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Accords de partenariat économique : "Nos précautions concernent l’extension de nos produits exportables"

leFaso.net | jeudi 27 septembre 2007.

Accords de partenariat économique : "Nos précautions concernent l’extension de nos produits exportables", selon M. Sériba Ouattara

La Journée du 27 septembre 2007 marque le 5ème anniversaire du lancement des négociations des Accords de partenariat économique (APE). Au bout de ce temps parcouru et à l’approche de la date du 1er janvier 2008, nous avons abordé le sujet avec Sériba Ouattara, directeur général du Commerce. Avec lui, nous avons échangé sur l’état d’avancement des négociations dans la sous-région ouest-africaine.

S : Un pays pauvre comme le Burkina dans un ensemble tout aussi moins nanti, peut-il négocier avec un grand ensemble développé comme l’UE ?

S.O. : Le Burkina est un Pays moins avancé (PMA) qui a des préoccupations de développement. Pour que ce partenariat soit équitable, il s’agit de mettre au centre, les préoccupations de développement du Burkina. Ce partenariat peut être équitable si cela est pris en compte.

Premièrement, nous avons très peu de produits que nous exportons. Dans notre jargon, nous appelons cela la contrainte de l’offre. A part le coton (qui représente 70%) et les produits de l’élevage que nous exportons, nous n’avons pas grand-chose du point de vue des produits à exporter. Nos préoccupations concernent donc l’extension de nos produits exportables. Cela peut se faire par la transformation de nos matières premières. Deuxièmement, nous avons besoin d’être aux normes européennes pour pouvoir exporter. Les mesures sanitaires et phytosanitaires bloquent souvent le peu que nous exportons. Il s’agit de pouvoir mettre nos productions actuelles et potentielles aux normes européennes.

Troisièmement, nous n’avons pas suffisamment d’infrastructures de communication et d’énergie. Il s’agit de trouver des solutions au plan régional pour toutes ces questions. Voilà quelques éléments sur la table des négociations pour permettre à notre pays de s’insérer dans le commerce international.

S : Comment les négociations se menent-elles dans l’espace ouest-africain ?

S.O. : Les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné mandat à la CEDEAO pour négocier ces accords au nom des Etats membres. Les éléments de ces mandats sont de renforcer l’intégration régionale, prendre en compte les questions de développement et respecter les dispositions douanières.

S : Deux entités, à savoir la CEDEAO et l’UEMOA négocient en même temps avec l’UE. n’y a-t-il pas doublon ?

S.O. : Il n’y a pas doublon. Cela est conforme aux mandats des chefs d’Etat et de gouvernement qui ont donné quitus à la CEDEAO de négocier en collaboration avec l’UEMOA et les Etats membres. Je puis vous assurer qu’il y a une parfaite symbiose entre ces deux structures...

S : Les APE mobilisent les Etats mais également d’autres acteurs. Comment tout cela s’articule sur le terrain ?

S.O. : Notre idée, c’est de faire en sorte que les acteurs non-étatiques que sont le secteur privé et la société civile puissent jouer leur rôle. L’Accord de Cotonou prévoit que ce sont des partenaires à part entière. Au Burkina, nous avons mis en place une commission nationale APE. Elle regroupe l’administration, c’est-à-dire les ministères impliqués dans les négociations, le secteur privé avec les représentants des organisations socioprofessionnelles et leurs structures d’appui que sont la Chambre de commerce et l’Office national du commerce (ONAC). Le société civile et le milieu académique y sont également représentés. La société civile, la Confédération paysanne du Faso (CPF), la Ligue des consommateurs et les syndicats sont partenaires à part entière.

L’idée est que chacun apporte ses préoccupations et que nous les mettions en commun. Cela pour que les positions du Burkina soient défendues au sein de la CEDEAO. Au niveau régional, la société civile a son organisation propre et est représentée à toutes les réunions de la CEDEAO. A ces rencontres, dans chaque délégation nationale, il y a au moins un représentant de la société civile.

S. : A quel stade des négociations sommes-nous ?

S.O. : Les négociateurs en chef ont fait le tour de l’état d’avancement en février 2007 à Bruxelles. Les deux parties ont reconnu le retard pris par les négociations et ont convenu d’un accord d’ici au 31 décembre 2007 à condition de satisfaire trois préalables. Le premier est que les deux parties s’entendent sur un texte des accords.

Le deuxième préalable, qu’ils s’entendent sur les programmes d’accompagnement, de mise à niveau des économies, les questions de développement... à financer par l’UE. Enfin, que les deux parties s’entendent sur un schéma de libéralisation. Sur la base de ces préalables, les deux parties se sont organisées pour faire face à la situation. L’Afrique de l’Ouest (CEDEAO et Mauritanie) s’est organisée pour proposer un texte sur les programmes d’accompagnement au plan industriel, agricole etc. Il en est de même de la détermination des produits sensibles. En somme, proposer à l’UE un plan sous-régional APE. En juillet dernier, la CEDEAO et l’UE ont convié les ministres des Finances et du Commerce à Accra (Ghana) à une concertation. Le constat du retard a été soulevé. Les ministres ont donné des orientations pour accélérer le travail.

S : Au vu des retards constatés, si les Accords ne sont pas signés avant fin décembre, quelles sont les alternatives possibles ?

S.O. : Les membres de l’OMC ont trouvé une dérogation jusqu’au 31 décembre 2007 pour que l’UE et les ACP se mettent en conformité avec les règles de l’OMC. Pour l’Union européenne, si les Accords ne sont pas signés, il y aura un vide juridique... Les pays qui ne sont pas des PMA dans la sous-région ouest africaine sont au nombre de 4, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Ghana, et le Cap-Vert auront un surplus de frais de droits de douanes à payer au niveau de l’UE. La prochaine réunion conjointe aura à se pencher sur ces questions.

Il faut jouer la carte de la solidarité entre PMA et non PMA. Sinon c’est l’intégration régionale qui va prendre un coup. Il faut travailler en rang serré pour qu’après le 31 décembre 2007, il n’y ait pas de perturbations dans la région. Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans l’initiative "Tout sauf les armes". Elle ouvre seulement le marché européen aux produits des PMA. Elle ne pose pas les questions de développement, or pour nous, le cœur des APE, c’est le développement, notamment la mise à niveau des économies, les mesures d’accompagnement des entreprise pour faire face à la concurrence internationale.

S : Pensez-vous que l’UE est sensible à ce discours ?

S.O. : Je le pense. D’abord, le parlement européen a demandé qu’il n’y ait pas trop de pressions en ce qui concerne la date du 31 décembre 2007. Le fait que l’UE ait accepté qu’il y ait un fonds régional APE différent du Fonds européen de développement (FED) à décaissement rapide est un pas. Ensuite, l’UE a admis qu’il faut des programmes de mise à niveau de nos économies, donc la prise en compte des questions de développement. L’UE est aussi d’accord pour nous accompagner dans le renforcement de l’intégration régionale.

Interview réalisée par Marceline ILBOUDO

Sidwaya


 source: leFaso.net