24 heures | 2 septembre 2025
Donald Trump menace l’UE d’imposer de nouveaux droits de douane
par Dominique Eigenmann
En bref:
- L’UE est indignée par la demande de Donald Trump d’abolir ses lois sur le numérique.
- Friedrich Merz réaffirme la souveraineté numérique de l’Union européenne.
- Malgré une rhétorique forte, l’UE reste vulnérable au chantage de Donald Trump.
À peine les États-Unis et l’UE avaient-ils conclu leur accord douanier fin août que Donald Trump a montré aux Européens ce qu’il pensait de ce type d’engagement: pas grand-chose. Sur son propre réseau en ligne, il s’est lancé la semaine dernière dans une attaque frontale contre la réglementation européenne d’internet – pourtant une fierté de l’UE.
Selon Donald Trump, les règles européennes sur les services et marchés numériques visent uniquement à pénaliser la «technologie américaine». Elles feraient perdre de l’argent aux géants technologiques américains et censureraient les opinions dérangeantes. Si l’UE ne supprime pas immédiatement ces réglementations, il imposera de nouveaux droits de douane et restreindra les exportations de puces informatiques vers l’Europe, a-t-il fait savoir.
On sait depuis longtemps que Donald Trump souhaite affaiblir la réglementation européenne sur le numérique. Il n’a toutefois pas réussi à imposer ses vues dans les négociations sur l’accord douanier. L’UE avait établi ces règles comme une «ligne rouge» infranchissable. La déclaration écrite commune n’évoque d’ailleurs pas la réglementation sur le numérique. Mais Donald Trump ne l’a certainement pas oublié.
La Suisse propose-t-elle de renoncer aux taxes numériques?
La législation européenne sur les marchés numériques vise à empêcher les géants américains comme Google ou Amazon de créer des quasi-monopoles. C’est dans cette optique que l’UE mène actuellement diverses enquêtes contre des groupes technologiques américains et les menace de lourdes amendes. De leur côté, les lois sur les services numériques doivent garantir qu’internet ne reste pas une zone de non-droit et que les contenus respectent les lois en vigueur. Cette réglementation s’applique aussi bien aux insultes qu’aux appels à la violence et aux discours de haine.
Les pays qui prélèvent des impôts sur les services numériques – publicité en ligne, places de marché digitales – représentent un point de friction majeur pour Donald Trump. La France, l’Italie, l’Espagne ou l’Autriche figurent parmi ces États. Selon la «NZZ am Sonntag», la Suisse aurait proposé à Donald Trump, lors des négociations commerciales en cours, de renoncer à ce type de taxation numérique. Contrairement aux échanges de marchandises, la Suisse et l’UE accusent un déficit considérable dans le secteur des services numériques avec les États-Unis.
Une attaque contre la souveraineté législative de l’Europe
La nouvelle menace de Donald Trump a provoqué désillusion et indignation au sein de l’UE. Dans tous les partis, on tient le même discours sur le président américain: impossible de se fier à sa parole. La socialiste espagnole Teresa Ribera, commissaire à la concurrence et numéro 2 de l’Exécutif de l’UE derrière Ursula von der Leyen, a écarté toute modification ou suppression des règles numériques.
L’UE ne peut pas accepter que des pays tiers, comme les États-Unis, veuillent imposer leurs règles en Europe, a déclaré Teresa Ribera au «Financial Times». Si Donald Trump n’accepte pas cela, l’UE doit être prête à rompre l’accord commercial conclu fin juillet avec les États-Unis, a-t-elle ajouté.
Cette fois-ci, ce ne sont pas seulement les voix habituelles de pays comme la France ou l’Espagne qui appellent à s’opposer à Donald Trump – ces mêmes cercles qui avaient déjà fustigé en bloc l’accord de juillet de l’UE, le qualifiant de «soumission». Même les politiques conservateurs et libéraux s’indignent désormais: «La question de savoir comment l’Union européenne régule le marché numérique et comment elle impose les entreprises relève de la souveraineté exclusive de l’UE», a ainsi déclaré le chancelier allemand, Friedrich Merz, lors d’une rencontre avec le président français, Emmanuel Macron.
Le bras de fer avec Donald Trump ne s’arrêtera pas là
Sur le plan rhétorique, l’UE affiche sa détermination à se défendre, mais saura-t-elle tenir cette ligne en cas de crise majeure? L’appétit pour une escalade qui déboucherait sur une guerre commerciale ouverte avec Donald Trump reste limité dans les capitales européennes. Le risque de céder au chantage demeure donc considérable.
Au moins, même les plus récalcitrants comprennent désormais qu’avec le président américain, il n’y aura ni la «prévisibilité» ni la «stabilité» promises par Ursula von der Leyen lors de la conclusion de son accord. Le bras de fer avec Donald Trump va se poursuivre sans relâche. Il s’agit là d’un signal d’alarme de taille pour la Suisse, qui négocie encore le sien.