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APE - Jusqu’où résistera la société civile ?

Le Pays (Ouagadougou) | 1 Août 2007

Afrique : APE - Jusqu’où résistera la société civile ?

Par la force de mobilisation des organisations de la société civile africaine, les Accords de partenariat économique sont en passe de devenir l’un des processus de négociation nord-sud les plus médiatisés de cette décennie.

Pas une réunion où les organisations paysannes, surtout, n’évoquent le danger que constituent ces accords pour les producteurs et, au-delà, les pays africains. Pour l’une des premières fois, des Africains ont pu rivaliser avec l’Occident en matière de publicité sur un phénomène. Certes, il y a eu le combat pour un commerce international juste du coton conduit par quatre pays africains, mais la portée de cette opération était limitée en raison du nombre réduit de pays concernés directement par le problème. Ce qui n’est pas le cas des 75 pays d’Afrique, des Caraïbes et du pacifique appelés à signer les APE.

Ce vaste mouvement à la fois africain et transcontinental est aussi porté par des organisations d’Europe, ce qui lui apporte un surcroît de visibilité. La lame de fond anti-APE, partie d’Afrique occidentale, s’étend aujourd’hui au centre du continent. Le temps presse en effet. L’Union européenne souhaite voir ces fameux accords signés avant le 1er janvier 2008. Les dirigeants africains sont désormais pris entre l’enclume de l’hostilité de leurs paysans aux APE et le marteau des pressions européennes. Comment réagiront-ils ?

Par le passé, en tout cas, les pouvoirs africains ont très peu fait cas des revendications de leurs peuples face au rouleau compresseur de la mondialisation. Les ajustements structurels décriés par les syndicats au début des années 90 ont été pourtant appliqués même si leur impact sur le développement de nos pays apparaît aujourd’hui aléatoire. Les APE ne sont qu’un appendice de la libéralisation tous azimuts du commerce international puisqu’ils visent à instaurer un libre échange sur les produits agricoles entre l’Europe et les ACP. Il est donc fort peu probable, malgré les désavantages qu’ils présentent, que les APE ne soient pas signés par les Etats africains.

D’abord parce qu’ils dépendent économiquement des institutions financières internationales et des pays développés qui militent pour cette mondialisation. Vivant essentiellement grâce aux subsides octroyés par les bailleurs de fonds européens, les pays africains ne pourront pas tenir tête à leur requête. A cette dépendance financière se greffent des considérations politico-diplomatiques qui font des APE un véritable poison pour l’Afrique. Il est donc illusoire de croire que le semblant de résistance manifesté par certains Etats tiendra longtemps.

Le moratoire de trois ans demandé par les gouvernements ouest-africains pour permettre à leurs entreprises de se préparer à l’ouverture des frontières a peu de chance d’être accepté par l’UE. Car l’OMC (Organisation mondiale du commerce) est à l’affût. Autant dire que dans cette nouvelle épreuve, l’Afrique part perdante. Comme elle l’a été au cours des négociations précédentes qui ont rythmé la marche des affaires du monde. Les dirigeants, dont certains se sont compromis dans divers dossiers, n’ont pas toujours une marge de manoeuvre suffisante pour discuter d’égal à égal avec leurs homologues du reste du monde. Le syndrome de l’impuissance africaine risque à nouveau de se manifester malheureusement avec les accords de partenariat économique.

Mais la signature des APE ne doit pas, si d’aventure elle advenait, sonner le glas de la mobilisation citoyenne à la base conduite par les organisations de la société civile. Face à l’inévitable capitulation des gouvernants pour les raisons que l’on sait, la résistance citoyenne doit se projeter aussi sur le terrain de la consommation. Si les Européens sont assez forts pour nous contraindre à ouvrir largement nos marchés à leurs produits, nous devons au moins être capables de leur opposer notre droit à une consommation consciente. C’est la fameuse formule du consommer local qui doit prévaloir afin que les produits de nos agriculteurs et industriels trouvent preneurs sur place.

Cependant, si le complexe du mode de consommation à l’occidentale continue d’être ancré dans nos moeurs, il va sans dire qu’un tel patriotisme économique est voué à l’échec. Mais là aussi, la responsabilité en incombe aux élites, dont le pouvoir d’achat élevé les éloigne des produits locaux. En tout état de cause, il revient surtout aux acteurs de la mobilisation d’avant les APE, de ne pas baisser la garde. Ce serait en effet un énorme gâchis si les énergies dépensées pendant toute cette campagne contre les accords n’étaient pas capitalisées par une action post-APE.

On a vu comment aux Etats-Unis, les consommateurs ont boudé les produits français au lendemain du non de Chirac à l’invasion de l’Irak ; on a aussi vu se développer un antiaméricanisme économique dans les pays arabes où une célèbre marque de boisson, symbole de la puissance américaine, n’avait plus les faveurs des consommateurs. Seule l’Afrique n’a jamais su exercer ce droit militant pour une consommation sélective de certains produits. Le temps est peut-être venu pour la société civile de franchir le pas en continuant sa résistance citoyenne jusqu’au bout.


 source: AllAfrica.com