Accord agricole Maroc-UE: Bové: «Nous ferons tout pour faire barrage»
Pour José Bové, l’accord agricole «est une catastrophe pour l’agriculture, une catastrophe pour l’emploi des deux côtés de la Méditerranée et c’est aussi une catastrophe écologique, car on sait qu’il faut 10 fois plus d’eau pour produire des tomates au Maroc qu’en Europe»

L’Economiste | Édition N° 3708 du 2012/01/27

Accord agricole Maroc-UE
Bové: «Nous ferons tout pour faire barrage»

 Vote favorable de la commission du commerce international du Parlement européen}
 Le Vert français prépare une riposte pour la plénière du Parlement en février
 «Ma position n’est absolument pas dirigée contre le Maroc»

C’est sans surprise que la commission du commerce international du Parlement européen (INTA) a voté, le 26 janvier, en faveur de l’accord agricole Maroc/UE (23 pour, 5 contre et 1 abstention). En votant massivement, les membres de cette commission ont donc rejeté le rapport du Vert français, José Bové. Aux yeux de ce dernier, l’accord en question n’est bon ni pour le Maroc ni pour l’Europe dans la mesure où celui-ci ne ferait que renforcer une «agriculture industrielle exportatrice aux dépens de l’agriculture familiale et paysanne des deux côtés de la Méditerranée». L’ex-paysan du Larzac se promet maintenant de batailler ferme pour que cet accord soit rejeté lors de la plénière du Parlement européen à la mi-février. A l’issue du vote de la commission, L’Economiste a rencontré José Bové.

L’Economiste: Contrairement aux recommandations de votre rapport sur l’accord agricole, la commission INTA a voté en faveur de cet accord. Comment réagissez-vous? Etes-vous déçu par cet échec?
José Bové: Je ne pense pas que l’on puisse parler d’échec. En vérité, je m’attendais à cette décision, je ne suis pas naïf, je sais très bien que les tenants du libre-échange sont très nombreux au sein de la commission du commerce international du Parlement. Le libre-échange est une catastrophe pour l’agriculture. C’est l’échec déjà avec l’OMC depuis dix ans et on sait très bien que libre-échange et agriculture ne font pas bon ménage, cela ne fonctionne pas. Ceux qui connaissent vraiment les sujets agricoles sont les membres de la commission de l’agriculture du Parlement qui, eux, ont voté très clairement contre l’accord avec le Maroc en juillet 2011. Dans ce cas-ci, la commission du commerce international, qui est là pour faire du libre-échange partout dans le monde et qui se moque des intérêts des populations, vote systématiquement en faveur de tous les accords de libre-échange. Je ne suis absolument pas étonné de ce vote, c’est plutôt l’inverse qui m’aurait surpris.

Cet accord agricole a connu des péripéties entre les eurodéputés et la Commission européenne. Avez-vous une explication particulière à ce sujet?
Personnellement, je suis en faveur d’un débat de fond sur cet accord agricole et le problème pour les eurodéputés avec ce type d’accord est que l’on ne peut pas introduire d’amendement. A mon avis, la seule façon de renégocier, dans l’intérêt des producteurs des deux côtés de la Méditerranée, est de voter «non» à cet accord afin de pouvoir par la suite discuter en profondeur des tenants et aboutissants de cet accord. Pour l’instant, le Parlement ne participe à aucune négociation des accords avec les pays tiers, c’est uniquement la Commission européenne qui le fait et nous sommes à chaque fois mis devant le fait accompli. Il y a énormément de choses qui peuvent être améliorées dans le cadre de cet accord avec le Maroc et pour cela, il faudrait que le Parlement soit de plus en plus impliqué dans les négociations.

Pour quelles raisons refusez-vous obstinément cet accord avec le Maroc?
Parce que c’est un très mauvais accord pour les petits paysans marocains qui sont spoliés par les grandes entreprises, pour les paysans français, espagnols et italiens qui voient les importations augmenter et détruire leurs capacités à vendre et vivre de leurs produits à l’intérieur de l’Europe. Cet accord est une catastrophe pour l’agriculture, une catastrophe pour l’emploi des deux côtés de la Méditerranée et c’est aussi une catastrophe écologique, car on sait qu’il faut 10 fois plus d’eau pour produire des tomates au Maroc qu’en Europe. Ma position n’est absolument pas dirigée contre le Maroc, ma position est «petits producteurs marocains et agriculteurs européens main dans la main contre la logique de libre-échange des multinationales» qui va les broyer systématiquement.

Qu’allez-vous faire d’ici la plénière de février qui devrait procéder à un vote final sur cet accord?
Nous allons maintenant mener la campagne au niveau de la plénière à Strasbourg d’ici la mi-février pour que cet accord soit rejeté. C’est en effet la plénière qui va prendre une décision finale et là, j’espère que l’on aura un vrai débat de fond et on verra comment les gens se situeront. Le 7 février prochain, je serais à Madrid pour rencontrer les organisations agricoles espagnoles pour une conférence de presse appelant à la mobilisation contre l’accord.

Quelles sont vos chances pour renverser la tendance le mois prochain?
C’est sûr que cela ne va pas être facile. Parce que nous avons tous les gouvernements européens contre nous. Tous se battent dans ce sens et, personnellement, j’ai subi des pressions de partout. Ce n’est pas grave, j’y suis habitué. Cela ne m’étonne pas outre mesure. On va mener la bagarre loyalement et on verra bien. De toutes les façons, ce n’est qu’une partie de l’histoire, l’histoire continue .

Propos recueillis par Aziz BEN MARZOUQ

source : L’Economiste

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