Accord commercial Cameroun-UE : 4 mois d’application sans calendrier de démantèlement tarifaire
La culture de la banane par la PHP (Plantations du Haut-Penja) au Cameroun. Des équipes sont chargées de numéroter les régimes pour savoir à quel moment effectuer la coupe. Njombé, Province du Littoral, Cameroun. (Photo: Joseph Melin)

Xinhua | 16/12/2014

Accord commercial Cameroun-UE : 4 mois d’application sans calendrier de démantèlement tarifaire

Après quatre mois d’application depuis le 4 août, suite à sa ratification quelques jours auparavant par le président Paul Biya, le Cameroun et l’ Union européenne (UE) envisagent encore à entamer des discussions pour l’élaboration d’un nouveau calendrier de démantèlement tarifaire lié à l’accord de partenariat économique (APE) conclu en 2009.

Une certaine confusion s’est installée chez les milieux d’ affaires camerounais à cause de l’absence de ce calendrier, un paramètre-clé de la mise en oeuvre de l’accord de libre-échange contracté par le Cameroun avec son "partenaire traditionnel" qui, de par cet acte,continue de lui garantir un accès à son marché en franchise de droits de douane et sans quotas d’exportations, justifient les deux parties.

Pour l’UE, c’est un privilège accordé depuis janvier 2008, après le paraphe par les autorités de Yaoundé en décembre 2007 de l’APE qui aurait dû régional comme le prévoyaient les négociations ouvertes en 2003 avec la Communauté économique et monétaire de l’ Afrique centrale (CEMAC) et ensuite la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC).

C’est en vue du remplacement de l’Accord de Cotonou qui lie depuis 2000 l’UE aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et jugé caduc du fait des nouvelles règles commerciales internationales édictées par l’Organisation mondiale du commerce ( OMC), expliquent les négociateurs européens pour qui l’APE avec le Cameroun est une "opportunité pour stimuler la croissance de l’ économie" de ce pays.

Ce point de vue a été défendu lors d’un séminaire organisé samedi à Yaoundé sous le thème "APE Cameroun – Union européenne : un nouveau partenariat pour le commerce et le développement", à l’ intention des communautés d’affaires du Cameroun et de l’UE, en marge de la 5e édition du Salon international de l’entreprise, de la PME et du partenariat (Promote 2014).

"S’il n’y avait pas eu le 4 août (date d’entrée en vigueur de l’ accord ratifié le 22 juillet par le président Paul Biya et notifié trois jours plus tard à l’UE, NDLR), le 1er octobre il n’y aurait pas eu d’accès privilégié au marché européen" pour les exportations camerounaises, a souligné lors de cette séance d’ échanges et de débats, l’ambassadeur et chef de délégation de l’UE au Cameroun,Françoise Collet.

D’après elle, les exportations de banane, un des deux produits phare avec l’aluminium du commerce du Cameroun en direction de l’ Europe, "auraient été soumises à taxation de l’ordre de 30 millions d’euros par an. Il est évident qu’ajouter ce coût aux coûts de production de la banane aurait eu un impact" négatif énorme.

NATION LA PLUS FAVORISEE

Cet accord commercial n’est pour autant pas du goût des organisations de la société civile qui accusent l’UE de manoeuvres visant à imposer à ses partenaires d’Afrique de tels accords perçus comme inopportuns en vue de maintenir sa position dominante faite de diktats auprès d’eux dans un contexte où de nouveaux acteurs importants émergent sur la scène diplomatique et économique mondiale.

Remco Vahl, chef d’unité adjoint des Accords de partenariat économique à la direction générale du commerce de la Commission européenne à Bruxelles, l’a reconnu à demi-mot en mentionnant que l’APE comporte une clause de non-discrimination, définie par la nation la plus favorisée (NPF), qui veut que le Cameroun accorde à l’UE "les mêmes concessions faites à d’autres partenaires comme la Russie,l’Inde, la Chine ou les Etats-Unis".

