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Le bing-bang chinois - Un nouvel ordre économique en gestation en RDC

Le Potentiel (Kinshasa) | 19 Septembre 2007

Le bing-bang chinois - Un nouvel ordre économique en gestation en RDC

By FREDDY MONSA I.D ET FAUSTIN KUDIESALA
Kinshasa

Le partenariat économique entre la République démocratique du Congo et la République de Chine a pris un nouvel envol avec la signature du dernier accord. La Chine accordera à la République démocratique du Congo un prêt de 5 milliards de dollars américains. Un véritable pactole pour l’amélioration des infrastructures vitales et un véritable coup de pouce dans le secteur minier.

Et pourtant, ce n’est pas la première fois que la Chine effectue une telle percée dans ses relations avec la RDC au risque de surprendre certaines nations. Déjà, aux temps forts du Maréchal Mobutu, la Chine avait octroyé, sans condition et sans intérêt, un crédit de 100 millions de dollars à l’ex-Zaïre. Bien plus, la Chine avait entrepris de construire quelques infrastructures socio-économiques dans le pays. Allusion faite au stade de Martyrs, le Palais du peuple, l’usine sucrière de Lotokila dans la province Orientale.

Revoici la Chine, avec le même élan de détermination de donner une nouvelle impulsion au partenariat avec la RDC. Bien avant de signer le dernier accord en date, la Chine s’est déjà manifestée avec la construction d’un centre hospitalier, dans la commune de N’Djili, remis aux autorités congolaises. Il s’agit maintenant de redynamiser le secteur économique.

Il est un fait indéniable que ce bing-bang chinois fera du bruit, tant sur le plan politique, économique que social. L’onde de choc se retentira certainement dans les milieux occidentaux. Il n’y a pas de doute que l’on assistera à un véritablement bouleversement dans le secteur économique, jusqu’à imposer la relecture des stratégies de partenariat arrêtées jusqu’ici. Pourvu que « cette agitation » jette les bases d’un nouvel ordre économique en République démocratique du Congo.

La Chine cherche par tous les moyens à maintenir son rythme de croissance. D’où, la multiplication des stratégies à l’échelle planétaire pour arracher des partenariats prometteurs. Et, l’Afrique est ce terrain de prédilection qu’a choisi la Chine pour réussir son coup. Celui bien sûr de damer les pions à un Occident « trop philosophique » et plus qu’hésitant sur ses choix d’aide au développement.

Quand il faut parler coopération, la Chine ne va pas par quatre chemins. Elle sait que l’Afrique veut se relever, mais manque cruellement de moyens financiers nécessaires pour soutenir un tel défi. Face à un partenaire en difficulté, la Chine opte donc pour le concret, peu importe l’existence des pesanteurs comme celles souvent brandies par l’Occident pour conditionner son aide. C’est-à-dire la démocratie, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance.

La Chine ne s’est donc pas démentie en se tournant vers la République démocratique du Congo. Son intervention, soit un prêt de cinq milliards de dollars américains, n’a pas été subordonnée à quoi que ce soit. Il est orienté vers des projets bien ciblés.

Trois milliards de dollars américains seront consacrés à la construction de 3.213 km de voies de chemin de fer entre Sakania (Katanga, Sud-est) et Matadi (Bas-Congo, ouest), ainsi qu’à la réhabilitation et la construction d’une route reliant Kisangani (Province Orientale, Nord-est) à Kasumbalesa (Katanga), distante de 3.402 km.

Une autoroute entre Lubumbashi et Kasumbalesa. D’autres travaux de voirie, sur une distance totale estimée à 450 km, seront également financés par cette enveloppe dans différentes villes du pays. Par exemple, cette autoroute annoncée par le chef de l’Etat devant relier le centre-ville à l’aéroport international de N’Djili. Il est aussi prévu la construction, à travers le pays, de 31 hôpitaux, de 145 centres de santé, de deux grandes universités de standard international ainsi que de 5.000 logements sociaux.

Le secteur minier n’a pas été oublié. L’accord de prêt prévoit deux milliards USD pour relancer l’exploitation minière, dans le cadre de partenariat entre des entreprises des deux pays.

UNE VERITABLE PERCEE

Occident aurait peut-être attendu qu’un programme soit défini, qu’un cadre d’intervention soit tracé. La Chine a saisi la balle au bond quand il fallait bien le faire. Le président de la République s’est donné un défi, consigné dans ses cinq chantiers.

La Chine savait que la RDC ne sera pas capable de supporter un projet aussi ambitieux. Elle aura donc besoin d’argent et de beaucoup d’argent. Sa tactique n’a pas été celle d’attendre que la RDC se dote d’un programme - à l’instar du Programme multisectoriel d’urgence de reconstruction et de réhabilitation (PMURR) d’un montant global de 1,7 milliard Usd, mais qui n’aura reçu qu’à peine 454 millions Usd de la Banque mondiale - pour s’exécuter. Elle est venue quand les autres continuent à tergiverser, conditionnant souvent leur intervention à des préalables, certes importants pour réunir toutes les chances de réussite, mais à réalisation douteuse pour un pays post-conflit, surtout la RDC qui sort d’une guerre complexe.

