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Guerre commerciale : reprise des négociations de libre-échange entre l’UE et l’Australie

Les Echos | 19 mai 2025

Guerre commerciale : reprise des négociations de libre-échange entre l’UE et l’Australie

Par Marie Ellison

C’est depuis le Vatican qu’est apparue une fumée blanche pour la reprise des négociations de libre-échange entre l’UE et l’Australie. L’inauguration du nouveau pape à Rome dimanche a donné lieu à nombre de rencontres diplomatiques bilatérales, dont un entretien pivot entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Premier ministre australien Anthony Albanese. Ils ont confirmé dimanche leur souhait de ressusciter des pourparlers commerciaux, au point mort depuis deux ans.

« Le libre-échange est synonyme de plus d’emplois et d’une économie plus forte. C’est pourquoi nous oeuvrons à la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne », a annoncé l’Australien après la rencontre, lui qui avait remisé toute perspective d’accord en 2023. L’Européenne a pour sa part rappelé que « les tensions géopolitiques se sont considérablement accrues » et que c’est « une bonne chose que l’Australie et l’Europe soient des partenaires fiables ».

« Nous pouvons nous offrir mutuellement de la stabilité […] Nous ne vous considérons pas seulement comme un partenaire commercial, mais comme un partenaire stratégique », a-t-elle annoncé, ouvrant par la même occasion la porte à un accord de sécurité et de défense avec l’Australie, tel que développé avec la Corée du Sud, le Japon, et le Royaume-Uni (annoncé ce lundi).

L’UE et l’Australie se voient contraints de repenser leur relation avec l’allié traditionnel américain qui, depuis le nouveau mandat de Donald Trump, les a chacun menacés de droits de douane inédits (20 % pour l’UE, 10 % pour l’Australie). Alors que les cartes du commerce mondial sont rebattues, Bruxelles et Canberra cherchent donc à élargir leurs horizons, notamment en relançant des pourparlers de libre-échange entamés en 2018, mais à l’arrêt depuis le rejet de l’offre européenne par l’Australie en 2023.

Les projections de l’UE il y a deux ans tablaient sur un accord qui pourrait augmenter le PIB européen de 3,9 milliards d’euros d’ici 2030, en faisant grimper de 33 % les échanges de biens entre les deux parties.

Exporter du boeuf et de l’agneau

Le ministre du Commerce australien Don Farrell assure aux « Echos » que le pays de 25 millions d’habitants aux confins du Pacifique est « prêt à retourner à la table des négociations », mais que la position de l’Australie reste « claire » : « Nous voulons un nouvel accès au marché, commercialement significatif, en particulier pour l’agriculture australienne ». Les producteurs australiens souhaitent pouvoir exporter sans entrave de la viande de boeuf et d’agneau, vers le bloc de 445 millions de consommateurs européens.

La protection des indications géographiques européennes comme pour les charcuteries, fromages ou vins est aussi source d’inquiétudes pour les Australiens, qui produisent leurs propres ’feta’, ’prosciutto’ ou ’prosecco’.

« Je réponds aux Européens qui estiment qu’on utilise tous leurs noms, qu’après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Européens sont venus en Australie. Ils ont emmené leurs familles, leur culture et, plus important encore, leur nourriture et leur vin », a encore estimé sur Sky News lundi Don Farrell. Le ministre doit s’entretenir mardi avec le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, qui pourrait se rendre en Australie prochainement.

L’ambassadeur européen à Canberra, Gabriele Visentin, a pour sa part confirmé au « Sydney Morning Herald » ce week-end avoir bon espoir que les négociations aboutissent d’ici la fin de l’année, confiant dans la possibilité de dégager un compromis sur les indications géographiques protégées. « L’Union européenne a l’habitude de régler ce genre de problème », a-t-il déclaré. « Nous avons encore des divergences qui devront être résolues et des compromis trouvés de part et d’autre, mais ce qui a changé, c’est vraiment la volonté de parvenir à un accord », a assuré l’Italien.

Importance stratégique

La fédération agricole australienne (National Farmers’Federation - NFF) a salué l’annonce du Premier ministre Albanese dimanche, plaidant pour un accord « juste et équilibré avec de vrais gains pour l’agriculture australienne ». « Il est temps que l’UE joigne le geste à la parole et présente une meilleure offre que celle de 2023 », a intimé le président de la fédération, David Jochinke. « Les récentes perturbations du commerce mondial ne doivent pas nous inciter à baisser la barre », a-t-il mis en garde.

En dépit des questions agricoles épineuses, Markus Wagner, professeur de droit commercial international à l’université de Wollongong, se dit dorénavant « beaucoup plus optimiste » quant à l’aboutissement des négociations. D’une part, parce que « le contexte géopolitique a changé » : « Les Etats-Unis sous Donald Trump sont devenus si peu fiables, ces alliances commencent à revêtir une importance stratégique beaucoup plus importante ». D’autre part, parce que les pourparlers reprennent « en dehors de cycles électoraux », alors que la Commission européenne d’Ursula von der Leyen a été reconduite fin 2024, tout comme le gouvernement travailliste d’Anthony Albanese ce mois-ci.


 source: Les Echos