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Suisse : Le libre-échange avec l’Europe divise le monde agricole

24 Heures (Suisse) | 20 Septembre 2007

Le libre-échange avec l’Europe divise le monde agricole

La réforme de la Politique agricole 2011 (PA 2011) est à peine sous toit - un référendum a été lancé contre cette révision - que les campagnes sont à nouveau en émoi. Le 4 juillet, le Conseil fédéral a annoncé son intention d’aller de l’avant dans l’élaboration d’un mandat de négociation sur un Accord de libre-échange agricole (ALEA) avec l’Union européenne. Si l’Union suisse des paysans (USP) y est clairement opposée, cette perspective divise profondément le monde agricole.

Jacky Pavillard, un céréalier contre l’ALEA

«Un accord de libre-échange comporterait tellement d’inconvénients que je ne comprends pas qu’il en soit sérieusement question». Accoudé à son bureau, à l’entrée de sa ferme, Jacky Pavillard avoue son incompréhension à l’égard des partisans de l’ALEA. «Ils raisonnent pour eux-mêmes mais ne voient pas que l’ensemble de l’agriculture suisse sera perdante à l’arrivée». Ainsi, si les éleveurs peuvent espérer importer des fourrages meilleur marché ce sera au détriment de leurs collègues céréaliers.

La plupart des agriculteurs suisses auront tout à perdre d’un alignement de leurs prix sur ceux de l’Union européenne, estime Jacky Pavillard. Les économies réalisables sur les importations d’intrants (engrais, semences) resteront marginales, vu la taille des exploitations (14 hectares en moyenne). Et les autres coûts - main-d’œuvre, carburant, assurances, terrains - resteront au niveau suisse. «Je dis d’accord si tout le monde joue le jeu et se met au niveau de l’UE, et pas seulement les agriculteurs.» Le slogan de l’îlot de cherté ne convainc pas Jacky Pavillard: «On compare des choses qui ne sont pas comparables, les prix en France ou en Italie doivent être mis en regard des salaires dans ces pays.» Selon lui, l’ALEA sonnerait le glas de l’agriculture en Suisse en contrepartie d’un gain négligeable pour le consommateur, de l’ordre de quelques francs par semaine.

Des champs fraîchement semés ondulent leurs sillons derrière Jacky Pavillard. Ce jeune exploitant de 40 ans est à la tête d’un domaine de 60 hectares à Senarclens, dédié aux céréales, aux oléagineux et aux betteraves. Depuis quelques années, il se diversifie dans l’endive. Loin d’être un passéiste, le jeune agriculteur applique des techniques douces - pas de labours, «engrais vert». Et il a fait sensation en équipant son «quad» d’un GPS pour procéder à des traitements ultraprécis.

LAURENT AUBERT SENARCLENS

Olivier Duc pour l’ouverture

La vingtaine de vaches de la famille Duc broute paisiblement sur une colline surplombant Moudon et la Broye. «Nous avons des Montbéliardes françaises, des Holsteins allemandes, des tachetées rouges suisses et des jerseys du nom de la petite île anglo-normande», détaille Olivier Duc, le futur repreneur du domaine. Une diversité européenne hautement symbolique, car le jeune paysan de Chavannes-sur-Moudon est un fervent partisan de l’ALEA.

Enthousiaste, le jeune ingénieur agronome ne craint pas la concurrence. Au contraire: «Encore récemment, notre fournisseur de poudre de lait nous a imposé une hausse de 80 francs par 100 kg. Dans un marché ouvert, cela aurait été impossible.» Présentant un tableau de chiffres, Olivier Duc estime à 20% la baisse possible de ses coûts de production avec l’ALEA.

Parallèlement, le jeune ingénieur est convaincu du pouvoir de séduction des spécialités suisses. «Notre petite ferme familiale est représentative d’environ 80% des exploitations du pays. Nos atouts sont les produits à forte valeur ajoutée. Si nous ne pouvons pas produire du blé au même prix que les Français; eh bien, arrêtons de produire du blé! Par contre, personne ne pourra nous concurrencer dans la fabrication de Gruyère AOC. L’ALEA nous ouvrira les portes de millions de consommateurs supplémentaires. Actuellement, la Suisse voit déjà disparaître 2,5% de ses exploitations chaque année. Alors pourquoi rester enfermé dans ce protectionnisme obsolète?»

Devant la ferme, un jeune veau prend l’air. «C’est notre première naissance de jersey. Ce sont de petites vaches, pas très bonnes pour la viande, mais leur lait est d’excellente qualité. J’ai confiance en l’agriculture suisse qui a déjà démontré maintes fois ses capacités d’adaptation aux contraintes environnementales ou politiques.»

SYLVAIN MULLER CHAVANNES-SUR-MOUDON


 Fuente: 24 Heures