bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

Tunisie : Dans 3 semaines, le libre échange industriel avec l’Europe !

African Manager | 10 décembre 2007

Dans 3 semaines, le libre échange industriel avec l’Europe !

par : A.M.

Ceux qui attendraient ou espèreraient une autre période de grâce pour leurs entreprises face à l’Union Européenne, en seront dans trois semaines pour leurs frais. Le 1er janvier 2008, il n’y aura plus aucun, ou très peu, droit de douane pour tous les produits industriels qui seront importés de l’Union Européenne. La dernière liste de produits, la liste 4, sera totalement exonérée à partir de cette date. Répétons-le encore une fois, cela ne concernera que les produits industriels, non les activités commerciales et de services où le libre échange pourrait être plus tape-à-l’œil ! Tout comme le secteur agricole, le secteur des services n’est pas encore officiellement libre et il n’est pas encore permis, sauf autorisation spéciale de l’Administration, à un restaurateur par exemple ou à tout autre prestataire de service étranger, de s’installer en Tunisie. Cela ne saurait être avant 2012 et en tous cas après la fin des négociations avec l’organisation mondiale du commerce et avec l’Union Européenne et cela dépendra des activités de services qui seront concernées par ces négociations, selon le choix tunisien.
1er janvier 2008 donc, plus de DD sur les produits industriels. C’est de ce sujet que nous avons parlé avec Ridha Touiti, ministre tunisien du commerce et de l’artisanat. Interview.

C’est quoi le démantèlement tarifaire et pourquoi en parle-t-on maintenant, à quelques jours de l’échéance 2008 et alors que c’est une action qui avait débuté il y a quelques années déjà ?

Il faut d’abord rappeler que le démantèlement tarifaire, entre dans le cadre de l’accord conclu en juillet 1995, avec l’Union Européenne. Il a été précédé par d’importantes réformes économiques, graduelles et englobant tous les secteurs de la vie économique tunisienne. Les plus importantes étaient la libéralisation des prix et du commerce extérieur et l’adoption d’une loi dans ce sens dès 1991, mais aussi et surtout la réforme fiscale. Il faut indiquer aussi, que cette entrée dans le système d’économie de marché et la conclusion de cet accord avec l’Union Européenne, étaient une évolution normale de l’économie tunisienne qui faisait partie de l’OMC et participait à toutes ses négociations. Cette préparation de l’entrée en partenariat économique avec l’UE, s’est faite, il faut le rappeler aussi, en étroite concertation avec les différentes parties prenantes, en directe lignée des directives présidentielles et en consécration de la politique de dialogue instaurée par le Président Zine El Abidine Ben Ali. Ces concertations ont été sectorielles et presque par groupes d’entreprises, pour juger de leurs capacités à supporter la concurrence et bien les préparer à cette concurrence.

Cet accord d’association et le démantèlement tarifaire qui s’en est suivi, ont surtout concerné le secteur industriel pour l’ouvrir à la concurrence internationale. Et bien que cet accord, signé en 1995, n’était été adopté et ne soit entré en application qu’a partir de 1998, la Tunisie a été pionnière et a débuté le démantèlement dès 1995. Cela s’est fait d’une manière progressive, pendant une douzaine d’années et par paquets de quatre listes selon les produits et la disposition des industriels à supporter la pression concurrentielle internationale. La première liste de produits a ainsi concerné les produits textiles et quelques matières premières non fabriquées en Tunisie qui ont été totalement exonérées des droits de douane à partir de 1996, ce qui a permit aux entreprises tunisiennes d’améliorer leurs capacités concurrentielles par la réduction de leurs coûts de production. La seconde liste concernait les produits semi-finis et d’autres matières premières et où le démantèlement tarifaire avait commencé en 1995 pour finir en 2001 et a eu les mêmes effets sur les entreprises tunisiennes. La troisième liste concernait les produits industriels destinés à la consommation, soit qui n’ont pas de pareils produits localement, ou dont les entreprises tunisiennes productrices sont concurrentielles. Cette liste aussi a vu les droits douaniers démantelés sur une période de 12 ans, de 1996 à 2007. La dernière liste, la 4ème, concerne les produits industriels, que la Tunisie produit aussi, où le démantèlement n’a commencé qu’en 2000 et a duré huit années, car on considérait alors que les entreprises tunisiennes n’étaient pas encore prêtes à la concurrence étrangère. Ce qu’il faut dire, c’est que la Tunisie sera, à partir du 1er janvier 2008, le premier pays méditerranéen qui entrera en libre échange complet avec l’Union Européenne, pour les produits industriels et tous les secteurs de l’industrie, tout comme elle a été le premier pays à signer un accord de libre échange. Ce qu’il faut dire aussi, c’est que le plus gros du démantèlement a eu lieu entre les années 1996 et 2001 pour les listes deux et trois. A la fin de 2007, ce qui reste des droits de douane pour les listes 3 et 4, ne représente que très peu de choses, avec des taux ne dépassant pas les 4,7 %..

