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Les accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande inquiètent les producteurs britanniques

Marianne | 23 October 2021

Les accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande inquiètent les producteurs britanniques

Par Tristan de Bourbon

Décidé à étendre son réseau commercial hors d’Europe, le Premier Ministre britannique cherche à multiplier les accords de libre-échange. Le dernier en date passé avec Wellington menace notamment les éleveurs de moutons britanniques.

Et de deux ! Après l’Australie en juin, Boris Johnson a annoncé le 20 octobre la signature d’un second accord de libre-échange depuis la sortie de l’Union européenne le 1er janvier, cette fois-ci avec la Nouvelle-Zélande. « Il bénéficiera aux entreprises et aux consommateurs à travers le pays, réduira les coûts pour les exportateurs et ouvrira l’accès à nos travailleurs, » a claironné le Premier Ministre britannique. De quoi conforter la mise en place de sa stratégie internationale Global Britain (la Grande-Bretagne mondiale), pivot de sa diplomatie post-Brexit.

Cet accord n’a pourtant pas suscité que des louanges. Les analyses officielles estiment qu’il ne devrait à terme faire progresser le PIB national que de 0,01 % – voire le faire diminuer de 0,01 %. De son côté, Minette Batters, la présidente de la National Farmers Union, le principal syndicat fermier, s’est même déclarée exaspérée de l’existence d’un accord qui va ouvrir le pays « à des volumes supplémentaires significatifs de nourriture importée, produite ou non selon nos propres critères, tout en n’assurant presque rien en échange pour les fermiers britanniques ». À ses yeux, la viande rouge, les produits laitiers et l’horticulture sont principalement menacés.

Tout n’est pourtant pas si simple. « Avant le Brexit, la Nouvelle-Zélande disposait d’un quota d’exportation vers l’Union européenne de 228 254 tonnes d’agneaux sans avoir à régler de frais douaniers » explique ainsi James Kane, spécialiste des questions commerciales liées à l’agriculture et à la pêche au centre de réflexion Institute For Government. « Wellington n’a jamais rempli ces quotas, ce qui signifie que la Nouvelle-Zélande n’a pas le potentiel de submerger les producteurs européens et britanniques. » L’analyste rappelle par ailleurs que le Royaume-Uni qui est également un important exportateur d’agneaux, « en particulier vers la France, son premier marché, a des prix très proches de ceux du marché néo-zélandais ».

Conjoncture défavorable

Si l’agneau kiwi ne devrait donc pas perturber outre mesure les producteurs britanniques, le secteur n’est cependant pas hors de danger. La conjoncture leur est largement défavorable, avec notamment une explosion ces derniers mois des coûts de production au Royaume-Uni. « Les coûts de la main-d’œuvre, de la nourriture animale, du transport, mais aussi de l’abattage et de la boucherie ont fortement augmenté depuis six mois, » témoigne Fabienne Peckham, propriétaire avec son époux de la Galileo Farm, classée bio. « Nous aurons donc du mal à maintenir nos prix et à demeurer compétitifs. » ​​​​​​Et la politique de Boris Johnson basée sur un libre-échange assumé de finir de les fragiliser. « Cette nourriture venant de pays aux coûts de production moins élevés risque de concurrencer et de remplacer la production nationale dans les rayons des supermarchés » assure Shane Brennan, le directeur de la fédération de la chaîne du froid.

Une évolution d’autant plus crédible que « les politiciens britanniques ont historiquement privilégié l’intérêt des consommateurs sur celui des producteurs, » surenchérit James Kane. Les données officielles parlent d’elles-mêmes : en 1956, le pays produisait 47 % de la nourriture consommée, le gouvernement ayant jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale fait la promotion d’une politique de libre-échange assumée. Ce n’est qu’au sortir de la guerre que le nationalisme économique fera pencher la balance du côté des producteurs britanniques. Ainsi en 1972, avant l’entrée dans la Communauté économique européenne, le pays produisait 62 % de la nourriture consommée avant d’atteindre un pic de 78 % en 1984. Le libéralisme de Margaret Thatcher et de ses successeurs mettra fin à cette tendance faisant rechuter en deux décennies le taux de production de la nourriture consommée du royaume à 55 %.

Aujourd’hui, ce retour à une politique de libre-échange annonce une réalité peu enviable pour certains producteurs qui ne pourront pas faire face à la concurrence étrangère. « En particulier les producteurs de bœuf, poursuit James Kane. La tonne de bœuf britannique fluctue autour de £400 (475 euros) contre £220 (260 euros) pour le bœuf brésilien. Si un accord était conclu aujourd’hui avec Brasilia, les éleveurs britanniques seraient fortement impactés. »

Libre échange total ou protection des producteurs nationaux, Boris Johnson va devoir faire un choix.


 source: Marianne