Cameroun - APE: Ces accords suicidaires que le Parlement autorise

Le Messager | 10 juillet 2014

Cameroun - APE: Ces accords suicidaires que le Parlement autorise

Le Ok de ratification accordé par le législatif à l’exécutif qui a cours en ce moment, est au désavantage de l’économie nationale qui n’est pas encore prête à s’arrimer au principe du libre-échange.

Comme à son habitude, le gouvernement vient de faire passer, quasiment au forceps, un texte à l’Assemblée nationale. Il s’agit du projet de loi portant ratification des accords de partenariat économique (Ape) déposé dans la nuit du mardi 8 juillet 2014 au Parlement. Défendu nuitamment par le ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, le texte a ensuite été présenté en plénière ce mercredi aux députés, avant d’être adopté.

Par cet acte, les élus de la Nation autorisent le président de la République à ratifier ces accords. L’Union européenne peut se dire satisfaite, dans la mesure où elle a longtemps manœuvré et menacé pour que le Cameroun finisse par ratifier l’accord d’étape signé en 2007, se basant sur le Règlement 1528 qui prévoit le retrait, à compter du 1er octobre prochain, du régime commercial préférentiel, les pays Acp (Afrique, Caraïbes, Pacifique) qui n’auront pas pris les mesures nécessaires en vue de la ratification des Ape déjà conclus.

Stratégie européenne

La stratégie de l’Union européenne a donc marché. Les négociations des accords de partenariat étant bloquées dans les régions en Afrique, sa stratégie est de faire signer des accords intérimaires. Mais, pour le Cameroun, qui y va seul alors que les autres pays de la Cemac voulaient une approche communautaire, cette ratification ne tombe pas à point nommé, du moins selon la société civile, les acteurs et partenaires sociaux, les leaders d’opinion…Ils estiment que la ratification en l’état actuel de l’accord serait un véritable suicide pour l’économie camerounaise.

Comme le souligne l’Association de défense des intérêts collectifs (Acdic) dans un communiqué parvenu à notre rédaction, plusieurs points de ces accords sont largement au désavantage du Cameroun, et même de la sous-région Afrique centrale. Celle-ci s’est résolue à porter l’ouverture de son marché à 71% sur 20 ans, mais la proposition n’est pas acceptée par l’Union européenne qui réclame plutôt un libre accès à 80% sur 15 ans.

Un Ape incomplet

Par ailleurs, l’on note que l’Ape intermédiaire signé par le Cameroun reste incomplet et ne préserve pas l’intégration régionale vers laquelle les pays d’Afrique centrale veulent aller dans la mesure où aucun autre pays de la sous-région n’a adhéré. Or, en tant qu’instrument d’intégration régionale selon l’accord de Cotonou signé en 2000, l’Ape devrait être signé par l’ensemble des pays de la sous-région. Il doit en outre être accompagné de mesures de soutien aux Pme-Pmi afin de leur permettre de mieux s’ajuster à ce nouveau contexte concurrentiel. Ce qui est loin d’être le cas. A ce jour, ni le programme Ape de développement pour la mise à niveau, ni l’impact fiscal net et les coûts d’ajustement ne sont encore définis.

Le déséquilibre entre les deux parties ne favorisera en rien une véritable éclosion de l’économie sous-régionale. Bien au contraire, c’est l’Union européenne qui gagnera grandement dans l’opération. Les statistiques montrent en effet que le Pib de l’Union européenne est en moyenne 234 fois celui de l’Afrique centrale. La zone Cemac représente à elle seule la moitié des exportations des services du Cameroun, tandis que l’Europe vient en 2e position avec 32% des exportations. Dans le même temps, 50% des services importés par le Cameroun proviennent de l’Union européenne. L’on préconisait donc de protéger les secteurs à forte contribution au Pib de la concurrence venant des fournisseurs européens ; et d’ouvrir les secteurs structurants ou des secteurs à forte valeur ajoutée comme ceux fournis aux entreprises, les télécoms, la finance qui pourraient en bénéficier pour se développer. Ces préalables n’ont pas été acquis.

Faire comme les Européens

Paul Biya n’a pas résisté à la pression de l’Union européenne, malgré toutes les mises en garde. Certains observateurs pensent qu’il aurait dû faire exactement comme les Européens agissent aujourd’hui en ce qui concerne le traité transatlantique de libre échange avec les Etats-Unis (Apt). Cet accord consiste à parvenir au plus grand traité commercial bilatéral jamais négocié, en vue de créer une vaste zone de libre-échange de plus de 800 millions de consommateurs, soit près de la moitié de la richesse mondiale. Il est question de lever les barrières non-tarifaires (normes sanitaires, environnementales, éthiques, juridiques imposées aux entreprises). Ce qui fait peur à l’Union européenne qui a refusé, en juin dernier, de signer les dits accords.

