imputables, pour l’essentiel, aux plans de relance décidés depuis 2002. »

On s’inquiète surtout des difficultés qui s’annoncent pour mobiliser les investisseurs privés dans le cadre de la nouvelle réglementation algérienne. Les experts européens recommandent que « la situation du climat des affaires en Algérie soit discutée avec les opérateurs économiques des deux parties et que des solutions soient trouvées pour permettre aux investisseurs étrangers de se rassurer sur l’environnement des affaires en Algérie ».

Ce sera l’objet du Forum des investissements proposé par Bruxelles pour démontrer sa bonne volonté. Un Forum qui pourrait se tenir à Alger au début de l’année prochaine. Reste un problème qui devrait interpeller les responsables politiques, et pas seulement eux, des deux côtés de la Méditerranée. Il s’agit de celui que pose une perception, aujourd’hui globalement négative, dans les médias comme dans l’opinion algérienne, d’une coopération dont les objectifs fondamentaux sont d’organiser la synergie des intérêts et de rapprocher les peuples.

Lyes Tayebi


 source: Les Afriques