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La propriété intellectuelle dans CETA appliquée aux semences

La propriété intellectuelle dans CETA appliquée aux semences (Proposition CETA février 2012)

Birgit Müller et Terry Boehm
décembre 2012

Il faut voir les provisions du Traité entre le Canada et l’Union Européenne pas seulement comme un traité de libre échange. Il est bien plus que ça : il est un traité économique complet (comprehensive economic and trade agreement) qui inclut un traité sur les investissement, les marchées publiques, la propriété intellectuelle et sur 193 pages bien plus de choses encore. C’est donc un traité dans l’intérêt des grands investisseurs, des fonds, des multinationales, des banques et — ce qui nous intéressera ici — des grandes firmes semencières.

 Il reprend les provisions de ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) en matière d’imposition de la propriété intellectuelle, que le Parlement Européen vient de rejeter cette année
 Il faut être vu dans le cadre de la création ce mois ci d’une cour du Brevet Européenne pas soumis à La Cour de Justice européenne mais crée sur la base d’un traité international donc soumis à la juridiction internationale en matière de commerce. Donc quand le texte du Traité parle de « l’autorité juridique compétente » qui a le droit d’imposer les mesures pour faire respecter la propriété intellectuelle il s’agit de cette cour de justice nouvellement crée et sans précédent dans la législation européenne
 Il faut être vu aussi dans le contexte de la brevetabilité des plantes non-transgéniques sélectionnées à l’aide de marqueurs brevetés. Comme toute plantes elles peuvent se reproduire et porter leur droit de propriété intellectuelle dans le champ de l’agriculteur.
 Il s’applique au COV dans la mesure que c’est un droit de propriété intellectuelle et que les articles 15 – 23 du CETA s’appliquent à tous les détenteurs d’un droit de propriété intellectuelle selon les lois nationaux (donc pour l’instant UPOV 78 au Canada, UPOV 91 et transcriptions nationales en Europe)

En CETA (Canada Europe Trade Agreement) nous voyons un ensemble de mesures draconiennes obliger les gens à respecter les droits de propriété intellectuelle. Même si la contrefaçon est seulement alléguée, les actifs peuvent être saisis.

En vertu du CETA, un agriculteur accusé d’être frauduleusement en possession d’une variété végétale protégée ou une variété de semences portant un gène breveté pourrait voir ses biens saisis, ses comptes bancaires gelés (art 15). Article 16.2 précise :

“Chaque Partie peut prévoir que ces mesures comprennent la description détaillée avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou la saisie réelle des marchandises présumées litigieuses et, dans les cas appropriés, les matériaux et instruments utilisés dans la production et / ou la distribution de ces marchandises et les documents s’y rapportant. Les autorités judiciaires (dont la nouvelle Cour Europénne du Brevet) seront habilitées à prendre ces mesures, si nécessaire sans l’autre partie soit entendue, en particulier lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au détenteur du droit ou lorsqu’il existe un risque démontrable de destruction de preuves. »

Ça veut dire : sans que l’agriculteur soit nécessairement entendu les autorités judiciaires (cour européenne des brevets entre autres) peuvent sous simple présomption de contrefaçon saisir sa récolte, ses semences, ses machines et sa comptabilité.

Si l’agriculteur est reconnu coupable, sa récolte ou des semences et des outils pour la culture seront détruits (art 19.1) à ses frais (art.19.2). En outre, des injonctions pourraient être émis (art 20) afin de prévenir une infraction. Cela pourrait signifier que si les agriculteurs ont loué les services d’un trieur à façon ou ont nettoyé des semences eux-mêmes, ils pourraient être frappés d’une injonction et ils pourraient se voir accusés d’être des contrefacteurs potentiels (art 18 1,2,3).

Aussi les mesures créent un climat de peur et de suspicion où chacun doit craindre d’être dénoncé comme contrefacteur, voir surtout ce passage du paragraphe 17 :

« Ces informations peuvent inclure des informations concernant toute personne impliquée dans tous les aspects de la contrefaçon ou prétendue contrefaçon et sur les moyens de production ou les canaux de distribution des marchandises ou des services contrefaisant ou prétendument contrefaisant, y compris l’identification des tierces personnes soupçonnées d’être impliquées dans la production et la distribution de ces produits ou services et dans leurs circuits de distribution. »

La peur de la justice et des conséquences pénales conduira les gens à se taire et à payer pour les semences commerciales, qu’ils pourraient tout aussi bien et à un prix plus avantageux produire eux-mêmes. Cette législation mettra aussi une pression énorme sur les trieurs à façons qui n’oseront plus proposer leurs services.

Aussi par rapport aux produits chimique utilisés en agriculture et par rapport aux produits pharmaceutiques la période des brevets peut être prolongée par la longueur de temps dont a besoin un régulateur pour autoriser la brevetabilité (art 9.2.2). Pour ces produits chimiques les données fournies à l’organisme de réglementation sont de nature confidentielle et protégée (art.10) pendant dix ans.


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