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La Société civile africaine ferme dans son opposition

DECLARATION - L’Europe veut conclure rapidement les Ape

11-09-2008

La Société civile africaine ferme dans son opposition

Alors qu’approche la date fatidique de conclusion des Ape par ceux des dirigeants africains qui s’y sont engagés avec l’Europe, les organisations de la Société civile africaine, réunies à la fin du mois dernier à Accra, au Ghana, sous l’égide du réseau Africa Trade Network, ont réitéré leur opposition à ces accords et enjoint les gouvernements d’Afrique à privilégier plutôt l’unité africaine à travers le renforcement des régions.

Par Mohamed GUEYE

Alors que plusieurs gouvernements africains semblent se résigner à signer les Accords de partenariat économique (Ape), dans une forme plus ou moins adoucie, les organisations de la Société civile, de tous les côtés du Continent, entendent mener le combat jusqu’au bout, contre ce qu’elles jugent, ni plus ni moins, comme un moyen trouvé par les experts de Bruxelles «d’étendre les objectifs économiques et stratégiques mis en branle...dans le cadre de la stratégie de “l’Europe globale”, élaborée au profit des multinationales et du capital européens». Réunis à Accra, les membres du Réseau africain sur le commerce, plus connu sous son appellation anglaise, African Trade Network (Atn), ont signé une déclaration dans laquelle ils se déclarent «plus que jamais déterminés à arrêter tous les Ape».

Ces structures, représentatives d’organisations sociales, de travailleurs, de femmes, ainsi que d’autres encore plus nombreuses, disséminées aux quatre coins du Continent, et travaillant depuis de nombreuses années sur les questions des relations commerciales internationales et des accords régionaux, s’étaient retrouvées à Accra, la capitale du Ghana, à l’invitation de Third World Network-Africa (Twn), la branche ghanéenne du réseau, pour réfléchir sur les perspectives de la lutte contre les Ape, à la lumière de la signature, par certains pays d’Afrique et des Caraïbes, des Ape dits intérimaires (Apei). La conséquence de ces Apei a été plus ou moins immédiate : «D’autres régions africaines ont vu leur unité et leur cohérence fortement mises en péril par le processus de négociation de l’Ape», indique la déclaration d’Accra. Elle fait remarquer que «la plupart de ces Apei sont orientés vers des accords bilatéraux et cinq d’entre eux sont dans la même région, la Communauté est-africaine (Cea).»

Apei a legalite douteuse

La déclaration d’Accra, qui a pour titre : «Rester fermes et agir ensemble contre les Ape intérimaires ou complets», exhorte donc les gouvernements africains à ne pas «s’engager dans des accords larges, à long terme et au bénéfice douteux, avec l’Europe ou avec quelque autre puissance ou force internationale». Les organisations signataires souhaitent, par contre, dans un contexte international caractérisé par la crise énergétique et alimentaire, la perte de légitimité des organismes comme le Fmi, la Banque mondiale ou l’Omc, ainsi que par l’émergence de nouvelles puissances à l’échelle mondiale, que les gouvernements africains renforcent «leur unité autour de leurs communautés régionales respectives», pour bâtir une unité africaine plus large, qui pourra, au sein et à travers l’Union africaine, faire barrage aux ambitions expansionnistes de l’Ue. Elles demandent aussi à ces gouvernements d’œuvrer pour que «leurs actes soient conformes à leurs déclarations selon lesquelles, leurs engagements vis-à-vis de l’Europe ne compromettront pas leurs propres efforts en vue de la coopération régionale, ainsi que de la mise en œuvre des objectifs et programmes d’intégration». Elles les exhortent, en particulier, à «résister farouchement aux manœuvres européennes dans les négociations actuelles et à venir, qui tendent à les pousser à signer des Ape complets».

Malgré les efforts des organisations de la Société civile et la résistance de nombreux gouvernements africains, la Commission européenne est parvenue à arracher, par divers moyens, la signature d’accords dits intérimaires, à 18 pays africains. Les structures membres de Atn considèrent que ces Apei, paraphés «sous la contrainte et les pressions multiformes de l’Ue, ne sauraient être acceptés comme étant légalement consolidés. Ils peuvent être dénoncés et bloqués, en utilisant de nombreux instruments juridiques internationaux». De même, à ceux des gouvernements qui seraient en train de négocier des accords bilatéraux intérimaires avec l’Europe, pour garantir l’accès au marché européen à leurs marchandises, Atn leur apprend que «les accords qui en sortiraient ne sauraient être assujettis aux termes de l’art. XXIV du Gatt, qui s’appliquent seulement aux Accords commerciaux régionaux».
Pour ceux des gouvernements qui ont décidé de ne pas parapher les Ape intérimaires, la Société civile africaine, tout en s’engageant à travailler avec eux à la recherche d’une relation équitable avec l’Europe, garante de la souveraineté de toutes les parties, les exhorte à rester fermes dans leur détermination.

Serieuse menace

La déclaration d’Accra juge que la plus sérieuse menace de la part de l’Union européenne, est celle qui consiste à vouloir transformer les Apei en Ape complets. Les organisations de la Société civile notent, pour s’en émouvoir, que les gouvernements africains semblent vouloir s’accommoder de cette nouvelle donne. Alors que ces Ape nouvelles incluent des demandes portant sur l’ouverture des services et des marchés publics africains aux entreprises européennes, «tout en fixant les droits des investisseurs et opérateurs financiers européens, ainsi que les autres aspects des intérêts européens en Afrique».

La Société civile du continent relève dans la foulée, la candeur qui porte la proposition des Accords de partenariat économique dits de développement, que soutiennent certains gouvernements africains, avec l’appui de certaines Ong. Ces Ape de développement comprennent des clauses comprenant, entre autres, la modification des règles d’origine et la suppression des Obstacles techniques au commerce (Otc), en faisant remarquer que cette dimension développement des Ape «devrait renforcer la dépendance commerciale africaine vis-à-vis du marché européen qui accueille l’essentiel des exportations africaines dans une relation traditionnelle, qui spécialise l’économie africaine dans le rôle de fournisseur des produits de base». Le document n’est pas convaincu par les propositions d’augmentation de l’aide européenne pour permettre aux Africains de tirer profit de l’ouverture anticipée des marchés européens. Il considère que «le développement et la diversification des capacités productives de l’Afrique requièrent la mise en place d’un ensemble de mesures de politiques et programmes...», qui pourraient être sérieusement compromises par les termes proposées par les Ape.

mgueye@lequotidien.sn


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