bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

ALE: L’ouverture est-elle à sens unique?

L’Economiste (Maroc) | 25 juin 2007

IIes Assises de l’exportation

ALE: L’ouverture est-elle à sens unique?

· Les échanges des biens dégagent un déficit tendanciel

· Problème de compétitivité ou défaillance de l’offre?

Quelle évaluation peut-on dresser des divers accords de libre-échange? Au moment où se tiennent les 2e Assises nationales de l’exportation, la question interpelle tous les intervenants. «D’abord, l’exportation est l’affaire de tous», comme le souligne, à juste titre, le secrétaire général du CNCE, Mohamed Benayad. Ensuite, l’objectif premier assigné à ces accords ne cible-t-il pas le développement des échanges? Et dont l’effet attendu est de booster la croissance économique. A la condition toutefois que l’équilibre entre la demande intérieure et extérieure soit assuré. La théorie se vérifie-t-elle dans le cas des accords de libre-échange mis en œuvre jusqu’à présent? Les statistiques relatives aux flux des échanges des biens permettent d’en douter.

D’ailleurs, le Conseil national du commerce extérieur en avait dressé le constat dans son rapport relatif à l’exercice 2005. «De manière générale, l’ouverture de l’économie reste foncièrement en faveur des importations», est-il relevé en substance. «Ce qui risque à terme de fragiliser la stabilité du cadre macroéconomique dont jouit le Maroc», commente Mourad Chérif, président du CNCE dans le même document. Le taux [1] de cette ouverture à l’importation, tel que calculé par le CNCE, a atteint 39,4% en 2005 contre 35,6%, l’exercice précédent. Alors qu’il se situait respectivement à 20,6 et 19,8% pour ce qui est des exportations. La situation se corse davantage en 2006, bien que les exportations aient enregistré une croissance à deux chiffres. Le constat est confirmé par l’analyse comparée des échanges avec l’Union européenne, l’Association des Etats de libre-échange (Aele) et les pays arabes partenaires d’accords de libre-échange. En dépit des avantages qu’offrent de tels accords pour le développement des exportations, les ventes marocaines aux pays arabes, prises globalement, demeurent faibles: 3,946 milliards de DH en 2006 contre une valeur des achats de 22, 873 milliards. Certes, près de 14 milliards ont bénéficié aux importations en provenance de l’Arabie saoudite et doivent être comptabilisés au titre des achats des produits pétroliers. A déduire également quatre autres milliards dépensés la même année pour l’achat du gaz de pétrole algérien. Il n’en demeure pas moins que le déficit se creuse d’année en année. Il est environ de 50% avec les pays signataires du Quadra et loin de compenser 25% des importations en provenance des pays arabes de la zone de libre-échange. Au niveau des pays de l’UMA (Union du Maghreb Arabe), nos exportations couvrent moins du tiers des importations.

Les barrières non tarifaires expliquent-t-elles la quasi-stabilité de l’offre exportable marocaine? Alors que nos partenaires améliorent leurs parts de marché. D’après des calculs effectués par le CNCE sur la base des statistiques de l’Office des changes, les taux de pénétration des produits en provenance des Emirats arabes unis et de l’Egypte se chiffrent respectivement à 32,7 et 19,4% durant la période 2001-2005.

Qu’en est-il également des autres groupements? Un seul constat: la progression des importations s’avère soutenue en provenance de ces pays. S’agissant des Etats-Unis, pays avec lequel le Maroc a conclu un accord de libre-échange couvrant l’ensemble des activités, la situation est encore moins reluisante. Le déficit s’inscrit dans un trend alarmant. Après avoir marqué une hausse record de 50% la première année de la mise en œuvre de l’accord, les exportations s’inscrivent en baisse tendancielle. De 3,4 milliards de dirhams en 2004, elles sont tombées à 2,09 milliards en 2006, cédant 30%. Parallèlement, les importations ont marqué un bond d’environ 50% en 2006 après une légère baisse en 2005. Elles passent ainsi de 6,10 à 9,13 milliards de DH, d’un exercice à l’autre. L’évolution des importations en liaison avec l’accord d’association Maroc/UE montre aussi une dynamique de croissance. Totalisant 72 milliards de DH environ en 2000, année de la mise en œuvre de l’accord, ces importations ont porté sur 108,4 milliards en 2006. En contrepartie, les exportations, bien qu’en progression soutenue au cours des deux dernières années, révèlent un déficit de 27 milliards de DH pour une valeur de 81,2 milliards en 2006 contre 59,3 en 2000. Il faut dire que sur ce marché, le Maroc réalise d’importantes transactions en termes du commerce de services.

Fort heureusement, l’excédent dégagé par ces échanges permet de compenser le déficit du commerce des biens. Côté AELE, la tendance affichait une forte progression des exportations en 2004 et en 2006. Mais les valeurs réalisées dégagent toujours un déficit au détriment de la balance marocaine. Problèmes de compétitivité, de services liés à l’acte d’exporter, insuffisance promotionnelle, ou défaillance de l’offre marocaine? Quoi qu’il en soit, il y a un fort décalage entre la mise en œuvre des accords et les mesures d’accompagnement. Les premiers contrats-programmes ne datent-ils pas de 2005 et 2006?

A. GHOUIBI

Footnotes:

[1Le taux d’ouverture se calcule par rapport à la valeur globale des échanges y compris les admissions temporaires et le trafic de perfectionnement.


 source: L’Economiste