Avis de néocolonialisme sur la Méditerranée

Rouge n° 2260 | 10/07/2008

Avis de néocolonialisme sur la Méditerranée

Cédric Bottero

Le 13 juillet, s’ouvre à Paris le sommet constitutif de l’Union pour la Méditerranée. Cette réunion des 27 États membres de l’Union européenne (UE), plus la Commission européenne, avec les dix pays partenaires méditerranéens, est un événement politique majeur. Il est présenté par Sarkozy comme étant l’un des axes centraux de sa politique étrangère, à l’heure même où la France prend la présidence de l’Union européenne.

L’Union pour la Méditerranée se place dans la continuité directe du processus de Barcelone, initié en 1995, avec comme objectif principal la réactivation du partenariat euroméditerranéen. Pour cela, la création d’une zone de libre-échange allant de la Turquie au Maroc, en passant par Israël, doit aider à définir la zone de libre-échange euro-méditerranéenne.

Faire progressivement converger les deux rives de la Méditerranée autour d’institutions homogènes garantissant l’économie de marché, la libre circulation des capitaux et « la concurrence libre et non faussée » devient donc le plan structurant de ce projet néocolonialiste, de contrôle des pays du Sud et d’augmentation des débouchés économiques pour les multinationales européennes.

Au-delà d’un projet politique porté par les gouvernements occidentaux, c’est un véritable cadeau qui est fait aux patrons, du Nord comme du Sud. Ces derniers ne se privent donc pas de donner leur avis sur ce nouveau pas en avant de la mondialisation capitaliste. En témoignent les Med Business Days, qui se sont tenus les 3 et 4 juillet à Marseille, provoquant le déploiement d’une impressionnante armada policière en plein cœur du centre-ville. Plusieurs centaines de patrons du pourtour méditerranéen, ainsi que de nombreux ministres, se sont retrouvés autour de la présidente du Medef, Laurence Parisot, Ernest-Antoine Seillière, le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, etc. Ils entendaient dessiner ensemble le tracé futur de l’Union pour la Méditerranée. À en croire Laurence Parisot, « l’entreprise est le moteur de la Méditerranée ».

Pour les puissances du nord de la Méditerranée, il s’agit d’accéder librement aux marchés du Sud au prix d’un nouveau démantèlement de ces économies. Privatisations, délocalisations, pillage des richesses, etc., sont les ingrédients bien connus de cette recette patronale. Pour les dictateurs du sud de la Méditerranée, il s’agit de garantir l’impunité de leurs régimes, gangrenés par la corruption, et l’écrasement de toute opposition politique ou sociale. Le développement de cette politique économique va entraîner plus de misère, et les luttes actuelles qui se développent dans les pays concernés ne peuvent que se poursuivre et se durcir. Le maintien de régimes dictatoriaux est donc parfaitement intégré à la pensée des dirigeants occidentaux (il suffit de souligner l’invitation faite par Sarkozy au dictateur Ben Ali pour le défilé du 14 Juillet).

Mais l’Union pour la Méditerranée, c’est aussi et bien sûr le durcissement des politiques anti-immigrés, à l’heure où « la directive de la honte » a été votée et où Sarkozy et Hortefeux ont choisi d’en faire une de leurs priorités, durant la présidence française de l’Union européenne. La libre circulation, c’est bon pour les capitaux et les patrons, pas pour les populations, notamment les plus pauvres !

La création d’une zone de libre-échange allant du Maroc à la Turquie ne peut passer que par la « stabilisation » de cette région. De là, on peut comprendre aisément les choix de Sarkozy en matière de politique étrangère, marquée par une réaffirmation sans précédent de l’appartenance à l’Occident, reprenant le discours idéologique de lutte antiterroriste, de lutte des civilisations. Cela se traduit concrètement par un alignement sur les États-Unis. Ainsi, la priorité est donnée à la sécurité d’Israël, pays frère, pays capitaliste avancé et dominant, « démocratique », en lutte contre le « terrorisme ». L’impérialisme israélien est donc une pierre centrale de l’édifice de la domination occidentale au Moyen-Orient. Dans la même logique, les menaces incessantes contre l’Iran laissent présager un avenir sombre pour les peuples du sud de la Méditerranée, dans lequel la France va prendre toute sa place de puissance impérialiste. La réintégration de la France au sein du haut-commandement de l’Otan et la réforme des armées ne font que valider cette thèse.

Face à cette construction d’une Méditerranée du business et de la guerre, nous opposons une Méditerranée des peuples et de la solidarité. De la même manière, nous voulons une Europe des peuples et de la solidarité. Le « non » irlandais au traité de Lisbonne, après celui des peuples français et néerlandais, en 2005, les luttes grandissantes au Maroc et en Tunisie nous montrent la voie. Des deux côtés de la Méditerranée, la résistance est bien là.

Nous devons développer les liens avec l’ensemble des secteurs en résistance, groupes politiques anticapitalistes et antilibéraux des deux rives, comme axe central de la construction du nouveau parti anticapitaliste. Un parti internationaliste de plusieurs dizaines de milliers de militants (notre objectif est bien là!) ne pourra être qu’un point d’appui aux luttes dans d’autres pays. Notre combat ne connaît pas de frontière géographique.

source : LCR

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