Quel partenariat économique avec l’UE ?

Quel partenariat économique avec l’UE ?

L’Express (Port Louis)

ANALYSE

13 Février 2006

By Stéphane Saminaden
Port Louis

Peut-on encore faire confiance à l’Union européenne (UE) ? La déconvenue subie sur le dossier sucre devrait nous inciter à la prudence par rapport à la conclusion d’un accord de partenariat économique (APE) entre l’UE et le groupe de l’Eastern and Southern Africa (ESA), dont Maurice fait partie.

Le round de négociations ministérielles entre l’Europe et le groupe ESA, la semaine dernière, démontre qu’une sorte de dialogue de sourds s’est instauré entre l’UE et les ex-colonies du groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP).

Le processus de ces négociations présente des analogies inquiétantes avec les longues discussions (finalement inutiles) sur la réforme du régime sucrier et la direction que prennent les négociations multilatérales au niveau de l’Organisation mondiale du commerce concernant le cycle de Doha.

Tout d’abord, les négociations pour un APE entre l’UE et l’ESA, démarrées en 2004, ont buté sur la finalité de cet accord. Pour l’ESA, qui s’inscrit dans la continuité de l’Accord de Cotonou, un APE est un instrument de développement.

Pour l’UE, le commerce et le libre-échange sont l’instrument du développement. C’est le même clivage qui a conduit à ce que le "Doha Development Agenda" risque de tourner en eau de boudin.

Rama Sithanen a rappelé que l’ouverture des marchés ne garantit pas le développement. Il a cité des pays ACP qui n’ont pas profité de l’ouverture du marché européen depuis Lomé. Pour le ministre des Finances, il faut d’abord qu’un pays ait la capacité de produire des biens de manière compétitive pour les exporter. Peter Mandelson reconnaît la nécessité d’éliminer les contraintes de production des pays concernés. Mais le nombre de fois où il a déclaré que le commerce est l’instrument du développement sème le doute.

Ceux qui ont assisté aux discussions plaident en sa faveur en faisant ressortir que l’UE a augmenté le dixième Fonds européen de développement (FED) par près de dix milliards d’euros, ce qui démontre sa volonté réelle d’aider au développement des pays ACP.

D’autres observent que pour un pays comme Maurice, la majorité des ressources allouées sous le FED sont dédiées à l’environnement et au tout-à-l’égout, ce qui n’aide pas à régler les "supply side constraints" évoqués par Sithanen.

Mandelson évasif

Mais il semble qu’au niveau de l’UE, on souhaite donner plus de latitude aux pays concernés pour intégrer dans leur programme indicatif national des projets de développement des capacités à travers d’APE.

Les sceptiques font toutefois ressortir que Maurice attendait beaucoup des promesses d’aide financière de l’UE face à la baisse du prix du sucre. "Finalement, c’est l’UE qui décidera des critères et des projets qu’elle jugera prioritaires" , déclarent-t-ils.

Par ailleurs, il est connu que le principal reproche des ACP est que les procédures européennes pour le déboursement sont longues et d’une complexité décourageante.

Comme dans le cas du sucre, Sithanen réclame à travers un APE un décaissement rapide et en amont de fonds pour aider les ESA à se préparer au libre-échange qu’implique un accord avec l’Europe. Mais Mandelson reste évasif à ce sujet.

Maurice ne risque-t-elle pas d’être victime de la priorité que veut accorder l’UE aux plus démunis ? Le groupe ESA compte une douzaine de pays moins avancés. Et Maurice s’est elle même faite championne du "special and differential treatment"!

C’est ce même principe d’une attention spéciale aux plus vulnérables qui a guidé l’UE dans ces critères d’allocation de l’assistance financière aux pays ACP affectés par la baisse du prix du sucre.

Mandelson affirme que l’UE a souhaité aider les pays où l’industrie sucrière est menacée de disparaître autant que les pays où l’industrie a des chances de survie. Il ne croit pas que Maurice court à la catastrophe.

Son discours prononcé au dîner de la Chambre de commerce et d’industrie jeudi en laisse plus d’un perplexe. Il invite Maurice à influencer le G90 pour faire pression sur le G20 afin que ces derniers - les grands pays en développement comme l’Inde, la Chine, le Brésil - ouvrent leurs marchés. Cela donnerait des débouchés à des pays comme, dit Mandelson. En fait, ce sont les pays développés de l’UE qui salivent de voir s’ouvrir ces pays qui, avec près de la moitié de la population planétaire, sont les derniers marchés à conquérir.

Pour beaucoup, les dires de Mandelson seraient un reproche au rôle de Maurice à la réunion ministérielle de l’OMC à Hong Kong. Maurice s’était associée au G20, opposé à l’UE sur le dossier agricole. Certains ne doutent pas que l’UE nous l’aurait fait payer, à travers les critères d’allocation de l’aide sucrière.

source : L’Express

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