"L’APE ne fait pas obstacle à des accords que le Cameroun peut vouloir par exemple avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Seulement nous disons que si nous avons fait accepter pas mal d’exceptions que n’acceptent pas d’autres pays dans la libéralisation parce que vous n’êtes pas prêt en tant que pays pour libéraliser, ça c’est une chose et nous acceptons", a-t- il affirmé à Xinhua.

Mais, a-t-il poursuivi, "si ensuite vous allez libéraliser ça vis-à-vis de nos concurrents dans le monde, alors là la clause NPF est un mécanisme qui permet de traiter du fait que l’Union européenne est parmi les premiers à concéder ces avantages au Cameroun".

En d’autres termes, a précisé le responsable européen, "l’Union européenne sera bénéficiaire des avantages plus importants que le Cameroun serait amené à offrir à d’autres partenaires".

Selon le secrétaire général du ministère camerounais de l’ Economie,de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Gilbert Edoa,cet accord couvre le domaine du commerce des marchandises et les questions liées au commerce.

A l’inverse d’un accès libre de ses produits sur le marché européen,pour une ouverture sur 15 ans avec une période transitoire de deux ans, "le Cameroun s’est engagé à libéraliser 80% des importations de l’Union européenne", a indiqué le responsable gouvernemental.

A l’exception des biens de même nature produits localement, les produits alimentaires, la boisson et les tabacs sont cités pour une libéralisation à 91,8%, qui devient totale pour les produits énergétiques et les lubrifiants ainsi que les équipements industriels de transport, et limitée à 63,5% pour les produits bruts animaux et végétaux, 92% pour les équipements de transport agricoles et 66% pour les produits de consommation des ménages.

Il est prévu que de nouvelles taxes à l’exportation ne seront pas introduites, mais une possibilité d’en introduire sur un nombre limité de produits est admise.

INSTRUMENTS DE DEFENSE NATIONALE

Une liste d’instruments de défense nationale ou mesures de sauvegarde est établie de la part des autorités du Cameroun, avec l’objectif, de l’avis de M. Edoa, de protéger le secteur agricole, de privilégier les industries existantes en cas d’augmentation des importations, d’assurer la sécurité alimentaire et de permettre le développement de nouvelles industries "naissantes".

Cette dernière est interdite au-delà de 15 ans à partir de l’ entrée en vigueur de l’accord pour lequel des discussions sont prévues d’être engagées sur les clauses de rendez-vous, concernant l’aspect développement, la mise en place du fonds APE, la définition des mécanismes de compensation, puis le commerce des services et les investissements.

"Sans un calendrier précis, il est difficile pour les acteurs du secteur privé de faire leur programmation leurs investissements ",admet toutefois Gilbert Edoa. L’élaboration d’un nouveau calendrier de démantèlement tarifaire reste donc une préoccupation, tout comme l’adoption de règles d’origine qui permettent à une marchandise l’admission dans un marché.

Plusieurs études antérieures ont établi une moyenne annuelle de 70 à 80 milliards de francs CFA (140 à 160 millions de dollars) de pertes fiscales que le Cameroun devrait subir du fait de cet accord. D’un coût de plus de 197 millions de francs CFA (394.000 dollars), une nouvelle étude d’impact fiscal net a été engagée.

Par la voix du ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, le pouvoir de Yaoundé justifie sa décision de se lancer seul en Afrique centrale dans un accord de libre-échange avec l’Union européenne en affirmant que "le Cameroun est respectueux de ses engagements internationaux".

A travers cet accord, a expliqué le ministre, le pays démontre son souci pour l’amélioration de la compétitivité de son économie. Un Plan de modernisation et d’adaptation de cette économie a été élaboré à cet effet et la mise en place d’un Bureau de mise à niveau des entreprises a permis le renforcement de la capacité d’ exportation d’une soixantaine d’entreprises parmi les 600 prévues sur une période de quatre ans.

"Il faut attendre encore plus longtemps avant de pouvoir remplacer l’accord en application avec le Cameroun par un accord plus complet(donc régional)", a cependant prévenu Remco Vahl dans une allusion aux négociations au point mort depuis 2011 entre l’UE et la CEEAC,relancées en 2008 après une première interruption entre 2006 et 2007.

source : Xinhua

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