Naissance d’un front franco-allemand contre l’arbitrage dans le cadre du TTIP

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EurActiv 15/01/2015

Naissance d’un front franco-allemand contre l’arbitrage dans le cadre du TTIP

L’Allemagne et la France partagent un scepticisme certain sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États prévu dans le TTIP. Les deux pays négocient des propositions communes pour faire évoluer le dispositif.

Paris et Berlin ne veulent pas d’un mécanisme de règlement des différends en l’état au sein du traité transatlantique (TTIP).

« Nous n’accepterons jamais que les juridictions privées saisies par des multinationales puissent décider des politiques souveraines des États, notamment dans certains domaines tels que la santé ou l’environnement » a indiqué Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur cette semaine quelques journalistes dont Euractiv.fr.

Le dispositif censé protéger les investissements en proposant un recours à des tribunaux d’arbitrage en cas de conflit entre une entreprise privée et un État cristallise les critiques sur le TTIP, notamment en France.

« Nous considèrons qu’il doit y avoir une réflexion de fonds sur le mécanisme d’arbitrage, mais cela ne signifie pas qu’il y ait une défiance vis-à-vis des États-Unis » Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur.

« Tant que le mécanisme de règlement des différends fait partie du TTIP, je reste très sceptique […] Je pense qu’il n’est tout simplement pas nécessaire» a de son côté effirmé Barbara Hendricks, ministre allemande de l’Environnement dans une interview avec la presse allemande.

Fortes craintes

Pour le gouvernement français, il existe un véritable risque de devoir faire face à des « demandes exorbitantes » de la part des grandes multinationales. Un risque qui pourrait menacer« les finances publiques et faire peser un risque économique sur les citoyens » explique le secrétaire d’État.

Les exemples, s’ils ne sont pas légion, existent. En Allemagne, la décision de sortir du nucléaire a provoqué une plainte du groupe d’énergie suédois Vattenfall contre le gouvernement. Une poursuite qui pourrait donner lieu à des dommages et intérêts à hauteur de plusieurs milliards d’euros.

Une situation qui trouve un écho particulier en France, la question de la sortie progressive du nucléaire revient régulièrement sur le devant de la scène.

Plus lointain, la plainte de Philip Morris contre le l’Australie en 2011, lorsque le pays avait adopté une législation obligeant les firmes à présenter les cigarettes dans des paquets neutres. Le cigarettier, privé de l’utilisation de ses marques sur le sol australien a demandé des dommages et intérêts auprès d’un tribunal d’arbitrage, qui devrait rendre sa décision en 21015.

La nécessité d’un mécanisme d’appel

Plusieurs options sont à l’étude pour rendre le mécanisme de règlement des différends plus acceptable aux yeux de la France.

Premier axe, le gouvernement souhaite impliquer davantage les juridictions publiques nationales, et encadrer les recours abusifs à l’arbitrage des entreprises, qui ne sont pas soumises à un risque financier dans ces procédures, contrairement aux États. « Nous réfléchissons à la meilleure manière de sanctionner ces abus » a détaillé le ministre.

Autre piste privilégiée, la mise en place d’un mécanisme d’appel des sentences des tribunaux d’arbitrage, qui pourrait être mis en place au sein d’un organisme international indépendant à créer.

Troisième axe, le travail sur la transparences des procédures, afin d’éviter qu’un arbitre se retrouve juge et partie sur certains dossiers. « Il est de notoriété publique que dans l’arbitrage, les situations de conflit d’intérêts sont énormes » a rappelé le Matthias Fekl. En France, un arbitrage en date de 2008 a attribué la somme de 403 millions d’euros au financier Bernard Tapie pour dédommagement et préjudice moral dans l’affaire Adidas. Un des juges du tribunal arbitral, Pierre Estoup, a depuis été mis examen pour escroquerie en bande organisée, tandis que Christine Lagarde, qui était ministre de l’Economie lors du jugement, a été entendue par les juges.

Une consultation publique très critique

Les critiques françaises ont trouvé un écho le mardi 13 janvier avec la publication des résultats très attendus de la consultation publique sur la protection des investissements au sein du traité transatlantique.

La consultation publique a reçu près de 150 000 réponses, provenant majoritairement du Royaume-Uni et de l’Allemagne, dans lesquels la résolution de litiges entre investisseurs et États a pris une véritable volée de bois vert.

88% des répondants se sont déclarés contre le mécanisme, poussant l’exécutif européen à repousser l’arbitrage du dossier à la fin des négociations du TTIP.

Concertation franco-allemande

Du côté des États membres, le travail de revue a d’ores et déjà commencé. « On travaille [sur ces propositions] avec nos partenaires européens » a détaillé le secrétaire d’État français, notamment avec l’Allemagne. « Les positions allemandes et les nôtres sont très proches et je me rendrai à Berlin très prochainement pour en discuter » a-t-il poursuivi.

« Si l’on parvient avec l’Allemagne à se mettre d’accord sur des propositions précises, je pense que l’on pourra véritablement avancer » a expliqué Mathias Fekl..

Selon nos informations, en plus de l’Allemagne, plusieurs pays partagent déjà en partie la position française, dont le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède.

Cécile Barbière

source : EurActiv

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