Comme les pays africains, l’Union européenne est inquiète dans le processus avec les Etats-Unis sur la compétitivité de ses entreprises. S’exprimant chez notre confrère Le Quotidien de l’Economie, l’expert en commerce international, Germain Salla estime que l’Union européenne a peur de ne pas tenir tête à la concurrence. « La question c’est de savoir si les entreprises de l’Ue peuvent concurrencer les entreprises américaines. Je crois que c’est à ce niveau que se pose le problème (…) On peut se poser la question de savoir pourquoi l’Union européenne n’arrive pas à comprendre notre hésitation à ratifier les Ape. Car l’attitude que nous avons vis-à-vis de l’Ue sur la question des Ape est aussi l’attitude qu’a l’Ue vis-à-vis des Usa sur l’Apt. Et cette inquiétude n’est autre chose que la peur de ne pas faire face à la concurrence », analyse-t-il. Dans tous les cas, Paul Biya a décidé finalement de ratifier l’Ape. Le Parlement lui a donné son accord. Les entreprises camerounaises peuvent trembler…

Au bas mot: Accords de partenariat à polémique

Contre vents et marées, le gouvernement entend ratifier l’accord d’étape vers les Accords de partenariat économique. Le gouvernement peut-il objectivement prétendre à «l’émergence » prônée à l’horizon 2035? Le coût réel de la signature des Ape pour le Cameroun.

La messe est déjà dite. Le projet de loi autorisant le président de la République à ratifier les Accords de partenariat économique a été déposé à l’Assemblée nationale le 8 juillet 2014. Soit 48 heures avant la fin de la session de juin. Il s’agit pour les députés de donner les coudées franches à Paul Biya pour le parachèvement de cette «exigence» qui permettra à l’Union européenne d’avoir un accès libre au marché camerounais. Une excroissance des accords de Cotonou. Accord qui engageait les Etats signataires, dont le Cameroun, à ratifier l’accord voulu par l’Union européenne au plus tard le 1er octobre 2014. Faute de voir le pays perdre le droit d’accès préférentiel au marché européen. Un accès qui, somme toute, ne concerne en ce moment que le cacao, le bois, le café et la banane camerounaise. Principaux produits d’exportations du Cameroun vers le mastodonte Ue. De l’autre côté, les pays de l’Union européenne, en quête de marché pourront investir le marché camerounais pour écouler leurs productions avec la bénédiction des Ape. Ignorant le désaveu des experts et de la plus grande proportion de la population et de l’opinion publique nationale, le gouvernement entend faire passer cette pilule contre vents et marées. A en juger l’attitude du ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, face aux députés de l’Assemblée nationale. Quel impact sur l’économie camerounaise et quels en sont les enjeux socioéconomiques?

Les arguments du gouvernement

Dans les couloirs de l’hémicycle, l’unanimité paraît de mise. C’est que, les honorables mettent en exergue le risque de taxation qu’encourent les produits camerounais (Cacao, café, banane) en cas de non-ratification de l’accord d’étape des Accords de partenariat économique (Ape) entre l’Union européenne et le Cameroun à la date terme du 1er octobre 2014. Surtout, l’on jure la main sur le cœur de la réussite du plan de modernisation initié dans la perspective de l’entrée en vigueur des Ape. Un plan dont l’originalité consiste à mobiliser 2 500 milliards Fcfa dans l’optique de mettre à niveau les entreprises locales. Une somme dont 80% sera mobilisée par le trésor public camerounais tandis que les différents partenaires au développement promettent d’apporter 20% du reste de cette enveloppe à controverse. Objectif : leur permettre d’affronter la concurrence européenne en accroissant leurs capacités de production et d’exportation.

Conscient de ce que la qualité des produits mis sur le marché constitue le facteur déterminant des échanges entre le Cameroun et l’Union européenne, l’ambitieux plan soutenu par le gouvernement et une majorité acquise des députés de l’Assemblée nationale entend au bout de 15 ans arrimer les produits made in Cameroon aux normes internationales exigées. Tout comme, il explique pouvoir reformer la douane camerounaise. En clair, soutient le gouvernement ; le processus qui devrait, d’ici 15 ans aboutir à l’ouverture du marché camerounais, à près de 80% au marché européen présenterait des avantages «certains» pour l’économie locale.

source : Le Messager

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