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Interdiction des nouveaux forages : l’Italie risque de verser des dommages et intérêts à une société pétrolière britannique

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Les Crises | 30 août 2021

Interdiction des nouveaux forages : l’Italie risque de verser des dommages et intérêts à une société pétrolière britannique

par Josephine Moulds (The Guardian)

L’Italie pourrait être contrainte de payer des millions de livres de dommages et intérêts à une compagnie pétrolière britannique après avoir interdit tout nouveau forage près de ses côtes.

L’affaire a suscité l’indignation au sujet des tribunaux internationaux secrets auprès desquels les entreprises de combustibles fossiles peuvent poursuivre les gouvernements pour avoir adopté des lois visant à protéger l’environnement, dans un contexte de crainte que ces affaires ne ralentissent l’action contre la crise climatique. Elle alimente également les craintes que le Royaume-Uni soit particulièrement exposé au risque de voir les compagnies pétrolières intenter des procès pour empêcher les politiques vertes, ce qui pourrait entraver l’action en faveur du climat.

Rockhopper Exploration, basée à Salisbury, dans le Wiltshire, a acheté une licence pour extraire du pétrole au large de la côte adriatique de l’Italie en 2014. Le projet avait déjà suscité une vague d’opposition, avec des manifestations qui ont attiré des dizaines de milliers de personnes. En deux ans, la campagne a gagné le parlement italien, qui a imposé une interdiction des projets pétroliers et gaziers à moins de 12 milles nautiques des côtes italiennes.

Les gouvernements sont très conscients de la menace de litiges lorsqu’ils élaborent leurs politiques.

Rockhopper s’est défendue en utilisant un mécanisme juridique relativement obscur connu sous le nom de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), qui permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements pour avoir introduit des politiques susceptibles d’affecter leurs bénéfices futurs. Selon les rapports, Rockhopper a dépensé 29 millions de dollars (21 millions de livres sterling) sur le projet offshore à ce jour et réclame des dommages et intérêts de 275 millions de dollars sur la base des bénéfices futurs attendus du champ pétrolifère.

La société a déclaré avoir été informée qu’elle avait « de fortes chances de recouvrer des dommages pécuniaires très importants » à la suite des actions de l’Italie.

Conçu dans les années 1950 par un banquier et l’avocat en chef de la compagnie pétrolière Royal Dutch Shell, l’ISDS visait à protéger les investissements des entreprises dans les pays nouvellement indépendants, où l’on craignait que les gouvernements ne tentent de reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles. Le concept s’est progressivement imposé et il est désormais inscrit dans des milliers de traités d’investissement dans le monde.

Des décennies plus tard, les entreprises de combustibles fossiles s’en servent pour protéger leurs actifs, cette fois face à une vague imminente de législations sur le climat.

Cela s’explique par le fait que l’ISDS fait partie du traité sur la charte de l’énergie (TCE), ce qui signifie que les entreprises du secteur de l’énergie peuvent poursuivre n’importe lequel des 53 pays signataires, y compris le Royaume-Uni, s’ils prennent des mesures susceptibles de porter atteinte aux revenus futurs de ces entreprises, comme l’interdiction d’exploiter les réserves de charbon, de pétrole et de gaz.

La société énergétique allemande RWE, par exemple, poursuit les Pays-Bas pour 1,4 milliard d’euros (1,2 milliard de livres sterling) en raison de ses projets d’élimination progressive du charbon.

Des affaires de ce type pourraient ralentir l’action contre la crise climatique, car les gouvernements attendent l’issue de batailles juridiques dont la résolution pourrait prendre des années. Ruth Bergan, conseillère principale du groupe de campagne Trade Justice Movement, déclare : « Les gens observent ces affaires et il est prouvé qu’ils regardent ce qui se passe ailleurs et que cela freine leurs propres politiques. Cela augmente considérablement le prix de l’action climatique et nous ne pouvons pas nous le permettre. »

Bien que le Royaume-Uni n’ait pas encore été poursuivi au titre du TCE, une analyse d’Investigate Europe montre qu’il est le plus vulnérable de tous les pays d’Europe, avec des infrastructures de combustibles fossiles d’une valeur de plus de 120 milliards de livres sterling appartenant à des sociétés étrangères. Selon Bergan, on craint que le Royaume-Uni ne retarde ou n’édulcore sa législation sur le changement climatique par peur d’être poursuivi en justice.

Les avocats confirment que les gouvernements sont très conscients de la menace de litige lorsqu’ils élaborent une politique. Toby Landau, l’un des principaux avocats spécialisés dans les affaires ISDS, a déclaré dans une interview à la London School of Economics : « En tant que praticien, je peux vous dire qu’il y a des États qui demandent maintenant l’avis d’un avocat avant de promulguer des politiques particulières afin de savoir s’il y a ou non un risque de plainte entre un investisseur et l’État. »

De longues discussions visant à réformer le traité ont repris ce mois-ci, mais une fuite de câbles diplomatiques suggère qu’elles risquent d’échouer.

