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Partenariat entre la Tunisie et l’UE: libre échange et conflits d’intérêts

Le Temps | 18 octobre 2015

Partenariat entre la Tunisie et l’UE: libre échange et conflits d’intérêts

by Ahmed NEMLAGHI

Le partenariat privilégié de la Tunisie est à priori l’occasion qui lui a été offerte par l’Union européenne, pour l’intégrer progressivement au marché européen et ce pour une relance de négociations pour la libéralisation du commerce et une meilleure mobilité pour les citoyens tunisiens et européens par le biais de la conclusion d’un partenariat.

Un premier accord a été signé en 1976, sous le gouvernement Hédi Nouira, et qui a donné naissance à la loi 1976, régissant les conditions d’installation de sociétés étrangères « Of Shore en Tunisie ». Ce qui a été en apparence une occasion pour la création d’emplois et la résorption de chômage. Mais c’était pour les investisseurs étrangers un moyen d’avoir de la main d’œuvre à bon marché.

D’autres accords ont suivi, et la Tunisie a été le premier pays du sud de la Méditerranée à signer un accord de partenariat avec l’UE, avec une clause de création d’une zone de libre-échange.

Un colloque sur ce sujet préoccupant qu’est le partenariat de la Tunisie avec l’UE et notamment sur l’accord de partenariat en 1995, a été organisé hier par l’Observatoire tunisien pour l’indépendance de la Magistrature, en collaboration avec l’Organisation Hanns Siedel, et à laquelle ont pris part des juristes, des fiscalistes, des experts en économie, et différents membres de la société civile.

Des intervenants ont tour à tour exposé les enjeux et les illusions, de ces accords, tant sur le plan juridique que sur le plan économique et social.

Ils ont été unanimes à affirmer que ces accords de partenariat sont en réalité des accords de domination et d’exploitation des richesses du pays, notamment les ressources pétrolières et les richesses minières sur lesquelles la France a continué à toujours eu une main- mise depuis la convention du Bardo 1881 voire celle de l’autonomie interne de juin 1955

C’est ce qu’a étayé Me Faouzia Bacha dans son intervention, dans laquelle elle démontre que cette convention de 1881 qui fut à la base du protectorat n’a pas été abrogée, dans certains de ses clauses par la convention de 1955, en vertu de laquelle il est stipulé que la France garde toujours le monopole sur certaines richesses minières telles que le pétrole, et qui ne peuvent être de ce fait nationalisées.

Souveraineté économique

L’intervenante a expliqué par ailleurs, concernant les accords de 1995, que la France était intervenue en 2010 pour les geler en concluant le marché suivant avec Ben Ali : avoir des privilèges économiques, en contrepartie de fermer les yeux sur les abus et les atteintes aux droits de l’Homme, pour le maintenir au pouvoir.

D’ailleurs le 29 juin 2010, une loi a été promulguée, punissant de 5 à 12 ans de prison tout celui qui critique l’action de l’Etat concernant le domaine énergétique, un délit assimilable à l’atteinte à la sécurité de l’Etat. C’est le degré de domination économique par la France, qu’a subi la Tunisie avant la Révolution.

Elle déplore que ni les gouvernements précédents de la Révolution, ni l’actuel gouvernement de la deuxième République n’aient réfléchi à revoir cette question pour au moins réactualiser ces accords de partenariat.

Quant à Ahmed Ben Mustapha, ancien ambassadeur, a qualifié ces accords de libre échange, de commerciaux en vertu desquels ce sont les rapports de dominants à dominés qui prévalent.

Partant du traité de Rome prévoyant des accords d’association pour les pays en voie de développement, il démontra que ni l’accord avec l’UE sur l’artisanat, ni celui de 1976 resté ans suite, n’ont pu avantager le pays, car les avantages ont toujours été plutôt du côté européen français ou européen.

« Après la Révolution, en mai 2011, les accords de Deauville, promettent monts et merveille, avec le libre échange économique entre les pays d’Europe et l’application d’un plan Marshall de 25 milliards de dollars pour apurer les dettes, et avec en outre le rapatriement des biens détournés, déposés à l’étranger.

Les 4 C

Mais jusque là, rien n’a été entamé. Bien plus on est en train actuellement d’emprunter de l’argent pour payer les dettes »!

Les hommes d’affaires et les détenteurs de capitaux sur le plan mondial arguent qu’étant donné la situation économique actuellement difficile, c’est de bonne guerre que chaque partie cherche ses intérêts. C’est ce qui explique que ces accords seraient plutôt à but commercial.

C’est ce qui débouche sur la corruption, l’un des quatre C, à savoir : le copinage, le corporatisme, et les conflits d’intérêts.

Quelles solutions ?

Dans l’état actuel des choses et avec une situation économique qui n’est pas florissante, ni en Tunisie, ni même en Europe, il est souhaitable de surseoir à l’application de ces accords avec l’UE, pour se tourner vers les accords bilatéraux, notamment avec la France.

Il faut prendre l’exemple des pays émergents tels que Singapour ou la Chine et essayer, pourquoi pas de composer avec eux.

Dans la situation actuelle, avec une économie menacée sur la plan mondial, ces accords ne sont qu’une illusion.

Est-ce la fin de la mondialisation dont les méfaits ont été bien supérieurs aux avantages ?

En tout état de cause, c’est au gouvernement et à nos élus de penser tous ces éléments dont dépend l’avenir de notre pays.

Le temps, n’est plus aux tergiversations et aux tensions pour des intérêts partisans et des luttes pour le pouvoir, au détriment de l’intérêt général.


 source: Le Temps