Commerce : Bruxelles envisage un partenariat transatlantique « bis »

Le Monde | 17 avril 2018

Commerce : Bruxelles envisage un partenariat transatlantique « bis »

Par Cécile Ducourtieux

A moins de quinze jours de l’ultimatum fixé par l’administration Trump, les Européens ferraillent toujours pour échapper aux taxes sur leurs exportations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis. Mais, dans les couloirs de la Commission européenne, d’aucuns commencent déjà à travailler à un accord de libre-échange « bis » avec les Américains.

Attention, assure-t-on en interne, il ne s’agit pas de relancer la très ambitieuse négociation – ouverte en 2013 sous la présidence de Barack Obama, mais devenue très impopulaire, en particulier en France et en Allemagne – sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), également connu sous le nom de Tafta.

Il faudrait d’abord que l’Union européenne (UE) soit assurée d’obtenir une exemption permanente sur les taxes concernant l’acier et l’aluminium, jugées injustifiées par Bruxelles. « Il s’agit d’un préalable indispensable. On ne négocie pas sous la pression », précise une source européenne.

Fin mars, la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, avait arraché un sursis jusqu’au 1er mai, à condition d’entrer en discussions prolongées avec les Américains dans un « groupe de haut niveau » aux contours plutôt flous.

Au niveau technique, les réflexions progressent

Les deux parties étaient censées renforcer la nécessaire collaboration transatlantique pour lutter contre les énormes surplus chinois, considérés par les Européens comme le vrai problème de l’industrie américaine. Washington proposait aussi de discuter d’éventuelles baisses de droits de douane, notamment pour les voitures américaines exportées dans l’UE, l’une des obsessions de Donald Trump.

Depuis, le président américain semble avoir oublié Bruxelles, concentrant son attention et ses Tweet sur la Chine, à laquelle il a imposé des taxes de 10 % sur ses exportations d’aluminium et de 25 % sur l’acier. Mme Malmström s’est entretenue plusieurs fois au téléphone avec le secrétaire au commerce, Wilbur Ross. Mais aucun aller-retour à Washington n’est pour l’heure programmé pour la commissaire suédoise.

Au niveau technique cependant, les réflexions progressent à Bruxelles sur la possibilité d’entrer en négociations dans le cadre d’un accord de libre-échange visant à réduire des droits de douane de part et d’autre de l’Atlantique. Moins pour des raisons politiques ou idéologiques, explique une source européenne, que pour se conformer aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cette dernière exclut en effet qu’un de ses membres puisse consentir à un autre une baisse de droits de douane sur un produit ou un secteur, sans en faire profiter le reste des membres. A moins que les deux parties soient déjà engagées dans un accord de libre-échange qu’elles décideraient de renégocier à la marge. C’est pour cette raison que la Corée du Sud a récemment accepté de réduire ses exportations d’acier vers les Etats-Unis pour éviter les taxes.

Réticences françaises

Si Washington formalise quelques demandes de baisses de tarifs douaniers et accepte qu’en retour l’Union réclame des contreparties (Bruxelles, Paris et Berlin rêvent d’un meilleur accès aux marchés publics américains), la négociation d’un traité commercial « a minima » pourrait commencer, estime-t-on à Bruxelles.

Cette perspective n’enchante guère Paris, où toute évocation d’un nouveau Tafta, même allégé, fait frémir. « Rien de tel pour tuer les élections européennes [de mai 2019] », souligne un diplomate bruxellois, conscient que les accords de libre-échange ont désormais très mauvaise presse dans l’Hexagone et que le président Macron a bâti tout son argumentaire sur une « Europe qui protège » davantage les citoyens.

La Commission serait pleinement au fait des réticences françaises et avance avec prudence. Pas question par exemple d’abandonner ses possibles ripostes à M. Trump, si, malgré le dialogue transatlantique qui s’est instauré, le président américain taxait l’acier et l’aluminium européens, le 2 mai.

Lundi, Bruxelles a notifié officiellement à l’OMC son intention d’utiliser, le cas échéant, des mesures de « rééquilibrage » visant à augmenter les droits de douane pour des exportations américaines d’une valeur totale annuelle de 3,5 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros). « C’est une simple étape procédurale », note une source à la Commission. Cela ne signifie évidemment pas que nous allons mettre ces mesures en place. Mais nous devons nous ménager la possibilité de le faire. »

source : Le Monde

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