Selon que vous serez puissant ou misérable... La question agricole dans le commerce mondial

Revue internationale et stratégique (IRIS) | Hiver 2017

Selon que vous serez puissant ou misérable... La question agricole dans le commerce mondial

par Jacques Berthelot

Résumé

Le libre-échange n’a jamais fonctionné pour les marchés agricoles car ils ne peuvent s’autoréguler : face à une demande alimentaire stable à court terme, la production agricole fluctue selon les aléas climatiques – qui s’intensifieront avec le changement climatique –, entraînant une variation des prix et des revenus agricoles comme des prix alimentaires. Dans ce contexte la théorie orthodoxe s’accommodait, au nom de la multifonctionnalité de l’agriculture, de la protection agricole tant qu’elle correspondait aux intérêts occidentaux. Depuis les pharaons égyptiens, toutes les formes d’organisations politiques ont en réalité développé des politiques agricoles pour réguler l’offre à la frontière et promouvoir le stockage.

La définition biaisée du dumping dans le GATT – il n’y pas de dumping tant que les exportations se font au prix du marché intérieur – a été décisive pour le changement radical de la politique agricole commune (PAC) européenne et du Farm Bill américain au début des années 1990 ainsi que pour le lancement du cycle de l’Uruguay. Dès lors, les revenus agricoles ne reposaient plus essentiellement sur des prix rémunérateurs mais, pour une large partie, sur des aides directes. Pour cela, il fallait baisser les prix agricoles minima – prix d’intervention dans l’UE, loan rate aux Etats-Unis – en les rapprochant des prix mondiaux et en compensant les agriculteurs par des subventions. Cela permettait aux pays développés d’améliorer leur compétitivité interne et externe en important moins et en exportant plus. D’autant que l’Accord sur l’agriculture de l’OMC, négocié essentiellement en face-à-face entre l’UE et les Etats-Unis avant de l’imposer aux 123 pays participants au cycle de l’Uruguay à Marrakech le 15 avril 1994, obligeait les pays en développement – sauf les pays les moins avancés – comme les pays développés à réduire leurs droits de douane agricoles, alors que, contrairement à ces derniers, ils n’ont pas les moyens financiers de compenser la baisse des prix qui en résulte par des subventions significatives compte tenu de leur pauvreté et de leurs très nombreux agriculteurs.

Il est urgent de refonder radicalement les politiques agricoles de l’UE et des pays en développement, dont l’Afrique subsaharienne, sur la souveraineté alimentaire afin d’atteindre le deuxième des ODD sur la sécurité alimentaire. Pour assurer un développement agricole durable, les pays d’Afrique subsaharienne doivent modifier radicalement leurs politiques agricoles en assurant des prix stables et rémunérateurs aux agriculteurs. Cela implique que les communautés économiques régionales comme la Cedeao et la CAE deviennent membres à part entière de l’OMC, au même titre que l’UE. Elles bénéficieront alors de droits de douane consolidés car leurs tarifs extérieurs communs (TEC) ne portent que sur les droits de douane appliqués. Elles pourront alors refonder leurs TEC sur des prélèvements variables – si efficaces pour développer la production agricole de l’UE avant l’OMC – tant que l’équivalent ad valorem des prélèvements variables ne dépasse pas le droit consolidé.

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source : Revue internationale et stratégique

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