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La libéralisation commerciale, seule réponse de l’UE à la crise tunisienne ?

AITEC | 22 janvier 2016

La libéralisation commerciale, seule réponse de l’UE à la crise tunisienne ?

Alors que le Parlement européen s’apprête à discuter des propositions de "mesures commerciales autonomes d’urgence" à l’attention de la Tunisie (voir aussi ici), des organisations de la société civile française et tunisienne expriment leur plus grand scepticisme face aux mesures préconisées.

Celles-ci consistent en fait à annuler les droits de douane sur 35 000 tonnes supplémentaires d’huile d’olive qui entreront sur les marchés européens. Une mesure à l’impact budgétaire négligeable pour l’UE (l’accord d’association actuel prévoit déjà un contingent à droit nul, que Tunis n’épuisera peut-être même pas), sans effet sur l’emploi tunisien, qui favorisera surtout, à terme, les producteurs/exportateurs d’huile d’olive européens.

La situation économiques et sociale est dramatique en Tunisie : le chômage va croissant, la jeunesse vit dans le désespoir d’une vie de dignité, et un nombre croissant de ces jeunes sont réduits à des choix mortifères ; les morts en mer se comptent par milliers, les suicides se multiplient, la radicalisation violente séduit de plus en plus de jeunes des quartiers populaires et des villes pauvres.

Dans ce contexte, l’UGTT, la LTDH (Prix Nobel de la paix 2015), le FTDES, avec l’AITEC et Attac, appellent à un bilan objectif des conséquences de la politique commerciale appliquée entre l’UE et la Tunisie ces trois dernières décennies. A-t-elle apporté l’emploi et la sécurité aux Tunisiens et aux Tunisiennes ? La solidarité européenne n’a-t-elle d’autre visage qu’une libéralisation commerciale encore plus radicale ? Pour ces organisations, au vu de ses effets et trois semaines avant le vote d’orientation du Parlement européen sur le nouvel accord commercial UE-Tunisie, le partenariat euro-méditerranéen doit être, au contraire, radicalement repensé.

Déclaration commune :

Après avoir pris connaissance de la proposition de règlement du parlement européen et du conseil concernant l’instauration de mesures commerciales autonomes d’urgence en faveur de la République Tunisienne, les ONGs signataires :

 Se félicitent de l’intérêt manifesté par les autorités européennes pour soutenir la Tunisie dans sa transition démocratique.

 Rappellent que la Tunisie a toujours demandé en vain une amélioration de quota relative à l’exportation de l’huile d’olive tant pour accroître le volume global de ses exportations vers l’Union Européenne que pour élargir le contingent tarifaire à droit nul.

 Remarquent que la mesure annoncée par les autorités européennes n’a rien d’exceptionnel étant donné que l’effort fourni par l’adoption d’une telle mesure unilatérale de l’UE concernant l’huile d’olive :
- Est de type temporaire.
- A une incidence budgétaire négligeable pour l’UE.
- N’aura aucun effet positif significatif sur la situation économique en Tunisie en termes de production, d’emploi et d’exportation. La médiocrité de la saison agricole en 2015 et le manque de pluie qui marque l’hiver 2015-2016 feront que la Tunisie aura même de la peine à épuiser son contingent tarifaire annuel à droit nul fixé pour l’huile d’olive à l’article 3, paragraphe 1, du protocole n°1 de l’accord euro-méditerranéen. En plus la capacité de création d’emplir par le secteur oléicole reste fondamentalement tributaire des conditions climatiques qui déterminent le volume de la production et le rythme de l’activité dans ce secteur.

 La mesure, en apparence généreuse, intervient dans un contexte marqué par le recul de la production européenne de l’huile d’olive, la montée de la demande des pays émergents et l’augmentation du prix de l’huile d’olive sur les marchés mondiaux. De ce fait, cette mesure ne vise qu’à faciliter les exportations tunisiennes sur le marché européen afin d’aider les pays européens producteurs de l’huile d’olive à préserver leur part et leur position dominante sur le marché mondial.

La situation économique et sociale actuelle en Tunisie est franchement menaçante pour la transition démocratique. Elle nécessite un traitement exceptionnel afin de préserver la paix et la stabilité dans la région et faire face aux conséquences désastreuses pouvant en résulter en termes de terrorisme, de migration massive et d’instabilité régionale et méditerranéenne. Le traitement exceptionnel passe par l’établissement d’un bilan objectif et honnête des conséquences d’application, durant les dernières décennies, d’une logique néolibérale à outrance avant d’avancer dans la négociation de l’ALECA. Il passe aussi par un effort réel consistant à repenser le partenariat Tunisie-UE dans un sens plus équilibré et plus favorable au développement et à un partage plus juste de la prospérité.

Contacts presse :
Rodmhane Ben Amor -FTDES +21655890979 romdhane@ftdes.net
Lala Hakuma Dadci -Aitec-IPAM 01 43 71 22 22 lala-hakuma.aitec@reseau-ipam.org

Oranisations signataires :
Union générale tunisienne du travail UGTT
Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux FTDES
Ligue Tunisienne pour les droits de l’Hommme LTDH
AITEC-IPAM
ATTAC France


 source: AITEC