ExxonMobil contre les Pays-Bas : pourquoi la Belgique doit quitter le Traité sur la Charte de l’énergie
Illustration : Maximo Tuja / SOMO

CNCD 11.11.11 | 20 octobre 2025

ExxonMobil contre les Pays-Bas : pourquoi la Belgique doit quitter le Traité sur la Charte de l’énergie

par Lora Verheecke

Le Traité sur la Charte de l’énergie a disparu de l’agenda politique belge, mais ses effets néfastes persistent. L’attaque des Pays-Bas par ExxonMobil, via une filiale enregistrée en Belgique, en est une illustration frappante.

Au nord des Pays-Bas, l’exploitation gazière a eu de lourdes conséquences pour les habitants et habitantes de la région de Groningen, notamment des tremblements de terre et de la pollution. En avril 2024, un tournant se dessine : l’extraction gazière prendra fin et Shell, ExxonMobil ainsi que le gouvernement néerlandais s’engagent à réparer et à compenser les dommages causés.

Mais ceci était sans compter sur la Belgique et la filiale belge d’ExxonMobil. L’ONG néerlandaise SOMO a mis en lumière comment ExxonMobil a utilisé sa filiale belge et le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE), dont la Belgique est signataire, pour engager des actions en justice contre les Pays-Bas.

En effet, le TCE contient un mécanisme d’arbitrage qui permet aux investisseurs d’attaquer les Etats devant des tribunaux d’arbitrage privés (ISDS, pour Investor-to-State Dispute Settlement), non seulement pour des expropriations directes (en cas de nationalisation arbitraire, par exemple), mais aussi pour ce que l’on appelle des « expropriations indirectes », un concept large, qui inclut potentiellement toute décision qui aurait un impact négatif sur les profits de l’entreprise. Le traité ne permet pas à une entreprise de contester les décisions de son propre État, mais seulement celles d’un autre. La Belgique étant toujours membre du Traité sur la Charte de l’énergie, ExxonMobil a pu passer par sa filiale belge pour recourir à un tribunal privé international et contester le montant à payer pour réparer les dégâts causés par les opérations gazières à Groningen.

Shell, autre exploitant à Groningen, a également menacé d’engager une procédure d’arbitrage privé fondée sur le même traité contre les Pays-Bas. La multinationale a eu recours à ces tribunaux par le passé, contournant notamment une décision de la Cour suprême nigérienne relative à un déversement de pétrole de 1970, et ne versant aux communautés affectées qu’un quart de la compensation initialement fixée.

L’utilisation de tribunaux privés pour contester des décisions nationales relatives à la sortie des énergies fossiles et aux compensations pour les pollutions liées à leur extraction est alarmante. Il est tout aussi inquiétant que la Belgique, en choisissant de rester partie au Traité sur la Charte de l’énergie — contrairement à la France, à l’Allemagne ou à l’Union européenne —, continue de légitimer ce système d’arbitrage privé.

Hier, les habitants de Groningen ont découvert qu’une multinationale telle qu’ExxonMobil pouvait recourir à une justice privée internationale plutôt que de passer par les tribunaux publics nationaux, et que, malgré les nombreuses pollutions causées, elle pouvait échapper au versement intégral des indemnisations. Demain, avec le Traité sur la Charte de l’énergie, et la non-sortie de la Belgique, des habitants et habitantes de communautés en Afghanistan, en Mongolie ou en Ukraine, autres pays ayant adhéré au Traité, pourraient faire cette même découverte.

Il est temps que la Belgique cesse de participer à ce système injuste car l’heure devrait être à une transition juste des énergies fossiles et non à un racket des multinationales sur les budgets publics. Elle ne doit cependant pas s’arrêter à cette seule sortie : d’une part, il est grand temps qu’elle revoie son propre modèle d’accords de protection des investissements pour en exclure l’ISDS et le principe d’expropriation indirecte ; d’autre part, elle doit activement attirer l’attention de ses pays partenaires sur les dangers du traité : en effet, plusieurs pays africains en sont actuellement membres observateurs et candidats à l’adhésion dans l’espoir d’attirer les investissements. Une adhésion qui pourrait se retourner contre eux, comme le montre l’exemple néerlandais.

source : CNCD 11.11.11

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