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Brexit : les négociations sur l’accord de libre-échange s’annoncent féroces

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Les Echos | 3 février 2020

Brexit : les négociations sur l’accord de libre-échange s’annoncent féroces

Michel Barnier et Boris Johnson ont présenté, lundi, des objectifs de négociation diamétralement opposés pour les mois qui viennent. L’Europe veut que Londres s’abstienne de faire de la concurrence déloyale s’il veut un accès libre de droits de douane au marché européen. Londres veut rester maître de ses choix. Le duel s’annonce saignant.

Par Catherine Chatignoux, Alexandre Counis

S’agit-il de cette fameuse technique de négociation qui consiste à se montrer le plus intransigeant possible avant de commencer ? Ou le signal le plus clair que la négociation de la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne s’annonce vraiment coriace ? Chacun d’un côté du « Channel », les deux protagonistes de cette nouvelle séquence ont en tout cas affiché lundi des objectifs diamétralement opposés.

A Bruxelles, le représentant spécial de la Commission, Michel Barnier, a expliqué que l’UE à 27 allait chercher à conclure un accord de partenariat « hautement ambitieux » avec le Royaume-Uni durant les onze courts mois qui les séparent du 31 décembre, date butoir fixée par Londres.

Mais il a immédiatement conditionné la possibilité d’un accord de libre-échange prévoyant « zéro droit de douane » et « zéro quota » d’importations, à une double condition. D’abord, la concurrence côté britannique doit rester « ouverte et loyale » afin d’assurer à l’UE un « level playing field ». Pas question que le Royaume-Uni tire vers le bas les normes fiscales, sociales et environnementales, ou les règles encadrant les aides d’Etat, pour vendre davantage sur le marché européen ou se rendre attractif auprès des investisseurs. « Tout cela est consigné dans la déclaration politique que Boris Johnson et ses équipes ont signée le 17 octobre dernier » a précisé Michel Barnier, document à la main. Ensuite, le deal devra inclure de manière « indissociable » un accord sur la pêche , incluant « un accès continu et réciproque aux eaux et aux marchés » des deux blocs.

Normes élevées

Quelques minutes plus tard, Boris Johnson a défendu, depuis Londres, une position radicalement différente . « Il n’y a pas besoin d’un accord de libre-échange qui implique d’accepter les règles de l’Union européenne en termes de concurrence, de subventions, de protection sociale, d’environnement ou autre, pas plus que l’UE ne devrait être obligée d’accepter certaines règles britanniques », a-t-il balayé afin de retrouver toute sa liberté. Il a précisé que le Royaume-Uni voulait maintenir des standards élevés dans ces domaines, et même meilleurs que ceux de l’UE, mais « sans que cela soit imposé par un traité ». Avant de rappeler que le pays redeviendra un « Etat côtier souverain » fin 2020, qui pourra négocier l’accès des pêcheurs européens à ses eaux sur une base annuelle.

Pour les Européens, les termes du deal sont pourtant clairs : « Je ne parle pas d’alignement sur les règles européennes, a précisé Michel Barnier, je parle de cohérence. Ce sont les Britanniques qui vont devoir choisir leur niveau d’accès au marché intérieur européen et à ses 450 millions de consommateurs. Cela ne se fera pas contre rien. L’accès sera proportionnel aux engagements qu’ils prendront pour limiter la concurrence déloyale… Plus il y aura de divergences réglementaires, moins il y aura d’accès. » « Nous avons besoin de confiance mutuelle, a ajouté le négociateur européen. Mais si le Royaume-Uni veut sortir rapidement de l’Union, je recommande de ne pas commencer à sortir à reculons. »

Maîtriser la divergence

Boris Johnson a appelé de ses voeux un accord de libre-échange du type de celui conclu avec le Canada en soulignant qu’aucune obligation ou presque n’a été imposée à Ottawa en matière de « level playing field ». La différence, c’est que « pour la première fois dans le cadre d’un accord de libre-échange, il ne s’agit pas d’encourager la convergence des normes mais de maîtriser la divergence », à partir de règles du jeu totalement harmonisées, a néanmoins fait remarquer Michel Barnier.

Le rapport de force, en tout cas, est désormais installé. Boris Johnson a averti les Européens que l’alternative à un accord contraignant serait un accord tel que celui liant l’UE à l’Australie , limité à certains secteurs. Les autres resteraient régis par les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMS), ce qui signifierait des droits de douane sur de nombreux produits. Londres s’y dit prêt, et met Bruxelles au défi.

Lire aussi (en anglais):

 Les directives de négociations de l’UE
 Les directives de négociations du Royaume-Uni


 Fuente: Les Echos