bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

Cameroun: les APE continuent de faire peur

237 Online | 13 décembre 2015

Cameroun: les Ape continuent de faire peur

par Assongmo Necdem

A 8 mois de la signature définitive de l’accord avec l’Union européenne, il reste à déterminer ce que le Cameroun y gagne.

Bientôt sera engagée la dernière ligne droite des négociations de l’Accord de partenariat économique entre le Cameroun et l’Union européenne (Ue). L’imminence est signalée au ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, sans qu’aucune date ne soit avancée. Les pourparlers devraient aboutir à la signature définitive de l’Ape qui entrera alors en vigueur le 4 août 2016. Le marché camerounais s’ouvrira entièrement à 80% des produits en provenance de l’Ue, selon la demande de celle-ci. Ainsi s’achèvera la fin de la période moratoire de 2 ans inaugurée le 4 août 2014 par l’entrée en vigueur de l’accord d’étape. Selon ce premier accord, seuls certains produits de l’Ue entrent au Cameroun pour le moment. Mais dans 8 mois, il y en aura davantage, et même que le marché local en sera inondé. L’échéance se rapproche et la question de départ demeure : le Cameroun est-il prêt à soutenir un tel niveau d’échanges commerciaux avec les pays de l’Ue ? En d’autres termes, qu’est-ce que ce pays en voie de développement, très peu industrialisé, gagne dans l’Ape ? Voilà les points débattus au cours du séminaire d’information sur l’état des lieux de la mise en œuvre de cet accord dont une étape a déjà été ratifiée par le Cameroun. L’occasion a été donnée à l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) de réunir des experts, les représentants du gouvernement camerounais et ceux de la partie européenne autour du réseau des journalistes de l’Ape.

Mésentente

Le séminaire de ce 10 décembre 2015 a mis en évidence la ligne de fracture qui demeure nette au Cameroun, entre les experts indépendants et ceux qui mènent les négociations avec l’Ue. L’ingénieur financier Babissakana et le Dr Ariel Ngitedem, économiste spécialiste des finances publiques, sont d’avis que le pays a plus à perdre qu’à gagner dans l’Ape. « Cet accord n’est pas en adéquation avec la politique économique du Cameroun qui repose sur le Dsce (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi). On ne nous dit ni comment il y aura création d’emplois, ni comment la croissance arrivera », prévient Ariel Ngnitedem. Au contraire, il pronostique la destruction d’emplois par la mort des entreprises locales qui ne pourront pas résister à la concurrence des produits importés. Il y a là une limite à la vision à court terme du Cameroun qui veut approvisionner son marché en produits pour réduire le coût de la vie, or il y a un risque de chômage à long terme, au point où les Camerounais n’auront même plus les moyens d’acheter ce qui leur est proposé. Si le gouvernement compte sur les compensations financières de l’Ue pour préserver l’industrie, Babissakana fait cet avertissement : « Aucun pays au monde n’est devenu émergent en comptant sur l’aide commerciale de ses partenaires économiques. En effet, émerger veut dire développer son industrie pour devenir un rival de l’Europe. Ne comptons donc pas sur elle pour nous aider à devenir émergent. » Cet avis n’est pas partagé au sein du Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Ape bilatéral Cameroun-Ue. Pourtant, à 8 mois de l’échéance, aucune étude n’est encore produite pour dire aux opérateurs économiques locaux et aux citoyens à quoi ils devraient s’attendre.

Tout juste le comité affirme-t-il que le travail se poursuit pour parvenir à Ape gagnant-gagnant, même si les négociations avec l’Ue sont bloquées depuis 2011 et, malgré cela, le Cameroun a accepté de signer l’accord d’étape.

« Il ne faut pas continuer, surtout que les autres Etats de l’Afrique Centrale ne nous suivent pas jusqu’ici », conseille Babissakana. En face, les négociateurs du gouvernement espèrent qu’un accord sera conclu au sein de la sous-région d’ici juillet 2016. Et même qu’un échec ne justifiera pas que la machine s’arrête. « L’Ape est un engagement, et le Cameroun est respectueux de ses engagements », déclare l’avocat Désiré Loumou, membre du comité.

Si le Cameroun semble encore chercher ce qu’il gagne dans l’Ape, l’Ue ne dit pas clairement son intérêt dans cette affaire. Interrogée à ce sujet, Kathrin Renner, le tout nouveau conseiller au commerce à la délégation de l’Ue au Cameroun, affirme : « Nous voulons que le Cameroun soit émergent et stable ». Mais il en faut plus pour convaincre qui ne croit guère à un quelconque angélisme dans les relations internationales.


 source: 237 Online