Revers pour Bruxelles sur un accord de libre-échange avec Singapour

Le Monde | 21 décembre 2016

Revers pour Bruxelles sur un accord de libre-échange avec Singapour

Par Jean-Pierre Stroobants

L’avocat général de la Cour de justice européenne a indiqué, mercredi 21 décembre, qu’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et Singapour ne pouvait pas être conclu uniquement par la Commission européenne. Il doit l’être en liaison avec les Etats membres, estime le magitrat dans son avis définitif. C’est un revers pour la Commission, qui estimait pouvoir négocier seule, même si certaines compétences nationales semblaient en jeu et si le traité annulait des accords bilatéraux entre des Etats membres et Singapour.

En 2014, Bruxelles avait demandé l’avis de la Cour de justice de l’UE quant à sa compétence pour signer et ratifier – sans les États membres – cet accord, dit « Aleues », conclu en septembre 2013. La Commission estimait qu’elle était exclusivement compétente, le Parlement était globalement d’accord avec elle, le Conseil et les gouvernements de tous les pays membres étaient d’un avis contraire et pensaient que certaines parties de l’Aleues relevaient de la compétence exclusive, des capitales.

Autant dire que l’arrêt de Luxembourg était très attendu : les critiques sur le manque de transparence et de démocratie lors de la négociation de tels documents se sont multipliées à la faveur des polémiques sur le projet de traité transatlantique avec les États-Unis (TTIP, ou Tafta) et le traité euro-canadien (Ceta).

« Compétence exclusive »

La négociation des traités a généralement suscité peu d’intérêt de la part des opinions publiques et des Parlements. Jusqu’à ces épisodes récents, qui ont forcé la Commission à en dire plus sur de telles négociations et leurs enjeux. La rébellion du parlement et du gouvernement de Wallonie – suivie par une « Déclaration de Namur », initiée par le ministre-président Paul Magnette, invitant à une révision fondamentale de la méthode – a changé la donne.

Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, reconnaît la personnalité juridique à l’Union et lui permet donc de conclure seule des accords avec des pays tiers : on évoque dans ce cas sa « compétence exclusive ». Les États (le Conseil) octroient un mandat à la Commission, qui négocie puis lui soumet la copie, ainsi qu’au Parlement européen. À une condition : l’accord ne doit pas empiéter sur des compétences dites « nationales » et si tel est le cas, les États peuvent exiger qu’il soit « mixte ».

Dans le cas du Ceta, le débat n’était pas clair. Il s’est envenimé et tout le projet a failli capoter, ce qui aurait mis en cause le crédit de l’Union dans son ensemble, la politique de libre-échange étant l’un de ses fondements. Pas loin d’une quarantaine d’accords commerciaux ou d’association ont été conclus jusqu’ici par l’Union, une vingtaine d’autres sont en négociation et leur conclusion s’avérera désormais très ardue. Le Japon et le Vietnam, par exemple, s’en inquiètent.

Le gouvernement belge attendait aussi la décision des juges de Luxembourg pour régler ses différends internes : la Wallonie a conditionné son approbation du Ceta à une consultation, par le gouvernement fédéral, de la Cour européenne sur la légalité des mécanismes d’arbitrage inclus dans les accords commerciaux « nouveau type ».

En principe, l’accord avec Singapour devrait être révisé avant de pouvoir entrer en vigueur.

source : Le Monde

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