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Sommet États-Unis-Afrique : l’Agoa en débat

Le Point | 13 décembre 2022

Sommet États-Unis-Afrique : l’Agoa en débat

Il y aura des « engagements solides », ont affirmé, à propos de l’Agoa (Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique), de hauts responsables de l’administration Biden avant l’ouverture, ce 13 décembre du sommet États-Unis-Afrique à Washington. En effet, cet outil est au cœur de la politique commerciale des États-Unis envers l’Afrique depuis sa promulgation en 2000 sous l’ex-président Bill Clinton. Dans les faits, l’Agoa, c’est l’accès de plus de 7 000 produits africains au marché américain sans droits de douane, moyennant une faible fiscalité pour certains produits importés des États-Unis. Au total, les deux continents auraient eu via cet instrument jusqu’à 4,8 milliards de dollars d’échanges commerciaux l’année dernière (sur un total de 64 milliards d’échanges commerciaux au total), selon un représentant américain au commerce. En comparaison, le commerce sino-africain a atteint un niveau record d’environ 254 milliards de dollars, en 2021.

Cependant, ce cadre arrive à expiration en septembre 2025. Et le bilan est loin d’être unanime, si certains pays comme l’Éthiopie parvenaient jusqu’à présent (le pays a été exclu en janvier 2022, à cause de la guerre au Tigré, NDLR) à tirer leur épingle du jeu, des experts estiment que cet accord a surtout profité à un nombre restreint de secteurs, tels le textile ou les hydrocarbures. Des éléments qui n’ont pas empêché le renouvellement de l’Agoa, en 2015 pour dix ans, sous la présidence de l’ancien président Obama. La question qui se pose désormais est simple : quel Agoa reconduire, pour combien de temps, avec quels pays ?

L’administration Trump a bien tenté de remplacer le programme par l’initiative Prosper Africa, annoncé fin 2018, et dont l’objectif affiché était de répondre à la concurrence « prédatrice » des puissances russe et chinoise en Afrique, mais cela n’a jusqu’ici pas permis à Washington de stopper l’érosion. Les ministres du Commerce africains devraient rencontrer les membres du Congrès, qui sont chargés de légiférer sur l’Agoa, en marge du sommet officiel.

L’Agoa à l’aune de la Zlecaf

Dans tous les cas, le président Joe Biden a déjà fait savoir qu’il souhaitait améliorer le programme pour tirer parti de l’intégration croissante de l’Afrique, notamment à travers la zone de libre-échange africaine (Zlecaf), la plus grande au monde en termes de population avec plus de 1,3 milliard de personnes. « Nous travaillerons avec des partenaires africains volontaires pour approfondir et élargir nos relations commerciales, afin d’offrir une prospérité équitable et inclusive », indique en partie le dernier rapport stratégique de l’administration Biden pour l’Afrique subsaharienne, paru en août 2022. « Nous travaillerons avec le Congrès sur l’avenir de l’Agoa, qui expire en 2025, et soutiendrons la mise en œuvre de la zone de libre-échange africaine », est-il encore expliqué. « L’Afrique façonnera l’avenir – et pas seulement l’avenir du peuple africain mais du monde », a encore appuyé Antony Blinken, secrétaire d’État américain. Entrée dans sa phase active, la Zlecaf est susceptible de devenir un pilier dans la facilitation des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique. En particulier dans un contexte difficile pour le continent, dont nombre de pays sont confrontés à des chocs exogènes persistants comme les effets économiques persistants de la pandémie, l’inflation galopante, la crise de la dette croissante, ou la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires sans oublier les catastrophes naturelles dévastatrices liées au changement climatique.

Compétition

Depuis vingt ans que l’Agoa existe, les économies africaines ont connu de nombreuses transformations, alors que les États-Unis tentent de changer d’approche, ils doivent affronter l’influence croissante de la Chine – le plus grand partenaire commercial et créancier bilatéral du continent, et de la Russie – qui a réussi à renforcer ses relations avec plusieurs États africains au cours de ces dernières années. Aujourd’hui, le commerce bilatéral entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne s’élève à 44,9 milliards de dollars l’an dernier, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2019, tandis que les investissements directs étrangers dans la région ont chuté de 5,3 % pour atteindre 30,3 milliards de dollars en 2021. Ce prisme de la compétition avec la Chine et la Russie a radicalement changé la perception américaine de l’Afrique, devenue « une terre d’opportunités » économiques et commerciales.

Autre changement majeur qui devrait influer sur l’avenir de l’Agoa, alors que l’Éthiopie faisait figure de bon élève de l’Agoa, son modèle connaît ces derniers mois plusieurs revers, après la suspension décidée par Washington en janvier. Le pays avait tout misé sur une industrialisation rapide de son économie à travers des usines de fabrication et des parcs industriels axés sur le secteur de l’habillement et le textile, nombre de ces usines ont perdu des commandes sur le marché américain, et ont dû licencier des milliers de salariés. Dans le cadre de l’Agoa, les pays éligibles peuvent exporter des produits, y compris des articles manufacturés à valeur ajoutée tels que les textiles, vers les États-Unis en franchise de droits.

Faut-il privilégier les partenariats bilatéraux ?

Entre-temps, sous l’administration Trump, un autre modèle consistant à privilégier un partenariat stratégique bilatéral, a été mis sur pied, notamment avec le Kenya sur le commerce et l’investissement. L’objectif côté africain est d’attirer des investissements à long terme, des capitaux, d’assurer une balance commerciale plus importante qui tienne compte des besoins des commerçants locaux et de la main-d’œuvre croissante, en somme, garantir les principes d’un commerce plus équitable. L’association américaine d’habillement et de chaussures, qui représente plus de 1 000 marques, détaillants et fabricants a dans une lettre invité le Congrès américain à renouveler l’Agoa pendant encore 10 années.

Environ 50 chefs d’État et hauts fonctionnaires de pays africains sont attendus au sommet de cette année, le deuxième depuis que l’ancien président Barack Obama a organisé l’événement en 2014. La démocratie, la sécurité alimentaire, la crise climatique et la promotion des investissements dans les infrastructures, la santé et les énergies renouvelables seront également abordés. Ce sommet s’annonce déjà comme le premier véritable test de la nouvelle politique de l’administration du président Biden pour l’Afrique subsaharienne.


 Fuente: Le Point