Face au changement de cap, la fronde menace au Luxembourg
L’essentiel | 17 mai 2025
Face au changement de cap, la fronde menace au Luxembourg
par Thomas Holzer
Un changement de braquet qui interroge. Lors de son discours sur l’état de la Nation, le Premier ministre Luc Frieden a surpris son monde, jusqu’à sa ministre CSV de l’Agriculture Martine Hansen, en annonçant que le Luxembourg allait donner son accord au Mercosur, le traité de libre-échange, vivement critiqué, entre l’Union européenne et sept pays d’Amérique du Sud. Craignant une concurrence déloyale, le Luxembourg s’était montré très réservé jusqu’alors quant à la possibilité de valider ce traité.
En novembre dernier, lors de son discours de politique étrangère, le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel avait même déclaré qu’il n’y aurait pas de «feu vert» tant que le Luxembourg n’obtenait pas les garanties nécessaires quant au respect des normes, notamment sur l’utilisation des hormones. Tout était dans le «pour l’instant», le Premier ministre Luc Frieden ayant annoncé mardi le changement de cap.
«La version finale donnera davantage d’assurances que notre marché ne
sera pas inondé et que nos standards sanitaires et environnementaux dans la santé et l’environnement ne seront pas sapés», a, d’emblée, voulu rassurer le Premier ministre. Une tentative de déminer le dossier qui n’a pas totalement eu l’effet escompté, à voir le communiqué transmis le lendemain par la Centrale paysanne: «La Centrale paysanne avait déjà attiré l’attention sur les risques considérables d’un tel accord pour une grande partie de l’agriculture nationale, notamment pour le secteur de la viande bovine (...) Le contenu exact de l’accord du Mercosur reste toujours inconnu. La Centrale demande donc au Premier ministre de dévoiler immédiatement tous les passages de l’accord qui concernent l’agriculture», a-t-elle indiqué avant de conclure: «Les annonces et paroles bienveillantes ne suffisent plus», en référence au soutien affiché aux agriculteurs durant le même discours.
Trouver de nouveaux marchés
C’est là où le bât blesse. L’évolution décisionnelle du Luxembourg sur le sujet est-elle vraiment le fruit d’une négociation plus avantageuse? Ou tient-elle davantage aux impératifs d’un nouveau contexte politico-économique, sur fond de tensions avec les États-Unis? En préambule de son annonce, le chef du gouvernement n’a pas masqué cette seconde dimension essentielle: «Le Luxembourg a besoin de débouchés à l’exportation pour son économie, surtout à un moment où de nouvelles barrières se dressent dans certaines régions du monde».
Le communiqué au vitriol de Greenpeace
L’enjeu pour le gouvernement sera désormais d’éviter une fronde agricole trop prononcée, alors que les tensions sont exacerbées aux frontières (France, Allemagne, Belgique). De même, la coalition CSV-DP au pouvoir devra affronter les protestations vives des ONG et des mouvements écologistes. Greenpeace a dégainé dès le lendemain, en condamnant et en demandant au gouvernement de revenir sur sa décision: «Le Luxembourg doit clairement rejeter cet accord toxique. Ni l’Amazonie ni nos agriculteurs et agricultrices ne doivent être sacrifiés sur l’autel du libre-échange». Le ton est donné.