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La France refuse que l’UE soit seule à se prononcer sur le TTIP

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EurActiv | 23 février 2016

La France refuse que l’UE soit seule à se prononcer sur le TTIP

par Cécile Barbière

Le traité transatlantique devra être validé par les parlements nationaux et pas seulement par les institutions européennes, a prévenu le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur.

Le traité transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) ne doit pas être adopté uniquement par les législateurs de l’Union européenne, mais également par les parlements nationaux de tous les États membres, a réclamé le secrétaire d’État au commerce extérieur, Matthias Fekl.

« Le contrôle parlementaire est une garantie démocratique indispensable », a rappelé Matthias Fekl lors d’un débat organisé par l’université Paris Dauphine le 19 février, auquel la commissaire européenne Cecilia Malmstrom assistait également.

Alors que le 10ème round de négociation sur le traité transatlantique s’est ouvert le 22 février à Bruxelles, la question du statut juridique du futur accord est devenue un sujet d’interrogation en France.

Paris souhaite en effet que le TTIP soit un « accord mixte », c’est-à-dire nécessitant la ratification du Conseil et du Parlement européen, mais aussi de l’ensemble des 42 Parlements nationaux des États membres, un point juridique qui n’est pour l’instant pas garantit.

Le précédent du CETA

Le statut juridique de l’accord commercial entre l’UE et les États-Unis pourrait s’inspirer de celui du CETA, le traité de libre-échange conclu avec le Canada.

Un point d’agenda provisoire du Conseil des Affaires étrangères du 13 mai 2016 prévoit une « décision sur la signature et l’application provisoire » du CETA, ce qui permettrait « d’appliquer immédiatement tout ou partie de cet accord, de façon dite « provisoire », avant même que les Parlements nationaux […], puissent se prononcer et valider ou rejeter le CETA » a dénoncé l’ONG Foodwatch dans une lettre ouverte à Matthias Fekl.

« Matthias Fekl et le gouvernement doivent prendre ouvertement position contre un passage en force. Car une possible entrée en vigueur de l’accord CETA sans consultation des parlementaires représente un « coup d’État démocratique », pour reprendre l’expression du Ministre Fekl à propos du traité transatlantique » a Karine Jacquemart, directrice générale de foodwatch France.

Selon la commissaire Cecilia Malmstrom, « il ne s’agit que d’un point de discussion. Nous sommes en train de finir le toilettage juridique ainsi que la traduction de l’accord, et le Parlement européen devrait voter en fin d’année au début de l’année prochaine » a-t-elle précisé.

Mais là aussi, la question de la mixité de l’accord n’est pas définitivement tranchée. « La Commission européenne pourra dire dans quelques semaines s’il s’agit d’un traité mixte ou non. Et il s’agit d’une décision juridique et non politique » a détaillé la commissaire.

Ligne rouge

Pour la France, quelle que soit la décision des services juridiques de la Commission, la validation parlementaire fait office de conditions sine qua non.

« La France considère que le CETA comme le TTIP sont des accords mixtes, et qu’ils nécessitent donc le dernier mot du Parlement français pour une ratification » a prévenu Mathias Fekl.

« Le secrétaire d’État a été très clair sur le fait que si les parlementaires français rejetaient le CETA ou le TTIP, il s’agirait d’un rejet politique » explique une source à la Commission et ce quelque soit le statut juridique de l’accord.

Le CETA, qui a été officiellement conclu le 26 septembre 2014 entre l’UE et le Canada doit faire l’objet d’ici quelques semaines d’une proposition de la part de la Commission. Cette proposition sera soumise au Conseil sous forme d’accord mixte ou d’accord exclusif.

« Les services juridiques de la Commission proposeront certainement que le CETA soit un accord exclusif, car c’est ainsi qu’ils ont interprété le statut des précédents accords commerciaux, avec la Corée, le Pérou, la Colombie » détaille une source à la Commission.

Mais les États membres peuvent ensuite rejeter cette proposition, à la majorité absolue afin de revenir à un statut mixte. « Et c’est ce qui c’est passé pour les derniers accords commerciaux » confirme la source.

Décision de la CJUE

Pour le CETA, le scénario risque ainsi de se répéter. Mais pour le TTIP, le différend systématique entre l’UE et les États membres sur la mixité des accords commerciaux devrait être tranché pas la justice européenne.

D’ici la fin de l’année, la Cour de justice de l’UE devra rendre son avis sur cette question de compétence exclusive ou mixte des accords commerciaux en s’exprimant sur le cas du traité commercial UE-Singapour.

Le 30 octobre 2014, la Commission a en effet décidé de solliciter l’avis de la Cour de justice sur cet accord de libre-échange.

« La clarté juridique que cet avis devrait apporter [permettra ] une adoption plus rapide des futurs accords commerciaux qui relèvent entièrement de la compétence de l’Union » a souligné la Commission.

Cette mise au point juridique devrait toutefois intervenir trop tard pour s’appliquer au CETA, mais servira de base à la décision sur le TTIP.


 source: EurActiv