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Agriculture et alimentation

Les activités paysannes - dont la petite agriculture, la pêche artisanale, l’élevage, la chasse et la cueillette, ainsi que la production alimentaire urbaine - constituent la principale source d’alimentation d’au moins 70 % de la population mondiale. Cependant, depuis des décennies, elles subissent la pression des élites politiques et économiques des États-Unis, du Canada, de l’Europe, du Japon, de la Chine, de l’Inde, de l’Australie, et d’autres pays, pour libéraliser davantage le secteur agricole. Les objectifs de ces gouvernements répondent aux intérêts des sociétés multinationales, dont le pouvoir et la concentration ne cessent de croître, tandis que les alliances de l’agrobusiness avec les géants technologiques et financiers se consolident.

Depuis la fin des années 1980, la plupart de ces acteurs ont opéré dans le cadre des programmes d’ajustement structurel du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, et des engagements résultant du cycle d’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui ont conduit à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces accords ont entraîné la réforme des politiques agricoles, le démantèlement des subventions agricoles, la libéralisation des prix et des règles d’investissement, et l’élimination des "barrières" au commerce alimentaire international. Pour protester contre ces politiques, qui se sont avérées dramatiques pour la paysannerie, le leader paysan coréen Lee Kyung Hae s’est immolé pendant la réunion ministérielle de l’OMC en 2003.

Les accords de libre-échange bilatéraux ou régionaux négociés en dehors de l’OMC constituent un outil encore plus agressif. Ils comportent souvent des chapitres spécifiques sur l’agriculture, ainsi que d’autres mesures qui affectent gravement l’agriculture et l’alimentation. Les éléments les plus problématiques sont les suivants :

• La fragilisation des systèmes alimentaires locaux en raison des importations. En réduisant et en éliminant les droits de douane, les accords de libre-échange inondent les marchés locaux d’importations moins chères. Cela nuit à la production locale qui ne peut pas lutter à armes égales avec les grandes entreprises. En outre, les pays les plus puissants continuent de subventionner leur propre production agricole et poursuivent les pratiques de dumping (vente de produits en dessous de leurs coûts de production). Ils utilisent ainsi la libéralisation pour placer leurs excédents dans les pays avec lesquels ils signent des accords commerciaux. C’est le cas, par exemple, des accords de partenariat économique conclus par l’Union européenne avec des pays africains, qui ont conduit à un dumping des produits laitiers européens.

• La priorité accordée aux exportations. Par définition, les accords de libre-échange orientent la production agricole vers les marchés d’exportation internationaux. Par conséquent, les cultures vivrières sont remplacées par des cultures commerciales. Cette pression politique en faveur d’une agriculture plus industrielle entraîne l’épuisement des sols et de l’eau, crée une dépendance à l’égard des semences commerciales et conduit à une utilisation accrue d’engrais chimiques et de pesticides, qui sont nocifs pour la santé et l’environnement. L’exploitation de la main-d’œuvre est également une caractéristique inhérente à ce modèle. Le commerce agricole international contribue également de manière significative au changement climatique et est notoirement connu pour l’exploitation de la main-d’œuvre. Tous ces impacts sont visibles, par exemple, au Mercosur, où le modèle d’agro-exportation visant à satisfaire la demande internationale de soja acheminée par les entreprises transnationales, en particulier pour la Chine et l’Union européenne, a conduit à l’écocide du Cerrado. Si l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur était signé, les émissions de gaz à effet de serre générées par les seuls quotas de huit produits agricoles augmenteraient de 34 %.

• Privatisation et accaparement des terres. Les accords de libre-échange consolident le contrôle des entreprises sur les terres. L’Accord de libre-échange nord-américain comprenait des clauses permettant le démantèlement des terres collectives au Mexique, ce qui a été l’une des raisons du soulèvement des indigènes zapatistes en 1994. Ce changement juridique a favorisé la privatisation des terres par l’agrobusiness, entraînant des expulsions violentes de communautés. Pour sa part, le Partenariat économique global régional (RCEP) propose des règles sur les investissements et les services qui facilitent le transfert des terres des communautés paysannes vers l’agrobusiness. Des entreprises, telles que Wilmar et Olam (Singapour), Daewoo (Corée du Sud) et le groupe Beidahuang (Chine), ont déjà acquis des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles dans les États membres du RCEP. De plus, les accords UE-Maroc et Royaume-Uni-Israël ont permis la normalisation de l’accaparement des terres au Sahara occidental et en Palestine.

