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Doit-on « libre-échanger » avec la Chine ?

Le président Hu Jintao offre du thé à Stephen Harper lors de sa visite à Ottawa, le 24 juin dernier, pour les sommets du G8 et G20. (Reuters)

La Presse | 24 juillet 2010

Doit-on « libre-échanger » avec la Chine ?

Stéphane Paquet

Une toute petite phrase, qui promet de provoquer de grands débats : « Que le Canada examine la possibilité de conclure un accord de libre-échange Canada-Chine global portant sur le commerce des produits et des services et sur l’environnement. »

Et voilà ! La Chine aux salaires de misère, la Chine aux droits de la personne déficients, la Chine qui inonde déjà le marché canadien de ses produits bon marché, cette même Chine à qui le porte-parole des entreprises canadiennes veut ouvrir toutes grandes les portes du pays.

Le Canada y gagnerait au change, selon le président de la Chambre de commerce du Canada, l’ancien ministre conservateur Perrin Beatty. « Globalement, quand les tarifs douaniers baissent, c’est à l’avantage des entreprises canadiennes, explique-t-il en entrevue. Les obstacles sont plus grands pour faire entrer des produits canadiens dans d’autres pays qu’ils ne le sont pour les produits étrangers au Canada. »

Dans une longue étude sur les relations commerciales Canada-Chine publiée ce mois-ci, l’organisme canadien dresse un bilan plutôt moche de la présence canadienne en Chine. En gros, on tire la patte par rapport aux autres pays.

Un exemple parmi d’autres, l’investissement direct étranger (IDE) des Canadiens en Chine en 2009. En incluant Hong-Kong, il atteint à peine 9,6 milliards de dollars sur les 637,3 milliards d’IDE canadiens dans le monde. « Autrement dit, la valeur de l’IDE du Canada en Chine représentait seulement 1,5% de son investissement direct total à l’étranger. »

Les États-Unis et l’Europe sont beaucoup plus présents, même bien quand on tient compte de la taille de leur économie : 310,7 milliards d’IDE pour notre voisin du Sud et 137 milliards pour l’Union européenne.

« C’est important pour nous de reconnaître qu’il y a d’importantes occasions d’affaires en Chine, comme fournisseur, comme client, comme partenaires, poursuit M. Beatty. Mais on doit les développer activement, ce que nous n’avons pas suffisamment fait jusqu’à présent, tant au niveau gouvernemental que des entreprises privées. »

Ferme opposition

Pour le syndicat des Travailleurs canadiens de l’auto, le libre-échange avec la Chine est déjà une réalité. « On a déjà le libre-échange avec la Chine, mais à sens unique », déplore le président Ken Lewenza, qui souligne que le déficit commercial du Canada avec la Chine pour le seul secteur manufacturier a atteint 33 milliards en 2009.

« Ce qu’on doit négocier, c’est un accès égal aux marchés l’un de l’autre », souligne le syndicaliste, qui s’oppose à un accord de libre-échange en bonne et due forme.

À la Fédération des chambres de commerce du Québec, la question chinoise n’a pas encore été tranchée au conseil d’administration. « On comprend très bien l’importance de la Chine et on ne peut pas l’ignorer », dit sa présidente, Françoise Bertrand. Mais le mot « prudence » revient souvent au cours de l’entretien.

« Ils (les Chinois) vivent dans un contexte différent du nôtre. On peut bien dire qu’ils sont chez nous dans nos contrats d’infrastructure, puis on peut être chez eux. Mais si les règles de base ne sont pas les mêmes ou ne sont pas compatibles, on s’en va peut-être dans une situation qui, plutôt que d’être prometteuse, peut être problématique », ajoute-t-elle.

Mais elle a aussi ses doutes sur l’effet, au Canada, d’un plus grand accent mis sur la Chine. Car, qui dit Chine dit Ouest du pays. Et l’Est pourrait perdre au change.

« C’est toujours avec vigilance qu’il faut regarder ça », avance-t-elle. En mettant plus d’accent sur le corridor Asie-Pacifique, le gouvernement fédéral oubliera-t-il d’investir dans le poste frontalier de Lacolle ? demande-t-elle. Ou dans le Port de Montréal ? Celui de Québec ? Oubliera-t-il les négociations de libre-échange avec l’Europe, dont la FCCQ est un ardent défenseur ?

« Je ne voudrais pas m’avancer dans une position, en disant que nous sommes d’accord avec l’ensemble des recommandations de ce document-là (de la Chambre de commerce du Canada), qui ferait en sorte que des négociations qui ont cours présentement pour des investissements dans l’Est canadien soient minimisés. »

Bref, en plus d’un débat sur les relations entre le Canada et la Chine, le débat risque de soulever des questions de politique et de priorités internes.


 source: La Presse