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Sept ans après l’affaire Korek, nuées de critiques contre le CIRDI

JuriGuide | 2 juin 2021

Sept ans après l’affaire Korek, nuées de critiques contre le CIRDI

Depuis quelques mois, le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), l’un des organes de la banque mondiale, est au centre des critiques. La cause ? Une décision hostile au groupe koweïtien Agility, qui estime avoir été exproprié par l’État irakien dans le cadre du rachat d’une entreprise locale en commun avec le groupe français Orange.

La colère d’Orange et du groupe Agility contre l’État irakien

Une décision « fondamentalement imparfaite » fulmine Agility, l’un des leaders mondiaux de la fourniture de services logistiques, après avoir pris acte de l’avis du CIRDI, qui refuse de contraindre l’État irakien à l’indemniser après ce qu’Agility juge être une « expropriation ». Près de quatre ans après avoir déposé sa requête pour arbitrage auprès du CIRDI, la décision est un coup dur pour Agility, qui voit ses espoirs d’indemnisation s’envoler. « Agility pense que les investisseurs étrangers doivent réfléchir sérieusement aux dangers auxquels ils feraient face avant d’investir dans un pays comme l’Irak, qui continue de figurer parmi les pays les plus corrompus au monde », poursuit l’entreprise dans son communiqué. Bref, entre le groupe koweïtien et le gouvernement irakien, la crise est bel et bien consommée.

En coulisse, la colère d’Orange ne retombe pas non plus. Après avoir tenté de négocier discrètement un arrangement avec l’État irakien, mettant même à profit le réseau diplomatique français, le groupe se tourne aussi vers les juridictions internationales pour faire valoir ses droits en déposant, en 2019, une requête en arbitrage auprès du CIRDI. Si la décision n’a pas encore été rendue, le précédent Agility laisse peu d’espoirs au géant français des télécommunications.

La colère d’Orange et du groupe Agility contre l’État irakien

L’affaire est complexe et nous plonge dans les tréfonds d’un État irakien défaillant et déstabilisé après des années de guerre civile. La corruption y est, depuis l’intervention américaine et le démembrement du pays, omniprésente et systématique. Pourtant, dès 2011, Orange et Agility fondent une joint-venture afin d’investir dans Korek, l’un des plus gros acteurs nationaux des télécommunications, particulièrement bien implanté dans le Kurdistan irakien, où règne la puissante famille Barzani.

En 2014, l’autorité de régulation des télécommunications irakienne, la CMC, décide d’exproprier Orange et Agility de leur participation dans Korek pour rendre les parts à d’anciens actionnaires. La raison officiellement invoquée ? Les deux groupes n’auraient pas suffisamment investi et respecté les conditions contractuelles. Ce que démentent fermement les deux entreprises qui y voient les conséquences d’un système judiciaire et politique corrompu.

En effet, plusieurs éléments viennent jeter un trouble dans cette affaire. D’abord, des faits rapportés par The Financial Times qui affirment que des transactions immobilières auraient, à Londres, eu lieu entre un intermédiaire libanais, liés à deux hommes d’affaires et un cadre de la CMC. Plusieurs années après, ces accusations ont été confirmées par Libération, qui consacre un dossier complet à deux des principaux protagonistes de l’affaire. Une maison à Londres, ainsi que de l’argent, auraient été donnés à un cadre de la CMC, Ali Naser Al-Khwildi, juste avant la décision d’expropriation.

Malgré le dossier à charge du Financial Times et de Libération, la CMC clame son innocence et réaffirme sa probité. Un argumentaire difficile à croire dans un pays classé à la 160ème place à l’indice de perception de la corruption, où l’environnement des affaires est particulièrement complexe pour certains acteurs étrangers.

Silence radio de la CMC sur les accusations de corruption

Cavinder Bull, Sean Murphy et John Beechey, les trois juges du CIRDI, n’ont pas examiné les soupçons de corruption pesant sur la CMC, selon Agility. « La corruption du CMC, largement rapportée dans la presse, y compris le Financial Times, n’a fait l’objet d’aucune enquête de la part du groupe d’experts du CIRDI ou de la République d’Irak », souligne Agility qui rajoute que Ali Naser Al-Khwildi « continue de diriger le CMC, apparemment à l’abri de toute responsabilité ».

La décision du CIRDI pourrait renforcer la frilosité des entreprises étrangères, désireuses d’investir dans des pays sensibles, si l’intégrité de leurs investissements n’est pas garantie.


 source: JuriGuide