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Bruxelles lance de nouvelles procédures contre Londres après la révision unilatérale du statut post-Brexit de l’Irlande du Nord

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Le Monde | 22 juillet 2022

Bruxelles lance de nouvelles procédures contre Londres après la révision unilatérale du statut post-Brexit de l’Irlande du Nord

C’est un pas de plus vers une potentielle saisine de la justice européenne. Vendredi 22 juillet, la Commission européenne a annoncé avoir lancé contre le Royaume-Uni quatre nouvelles procédures d’infraction pour non-respect des dispositions prévues dans le protocole post-Brexit sur l’Irlande du Nord.

« Malgré les appels répétés du Parlement européen, des vingt-sept Etats membres de l’UE et de la Commission européenne à mettre en œuvre le protocole, le gouvernement britannique ne l’a pas fait », regrette l’exécutif européen dans un communiqué. La Commission européenne relève en outre « le refus du Royaume-Uni d’engager une discussion sérieuse depuis février dernier », ainsi que « le passage du projet de loi sur [la révision unilatérale du] protocole de l’Irlande du Nord au Parlement britannique ».

Les députés britanniques avaient adopté à la fin de juin en première lecture cette révision, jugée illégale par l’Union européenne (UE). Pour éviter le retour d’une frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, membre de l’UE, le protocole créait en effet une frontière douanière entre la province britannique et l’île de Grande-Bretagne, mais cette situation perturbait les approvisionnements du territoire et sème la colère dans la communauté unioniste attachée au maintien au sein du Royaume-Uni. La révision visait à créer un « canal vert », libérant de toutes les démarches administratives les marchandises circulant et restant au sein du Royaume-Uni – des contrôles ne seraient appliqués que pour les marchandises destinées à l’UE.

« Il est décevant que l’UE ait choisi d’engager de nouvelles actions en justice, particulièrement concernant les marchandises quittant l’Irlande du Nord pour la Grande-Bretagne, qui, de toute évidence, ne représentent aucun risque pour le marché unique européen », a réagi un porte-parole du gouvernement britannique. « Un contentieux juridique n’est dans l’intérêt de personne et ne résoudra pas les problèmes auxquels sont confrontés les habitants et les entreprises d’Irlande du Nord », a-t-il ajouté.

Non-respect des obligations et de la législation

Les quatre nouvelles procédures d’infraction dévoilées vendredi s’ajoutent à trois autres annoncées – l’une d’elles fait l’objet d’une relance – le 15 juin dernier. Elles peuvent conduire à une action devant la Cour de justice de l’UE et à des astreintes financières.

Les nouvelles procédures portent sur le non-respect des obligations douanières et du contrôle des marchandises allant d’Irlande du Nord vers la Grande-Bretagne (qui augmente, selon Bruxelles, le risque de contrebande via la frontière nord-irlandaise), le non-respect de la législation européenne, en particulier en ce qui concerne les taxes sur l’alcool et la TVA applicable à l’e-commerce.

Les trois précédentes actions engagées portaient sur le non-respect des exigences en matière de certification pour la circulation des produits agroalimentaires, des obligations en matière de contrôles sanitaires et phytosanitaires, et la non-communication à l’UE de certaines données statistiques sur le commerce concernant l’Irlande du Nord.

Le Royaume-Uni a deux mois pour répondre aux lettres de la Commission européenne et prendre des mesures pour se mettre en conformité avec le protocole.

Protéger la paix et le marché commun

Le protocole nord-irlandais a été négocié entre Londres et Bruxelles dans le cadre du traité de divorce pour répondre à la délicate question de la frontière entre l’Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, et la République d’Irlande, membre de l’UE.

Il a été conçu pour répondre à un double objectif : protéger l’intégrité du marché unique européen et éviter le retour d’une frontière terrestre, qui risquerait de fragiliser la paix conclue en 1998 entre Londres, Dublin et les principales forces politiques d’Irlande du Nord.

Pour résoudre cette quadrature du cercle, le gouvernement de Boris Johnson avait accepté que l’Irlande du Nord reste au sein du marché européen, ce qui devait instaurer une frontière douanière en mer d’Irlande avec le reste du Royaume-Uni.

Cette situation complique les approvisionnements et horripile la communauté unioniste d’Irlande du Nord, pour laquelle la place de la province au sein du Royaume-Uni est menacée. Le protocole n’a toutefois jamais été mis complètement en œuvre, car des périodes de grâce sur les contrôles ont été instaurées et prolongées pour des produits comme la viande non surgelée ou les médicaments.

Selon les termes de l’accord post-Brexit, Bruxelles pourrait décider en représailles de suspendre l’application de certaines dispositions, au risque de générer un vif différend commercial avec Londres.

Le Monde avec AFP


 source: Le Monde