• La privatisation des semences et l’UPOV. L’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce a établi des règles internationales sur les droits de propriété intellectuelle privés sur les semences. Les accords de libre-échange vont plus loin en exigeant des brevets et des droits d’obtenteur sur toutes les formes de biodiversité. L’Union européenne, les États-Unis, l’Association européenne de libre-échange et le Japon, entre autres, exigent, dans un grand nombre de négociations commerciales, que leurs partenaires adoptent des lois conformes aux normes fixées par l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Cette demande est également présente dans l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP). Mettre en œuvre l’UPOV signifie criminaliser les pratiques paysannes quotidiennes, telles que la libre utilisation, la conservation, l’amélioration, l’échange et la distribution des semences, tout en consolidant le pouvoir monopolistique de l’agrobusiness.

• Sécurité sanitaire des aliments en faveur des entreprises. Les accords commerciaux représentent un mécanisme central dans l’expansion des normes de sécurité sanitaire des aliments qui servent les intérêts des pays riches et de leurs entreprises. Par exemple, l’Union européenne protège ses entreprises de la concurrence en imposant des normes sanitaires élevées que les petites exploitations agricoles des pays du Sud n’ont pas la capacité de respecter. De même, les États-Unis exigent de leurs partenaires commerciaux qu’ils abandonnent les interdictions relatives aux aliments génétiquement modifiés, malgré les inquiétudes de ces derniers quant à leurs risques sanitaires et environnementaux.

• Impacts du commerce électronique. Les négociations des accords commerciaux entre le Royaume-Uni et le Mexique, et entre l’Australie et l’Inde, ainsi que du CPTPP, entre autres, s’inscrivent dans le cadre d’un programme commercial numérique qui profite à des sociétés telles que Google, Amazon, Facebook et Apple. Le manque de réglementation, la perte de contrôle des données de production paysanne, et les difficultés d’accès au commerce électronique pour les petites entreprises, figurent parmi les principales menaces pour les systèmes alimentaires locaux.

• Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS). Il s’agit de l’un des aspects les plus néfastes des accords de libre-échange. L’ISDS permet aux grandes entreprises de contester les politiques publiques qui soutiennent les paysans et les paysannes, les marchés locaux, la santé publique et l’environnement. Il permet également aux investisseurs étrangers d’obtenir un contrôle accru sur les terres et les ressources naturelles, tout en n’offrant aucune protection aux communautés locales. Par exemple, le géant américain Amway menace actuellement d’intenter un arbitrage de type ISDS contre le Mexique pour avoir poursuivi ses engagements en matière de réforme agraire.

• Déréglementation environnementale. L’assouplissement des normes environnementales dans le cadre des accords de libre-échange est présenté comme un avantage pour les entreprises. Cela a précipité une dévastation socio-environnementale massive dans des pays comme le Mexique qui a fait l’expérience de trente ans de libre-échange. Le développement industriel stimulé par la déréglementation est lié au déversement de divers types de déchets et de produits chimiques toxiques, en plus de la pollution due à l’agro-industrie. Tout cela a eu de graves répercussions sur l’agriculture paysanne, et constitue l’un des principaux facteurs d’exode rural.

Les organisations paysannes, dont le réseau international La Via Campesina, demandent depuis longtemps que l’OMC ne se mêle pas de l’agriculture. Elles s’opposent également depuis des années à différents accords de libre-échange. Elles affirment que les politiques publiques adoptant les principes de la souveraineté alimentaire peuvent consolider des systèmes alimentaires durables et relocalisés. Elles soutiennent que les pays devraient avoir le droit de protéger et de promouvoir la production alimentaire locale, de réguler les marchés agricoles et de développer l’autosuffisance. Elles en appellent également à l’agroécologie paysanne et à la réforme agraire comme moyens essentiels de production alimentaire durable pour faire face à la crise climatique. Il s’agit d’un contre-programme essentiel face au régime de libre-échange.