Ces derniers droits, concernent-ils des produits destinés à la consommation directe ?

Ils concernent des produits industriels, tels que le prêt-à-porter, les chaussures, les produits blancs, les télévisions, les climatiseurs et nombre d’autres produits, mais ne représentent plus des freins à l’importation.

Et les voitures ?

Il y a en Tunisie, 3 types de droits et taxes. Il y a d’abord les droits de douane, la TVA et la taxe sur la consommation (TC). En ce qui concerne les voitures, il n’y a plus de droits de douanes depuis 1995. Elles restent cependant assujetties à une TVA de 18 % et à une TC qui varie selon la puissance de la voiture. Ces taxes sont d’ailleurs appliquées à nombre de produits, aussi bien importées que produits localement.

Ce démantèlement ne concerne donc que le secteur industriel et les produits industriels !

En effet, ce démantèlement des droits de douane, ne concerne pour l’instant que l’industrie. Les secteurs des services et de l’agriculture, n’entrent pour le moment pas dans le cadre de cet accord de libre échange avec l’Europe. Nous entamerons prochainement des négociations, avec l’OMC et l’Union Européenne, pour libéraliser aussi ces deux secteurs.

Peut-on s’attendre à ce que ce libre échange, dans les produits industriels, ait une incidence sur les prix de ces produits en Tunisie ?

Au contraire, puisque le démantèlement et l’exonération des droits de douane vont impacter, en les diminuant, les coûts de production et auront donc un impact sur les prix de ventes en les baissant. Cet impact a été progressif, ce qui expliquerait peut-être qu’il n’ait pas été beaucoup perçu par le consommateur. Il n’en demeure pas moins vraie que le consommateur a bénéficié, annuellement, du huitième du droit initial auquel était assujetti le produit qui a fait l’objet chaque année, selon les listes, de démantèlement tarifaire. Cela sera aussi valable, à partir du 1er janvier, même s’il ne reste qu’un douzième de ce droit initial. Toute augmentation qui pourrait intervenir sur les prix de ces produits industriels ne sera de toutes les façons pas imputable aux droits de douanes, mais à la conjoncture internationale que nous ne maîtrisons pas, comme les effets de change, les augmentations internationales des prix des matières premières ou de possibles augmentations des prix à l’import de chez les pays de l’Union Européenne.

Peut-on imaginer non plus, que cette ouverture et la complète disparition des droits de douanes sur les produits industriels, puisse impacter négativement la capacité concurrentielle de l’entreprise tunisienne ou à amener certaines d’entre elles à disparaître ? Etes-vous surs, au gouvernement, que l’entreprise tunisienne, qui n’est plus désormais protégées par aucun droit de douane, pourra supporter ce choc de la concurrence ?

Il faut rappeler ici, qu’en même temps que le démantèlement des tarifs douaniers, nous avions entamé un important programme de mise à niveau de l’entreprise tunisienne, tant au niveau du matériel que de l’immatériel et avec d’importantes incitations financières. Ce programme de mise à niveau a aussi concerné l’environnement de l’entreprise et tout ce qui pourrait toucher à ses capacités concurrentielles. Ce programme a connu une grande réussite, sous le suivi permanent du Chef de l’Etat qui l’a inscrit à l’ordre du jour de chaque Conseil des ministres. Quelque 4000 entreprises industrielles ont adhéré à ce programme, représentant plus de 70 % du tissu industriel tunisien. Ce programme a aussi été accompagné par d’autres, tel que celui de l’amélioration de la qualité ou de l’encouragement à aller sur les marchés extérieurs, à travers le Famex et d’autres. Tout cela a renforcé l’entreprise tunisienne et l’a rendue capable d’affronter la concurrence étrangère. Si elle ne l’est pas, on s’en serait rendu compte depuis le début, puisque le démantèlement s’est étalé sur une douzaine d’années. Nous considérons donc qu’il n’y aura aucune mauvaise surprise de ce côté pour les entreprises tunisiennes. Ce n’est en tous cas pas le dernier huitième de droits de douanes qui pourra avoir une telle incidence crainte. Tous les indices dont nous disposons, montrent que l’entreprise tunisienne a su conserver et préserver ses parts sur le marché local et a même amélioré son positionnement sur les marchés extérieurs, ce qui est un grand indicateur de sa capacité à résister. On remarque d’ailleurs que les importations de l’Union Européenne, pour l’entreprise tunisienne, qui étaient de plus de 70%, elles ne représentent plus maintenant que 64 %. En face, les exportations de l’entreprise tunisienne, vers le marché européen, ont augmenté à un rythme plus élevé que l’importation.


 Fuente: African Manager