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En Asie, Joe Biden tente de contrer la poussée de l’influence chinoise

Les Echos | 19 mai 2022

En Asie, Joe Biden tente de contrer la poussée de l’influence chinoise

Par Yann Rousseau

Au cours des cinq prochains jours, Joe Biden va séjourner en Corée du Sud, puis au Japon et retrouver à Tokyo, pour un grand sommet régional, les dirigeants australiens et indiens. Mais tout l’agenda du président américain ne sera concentré que sur un seul objectif : contrer l’influence croissante d’une Chine autoritaire dans une région Indo-Pacifique qui abrite 65 % de la population mondiale et génère désormais 62 % du produit intérieur brut de la planète.

Ces dernières semaines, les grandes capitales de la zone avaient pu craindre une forme de dispersion de la diplomatie américaine, occupée à travailler avec les pays européens sur la crise ukrainienne. « Au début de la guerre, des commentateurs avaient expliqué que l’attention américaine allait être détournée comme elle l’avait été avec l’Irak ou l’Afghanistan. Mais les Etats-Unis ne sont pas en guerre. Et ils sont capables de marcher et de mâcher un chewing-gum en même temps », tranchait il y a quelques jours Bilahari Kausikan, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Singapour.

Compétition stratégique

Si cette tournée asiatique est la première réalisée par Joe Biden en tant que président, ses ministres et les cadres de son administration ont multiplié, en un an et demi, les déplacements en Asie de l’Est et la Maison-Blanche a organisé plusieurs sommets avec les chefs d’Etat de la région à Washington. Sa vice-présidente, Kamala Harris, avait même consacré à la région sa première visite officielle.

Convaincus que leur compétition stratégique avec Pékin va dessiner le XXIe siècle, les Etats-Unis s’efforcent non pas de changer la nature du régime chinois mais de modifier l’environnement dans lequel il pousse son influence . « Il ne s’agit pas de leur demander de couper les liens avec la Chine ou de forcer un découplage. C’est impossible. Mais il s’agit de donner aux pays de la région une plus forte autonomie stratégique afin qu’ils puissent faire leurs choix indépendamment de Pékin », explique Stephen Nagy, un expert des relations internationales à l’International Christian University de Tokyo.

Ce travail passe par le renforcement des liens politiques, militaires et économiques entre la région et l’Amérique. A Séoul, où il séjournera jusqu’à dimanche, Joe Biden va ainsi consolider les accords de défense bilatéraux avec le tout nouveau président conservateur Yoon Seok-yeol, qui a promis, au fil de sa campagne, de se montrer plus ferme vis-à-vis de Pékin et a déjà proposé la reprise des exercices militaires américano-coréens qui se tenaient essentiellement en virtuel depuis 2018 pour ne pas agacer la Chine et la Corée du Nord.

A Tokyo, le président américain va officialiser, avec le Premier ministre Fumio Kishida , le lancement de « l’Indo-Pacific Economic Framework » (IPEF), huit mois après l’affaire des sous-marins australiens qui avait dégradé la relation franco-américaine. Il s’agit d’un nouveau pacte économique que son administration développe depuis des mois pour tenter de compenser l’absence des Etats-Unis du Partenariat transpacifique, duquel Donald Trump s’était brutalement retiré en 2017.

Un nouveau pacte

L’IPEF ne génère toutefois qu’un enthousiasme poli dans la région. Il ne contient aucun avantage commercial pour les produits asiatiques entrant sur le marché américain mais prévoit plutôt un alignement des pays participants sur un ensemble de standards en matière d’environnement, d’économie digitale, de fiscalité, de sécurisation des chaînes d’approvisionnement ou de décarbonation. Autant de normes jugées difficilement acceptables par le régime chinois.

Si les membres de l’Asean, plus intéressés par des baisses de droits de douane, semblent peu pressés de s’y associer, les pays développés tels que le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou Singapour sont déjà prêts à signer. Séoul y songe sérieusement. « Pour ces pays, tout ce qui peut ancrer les Etats-Unis en Asie est perçu comme une bonne chose », note Stephen Nagy.

Comprenant cette stratégie, Pékin a multiplié ces derniers jours les attaques contre le pacte. Lors d’un échange en début de semaine avec son homologue sud-coréen, Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères a mis en garde contre « ces risques d’une nouvelle guerre froide » fomentée par Washington.


 Fuente: Les Echos