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Le lobbying des milieux d’affaires sur le traité transatlantique dénoncé par des ONG

Le Monde | 13 juillet 2015

Le lobbying des milieux d’affaires sur le traité transatlantique dénoncé par des ONG

Des négociations secrètes menées à huis clos dans le seul intérêt des multinationales : la sombre étiquette qui colle au projet de traité transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis ne devrait pas sortir blanchie du rapport publié mardi 14 juillet par les ONG Corporate Europe Observatory (CEO) et SumOfUs.

Compilant diverses sources de données, le rapport estime que 88 % des « parties prenantes » consultées par la Commission européenne en marge des négociations de l’accord étaient des lobbys d’affaires – quand les groupes d’intérêts publics, comme les ONG ou les associations de consommateurs, ne représentaient que 9 % de ces rencontres.

Pour établir ces statistiques, CEO et SumOfUs se sont appuyés sur une liste de 597 réunions organisées entre janvier 2012 et février 2014 par la direction générale du commerce (« DG Trade ») de l’institution bruxelloise, qui pilote les négociations du Tafta/TTIP côté européen. La liste a été dévoilée par la Commission après des requêtes formulées par diverses ONG au titre du droit à l’information européen.

Cliquez ici pour accéder à l’ensemble des données du rapport au format tableur

528 des 597 réunions ont impliqué des acteurs du monde des affaires, au premier rang desquels les grands lobbys Business Europe (dont le Medef français est membre) et Transatlantic Business Council (qui représente notamment Audi, le cigarettier Philip Morris et la Deutsche Bank). Les secteurs automobile, chimique et pharmaceutique ont rencontré chacun plus de 10 fois les services de la Commission européenne.

Les ONG et organisations de consommateurs (comme l’UFC-Que Choisir, le bureau environnemental européen ou les Amis de la Terre) n’ont quant à elles été consultées que 53 fois en deux ans – signe, selon CEO, qu’il y a un « biais dramatique en faveur du "big business" dans l’approche des accords commerciaux par la Commission européenne », alors que les « groupes d’intérêt public sont laissés de côté ».

« Le problème n’est pas quantitatif »

Ces résultats sont dans la lignéed’une étude précédente publiée l’an dernier sur la base d’une période bien plus courte. Les tendances sont sensiblement les mêmes depuis l’arrivée de la nouvelle commissaire européenne au commerce Cecilia Malström, réputée plus à l’écoute de la société civile que son prédécesseur Karel de Gucht. Elles confirment ce que la Commission européenne assume depuis longtemps : le Tafta/TTIP est pensé en premier lieu pour faciliter la vie des entreprises afin de dynamiser le commerce transatlantique, en harmonisant les normes et en abattant les « barrières » au commerce.

Ils confirment les craintes formulées par une bonne partie de la société civile que les enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires passent au second plan et soit sacrifiés. Mais le seul décompte des interlocuteurs de la « DG Trade » ne suffit pas à tirer des conclusions sur l’aboutissement des négociations, dont nous n’aurons une idée que quand l’accord sera finalisé et publié.

En effet, comme nous le déclarait l’an dernier Monique Goyens, la directrice du bureau européen des consommateurs (BEUC), qui a obtenu sept rendez-vous avec la Commission en deux ans, « le problème n’est pas quantitatif. Si l’on demande un rendez-vous avec les négociateurs, on peut l’obtenir sans problème. L’ennui, c’est qu’ils nous écoutent moins que les lobbys d’affaires. » Elle nous avait ainsi décrit avec étonnement le silence des représentants de l’industrie lors des réunions du groupe consultatif du TTIP, qui rassemble une quinzaine de parties prenantes européennes : « Ils disent qu’ils sont satisfaits des textes que la Commission nous présente. C’est bizarre, non ? »

Maxime Vaudano

Deux autres trouvailles du rapport

Un lobbying pas vraiment transparent. Un cinquième des entreprises ou lobbys d’affaires consultés par la Commission européenne ne figure par dans le registre européen de transparence, qui liste l’ensemble des lobbys intervenants auprès des institutions européennes. Ce fichier mis en place en 2011, décrit par Bruxelles comme essentiel pour que « le processus décisionnel de l’UE [...] soit aussi transparent et ouvert que possible », permet notamment d’estimer les budgets mis sur la table pour le lobbying par chaque organisation. La plupart des absents sont des acteurs américains, comme le fabriquant de jeans Levi’s ou le lobby pharmaceutique américain PhrMA.

Les petits pays européens oubliés. L’immense majorité des « parties prenantes » consultées provenaient des Etats-Unis et de l’Europe occidentale. La plupart des pays du Sud (Grèce, Chypre, Malte, Portugal) et de l’Est (Pologne, Bulgarie, Hongrie, Bulgarie, Hongrie, République tchèque, Slovénie, Estonie, Lituanie, Lettonie) ne comptaient aucun représentant lors de ces discussions.


 source: Le Monde