dernière mise à jour : février 2023

Photo : La Via Campesina Asie du Sud


Mettre fin à la "guerre de la banane" qui dure depuis 16 ans
Le Parlement Européen devrait contribuer à mettre fin au différend commercial le plus long de l’histoire, en donnant son assentiment à l’accord de Genève du 15 décembre 2009 sur les droits de douane sur les bananes, même si cet accord n’a pu répondre entièrement aux intérêts légitimes de toutes les parties, a précisé la commission du commerce international dans une recommandation, lundi.
Nouveau coup dur pour la banane antillaise
Nouveau coup dur pour les producteurs de bananes antillais. Après l’accord multilatéral de libre-échange signé entre l’Union européenne (UE) et l’Amérique latine en décembre dernier, prévoyant une réduction de 35 % des droits de douane sur la banane latino arrivant sur le Vieux Continent, Bruxelles a franchi une étape supplémentaire. La Commission vient de signer un accord bilatéral de libre-échange avec la Colombie et le Pérou. Il porte notamment sur la réduction des droits de douane de près de 60 % sur ce fruit tropical. Actuellement de 176 euros la tonne, les droits passeront à 75 euros d’ici à dix-sept ans.
17 avril : journée internationale des luttes paysannes. Ensemble pour les droits des paysans et des paysannes !
En ce 17 avril 2009, unissons-nous pour stopper les accords de libre échanges en Afrique et partout dans le monde.
Qui osera reprocher à l’Afrique de protéger son agriculture ?
L’Inde a fait jouer là la souveraineté alimentaire comme un principe politique fort. De nombreux pays africains adoptent enfin la même attitude et s’unissent en régions pour mieux défendre ensemble leurs intérêts économiques, notamment agricoles, face aux revendications de l’UE et d’autres accords bilatéraux.
Les exportations alimentaires et les accords de libre-échange
L’un des éléments non-négociables dans la vague d’accords de libre-échange (ALE) qui ont été signés ces dix dernières années ou qui sont actuellement en négociation, c’est que la circulation des marchandises au niveau international ne peut en aucune manière être contrôlée ou restreinte.
L’UE marque son désaccord avec l’OMC au sujet de la banane
L’Union européenne a fait appel de la décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui l’a condamnée pour son régime d’importation de bananes jugé discriminatoire à l’égard des pays producteurs d’Amérique latine, et favorable aux pays du Groupe Afrique, Caraibes Pacifique (ACP), a-t-on appris mardi de source officielle.
La surpêche a un lien avec la crise alimentaire et la migration
Les mers d’Afrique de l’ouest subissent une dévastation due à la surpêche légale et illégale, pendant que les industries de pêche locales sont en déclin, selon un rapport publié récemment par l’organisation non gouvernementale (ONG) ActionAid. En plus, les accords de partenariat économique tels que proposés actuellement par l’UE ne font qu’exacerber le problème.
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Alena, ZLEA, APE...accords, traités, « partenariats »... Les noms changent, mais le règne sans partage du commerce est en œuvre partout dans le monde. Il est grand temps de faire le point sur ce que nous en savons aujourd’hui, d’apprendre à décrypter ce qui se trame en grand secret, de faire le lien avec les autres travailleurs menacés, puisque dans la plupart des cas, c’est nous qui paierons la facture.
Sécurité sanitaire : les dés sont pipés
Sur la scène de la sécurité sanitaire, les États-Unis comme l’UE tentent de faire adopter leurs normes par les autres pays à travers les accords bilatéraux de libre-échange.
Révoltes de la faim. L’Europe en question ?
Au Sénégal, le Yassa poulet, plat traditionnel, ou la baguette ne sont composés que de produits importés. Par ses exportations alimentaires, l’Europe participe fortement à la perte de l’autosuffisance agricole pour des centaines de millions d’humains.

    Liens


  • Agritrade : EPAs
    News & commentary specifically on the agricultural trade negotiations within the EU-ACP Economic Partnership Agreements, run by CTA (English/French)
  • Comparing EU FTAs : Agriculture
    Looks at the agricultural trade provisions of the EU’s seven Mediterranean agreements and the FTAs concluded with South Africa, Mexico and Chile
  • Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP)
    IATP is a non-governmental organisation based in Minneapolis, MN that focuses on the link between international policy and local action for sustainability in the food system
  • La Via Campesina
    La Via Campesina is an international movement of peasant organisations, farm workers, rural women and indigenous communities. (English, Spanish, French, Portguese)