UN JEU A SOMME NON NULLE

Le gouvernement joue réellement à la théorie des jeux. Il a choisi de s’appuyer sur la stratégique d’un jeu à somme non nulle où chaque partie tire un gain. Et, le ministre d’Etat en charge des Travaux publics et Infrastructures l’a souligné lundi à la signature de l’accord de prêt. « Notre coopération, a-t-il dit, se fonde sur un certain nombre de principes, notamment permettre aux deux parties de gagner, faire en sorte que tous les projets à exécuter par les entreprises chinoises et congolaises soient porteurs d’emplois pour les Congolais ». C’est tout dire. Car, depuis toujours, l’on a reproché aux bailleurs de fonds de financer des projets qui ne font pas intervenir des entreprises congolaises. L’on a souvent brandi comme argument de défense l’inexpérience de la plupart d’entre elles ou leur faible matelas financier pour constituer de gage à la bonne exécution des travaux.

La Chine est encore dans le tiers-monde. Elle connaît sans doute des réalités que l’Occident ignore. Elle pense donc associer au maximum les entreprises congolaises et la main-d’oeuvre congolaise. La main-d’oeuvre congolaise, est bien là. Bon marché, elle n’entend qu’à être revalorisée et rationalisée.

Ainsi, doucement mais sûrement, la Chine avance jusqu’à défier l’Occident. La puissance asiatique a surpris plus d’un Occidental de voir la Chine mener une telle offensive diplomatique en RDC qui débouche sur un accord de partenariat économique important. Comment expliquer ce résultat ?

Il existe plusieurs raisons. Notamment le fait que l’Occident, représenté par le groupe des bailleurs de fonds de la RDC, a attendu trop longtemps pour s’exhiber alors que le pays sombre dans l’abîme. Depuis 2001, les partenaires multiplient préalables et conditions pour délier les cordons de leur bourse.

L’exemple le plus éloquent est le faible soutien apporté au PMURR. Pourtant, ce programme avait été voulu comme un symbole fort du retour des bailleurs de fonds en RDC et de leur souci d’aider le pays à se reconstruire. Pour un coût global estimé au départ à 1,74 milliard Usd, seule une partie, soit 454 millions Usd, a été déboursée par la Banque mondiale. Les autres observent et attendent que la RDC remplisse toutes les conditions et fassent preuve de démocratie et de la bonne gouvernance pour enfin intervenir. Six ans sont déjà passés.

LE NOUVE ORDRE

La rapidité avec laquelle la Chine a consenti ces cinq milliards Usd en faveur de la RDC à quelques jours seulement de l’arrivée à Kinshasa des experts du Fonds monétaire international serait-elle une simple coïncidence ? En dira-t-on autant de la visite que le président Kabila effectuera incessamment en Europe ? Interrogations pertinentes au moment où la mondialisation invite plusieurs nations à revoir leurs stratégies et à courtiser de nombreux pays. La Chine aide et investit utilement en Afrique. Comme d’autres pays africains, la RDC n’a pas su résister au charme chinois.

La Chine est en train de les récupérer petit à petit. La nature a horreur du vide. La RDC s’est lassée certainement d’attendre. Elle a peiné pour élaborer son Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP). Comme si cela ne suffisait pas, les bailleurs de fonds imaginent un nouveau cadre d’intervention, dénommé Cadre d’assistance pays (CAF, en anglais). Tout cela n’est rien d’autre qu’un maillon de bonnes intentions pendant que les Congolais croient qu’il faut également diversifier les relations diplomatiques et les rapports de partenariat économique, mondialisation oblige.

S’ASSUMER PLEINEMENT

Mais l’apport de la Chine n’est nullement une manne tombée du ciel. Il s’agit bel et bien d’un prêt qui aura des effets d’entraînement sur le poids de la dette extérieure de la RDC. Certes, la Chine a de bonnes habitudes de se convenir avec ses partenaires pour fixer les modalités particulières de remboursement de la dette bilatérale.

Cependant, cela ne signifie pas que les Congolais ont « gagné la partie des cinq chantiers » pour commencer à festoyer, laisser les Chinois travailler pendant que d’autres congolais se mettront sûrement à « piller ». Ce serait d’ailleurs aller à l’encontre des idées cardinales de la philosophie de Conficius, chère aux Chinois

La partie congolaise devra, par conséquent, assumer sa part de responsabilité en respectant ses engagements. C’est à ce point qu’il faut rejoindre les exigences de l’Occident sur la bonne gestion ou gouvernance.

Déjà, dans le passé, les Congolais, alors Zaïrois, ont manqué à leurs responsabilités. Dans le protocole d’accord portant construction du stade des Martyrs, il avait été convenu que la partie congolaise accomplisse certains préalables. Aussi, un compte bancaire devrait être ouvert à la Banque centrale pour permettre le dédouanement du matériel en provenance de la Chine. Cette condition n’avait pas été remplie, ce qui explique ce fait que ce stade demeure encore inachevé à ce jour. La partie de l’hôtel n’est toujours pas construit

Plus près de nous, allusion faite à l’Hôpital de N’Djili construit par la Chine, la partie congolaise devra s’occuper de l’assainissement du milieu. Ce qui n’est pas encore fait, nonobstant l’inauguration officielle de ce centre hospitalier. De petites choses, mais qui en disent mille.

Aussi, demeurons-nous convaincus que ce bing-bang chinois ne bousculera pas seulement l’ordre ancien, mais provoquera également un changement de mentalité dans le chef des Congolais. Pour la bonne gouvernance.


 source: AllAfrica.com