La France et l’Espagne veulent toutes deux se retirer du traité, mais cela ne les protégerait pas des réclamations liées aux investissements passés. L’Italie a quitté le TCE en 2016 mais est poursuivie en vertu d’une clause d’extinction qui stipule que les anciens membres sont soumis au traité pendant 20 ans après leur départ.

Plusieurs sociétés cotées à Londres ont récemment lancé des poursuites dans le cadre de l’ISDS, notamment les sociétés minières Anglo American et Glencore, qui poursuivent le gouvernement colombien après avoir été interdites, en 2017, d’exploiter une partie d’une immense mine de charbon à ciel ouvert en raison de son impact sur l’environnement.

La société Ascent Resources, cotée au Marché d’Investissement Alternatif de Londres (AIM), poursuit la Slovénie après que l’agence de l’environnement du pays lui a demandé de réaliser une évaluation environnementale avant de se lancer dans un projet de fracturation, qui, selon les militants, pourrait polluer les sources d’eau essentielles situées à proximité.

Ascent a déclaré que six des ministères du gouvernement slovène et des organisations de protection de la nature avaient conclu qu’une telle évaluation n’était pas nécessaire et que la demande était donc « manifestement arbitraire et déraisonnable. »

L’ISDS est considéré comme particulièrement puissant, car les actifs d’un État à l’étranger peuvent être saisis afin de payer les dommages et intérêts éventuels. La compagnie pétrolière et gazière écossaise Cairn Energy, par exemple, tente de saisir les avions de la compagnie publique Air India après que l’Inde a été condamnée à lui verser 1,2 milliard de dollars de dommages et intérêts en vertu de l’ISDS.

Ses partisans affirment qu’en protégeant les entreprises contre les traitements injustes des gouvernements, l’ISDS encourage les investissements étrangers. Guillaume Croisant, directeur associé chez Linklaters, un cabinet d’avocats du cercle magique actif dans les arbitrages ISDS, déclare : « Pour de nombreuses entreprises, ce qui est important, c’est l’effet dissuasif de ces protections. »

La principale critique adressée à l’ISDS est que la justice qu’il rend est déséquilibrée, car les gouvernements ne peuvent pas poursuivre les entreprises et il n’est ouvert qu’aux investisseurs étrangers. Par le passé, le coût des frais de justice – qui s’élèvent en moyenne à 8 millions de dollars par affaire – en a également fait la chasse gardée des multinationales. Un certain nombre de bailleurs de fonds spécialisés ont toutefois vu le jour et proposent un service « no win no fee » [Les honoraires ne sont dûs qu’en cas de victoire, NdT] pour les arbitrages internationaux.

Rockhopper, qui a eu recours à l’un de ces services pour déposer son dossier ISDS, a une valeur boursière d’à peine 42 millions de livres sterling, de sorte qu’une indemnité ISDS pouvant atteindre des centaines de millions de livres sterling serait considérable pour ses finances.

Daniel Slater, analyste de la société de courtage Arden Partners, estime que toute manne serait « extrêmement utile » pour financer le projet de Rockhopper au large des Malouines, un gisement encore inexploité contenant 1,7 milliard de barils de pétrole qui, s’il était foré, pourrait produire environ une fois et demie les émissions annuelles de gaz à effet de serre du Royaume-Uni, selon le groupe de réflexion sur le climat Ember.

À la question de savoir comment ce projet s’inscrit dans le cadre de la mise en garde de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) contre les investissements dans de nouveaux projets de combustibles fossiles, Rockhopper s’est refusé à tout commentaire.

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Document d’époque (1994) sur la charte :
https://web.archive.org/web/20131024073327/http://www.encharter.org/fileadmin/user_upload/document/EN.pdf#page=141

Projet de loi au Sénat
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl96-186.html

Texte de Hervé de Charette
discussion au sénat le 20-03-1997
https://www.senat.fr/seances/s199703/s19970320/sc19970320017.html

L’objectif est de contribuer au développement économique de l’Europe de l’Est en facilitant l’exploitation des ressources considérables des pays de l’ex-URSS, notamment la Russie, tout en assurant une meilleure sécurité d’approvisionnement énergétique aux pays consommateurs de l’Europe de l’Ouest.

Texte adopté par lé sénat
http://www.senat.fr/leg/pjl96-186.html

Rapport de l’époque (Mr Boyer)
http://www.senat.fr/rap/l96-267/l96-267.html


 source: Les Crises