Commerce : l’UE va négocier avec Trump malgré l’opposition française

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Le Point | 11 avril 2019

Commerce : l’UE va négocier avec Trump malgré l’opposition française

(AFP) - Les Etats membres de l’UE ont approuvé jeudi l’ouverture de négociations commerciales avec les Etats-Unis, dans l’optique de mettre fin aux tensions commerciales avec Donald Trump, faisant fi de l’opposition affichée depuis plusieurs semaines par Paris.

Le principe de ces discussions a été validé jeudi par les ambassadeurs des Etats membres auprès de l’UE, mais le mandat de négociation doit encore être officiellement accordé lundi à la Commission européenne - qui représentera les 28 face à Washington - par les ministres européens de l’Agriculture.

L’Elysée a immédiatement prévenu que la France se prononcerait contre l’ouverture de ces négociations, rappelant le refus du président Emmanuel Macron de signer tout accord commercial avec un pays non signataire de l’Accord de Paris sur le climat.

"La France sera possiblement la seule à voter contre", a ajouté l’Elysée. Mais cette opposition sera sans effet car les décisions en matière commerciale se prennent dans l’UE à la majorité qualifiée. La voix française n’est donc pas indispensable.

Paris, qui bloquait jusqu’à présent l’ouverture de ces négociations, jugées inopportunes en pleine campagne électorale pour les européennes, était sous la pression des 27 autres Etats membres, et en particulier de l’Allemagne.

Ces discussions commerciales ont en effet pour objectif de mettre fin aux tensions avec le président américain Donald Trump, qui menace de taxer les automobiles européennes, un secteur vital pour Berlin.

TTIP "obsolète"

Le futur accord UE/USA doit être limité aux biens industriels, c’est-à-dire qu’il n’inclura pas, en tout cas aux yeux des Européens, l’agriculture, les services ou les marchés publics.

Les Américains ont cependant répété qu’ils comptaient intégrer l’agriculture dans les discussions, un désaccord que les deux parties devront régler.

L’idée d’un tel accord fait suite à une visite en juillet dernier du président de la Commission Jean-Claude Juncker à Washington, après l’imposition par Donald Trump de droits de douane punitifs sur l’acier et l’aluminium européen et de premières menaces sur leurs voitures.

Le président américain avait ensuite encore menacé les Européens de s’en prendre à leurs automobiles si ces négociations n’avançaient pas, des menaces que l’UE espère maintenant voir écartées.

L’UE est "un partenaire commercial brutal avec les Etats-Unis, ce qui va changer", a encore twitté mercredi le président américain.

Selon Bruxelles, si les négociations aboutissent, les échanges ne progresseraient d’ici 2033 que de 53 milliards d’euros. Une goutte d’eau dans le commerce UE/Etats-Unis.

La France craint cependant avec ces discussions de raviver le spectre du très impopulaire TTIP, un accord commercial beaucoup plus large négocié entre Bruxelles et Washington avant d’être suspendu en 2016.

A sa demande, le nouveau mandat mentionne cependant que l’ancien mandat du TTIP est désormais "obsolète et plus pertinent".

"Une gifle"

L’autre problème de Paris est sur le plan environnemental, dans le mesure où les Etats-Unis ont quitté l’Accord de Paris sur le climat en 2017.

"Nous ne sommes pas au niveau des exigences environnementales", insiste la présidence française. Or, "l’un des grands engagements européens du président est de mettre le climat au centre de son action", ajoute-t-elle.

Sous la pression notamment de la France, une étude d’impact environnemental doit cependant être utilisée lors des négociations pour s’assurer que l’accord avec Washington respectera l’Accord de Paris.

"Il faudra poursuivre ce combat (contre cet accord, ndlr), notamment au Parlement européen, sans lequel aucun accord commercial ne peut être approuvé à l’issue des négociations. C’est un enjeu majeur des prochains mois et du choix des élections européennes", a insisté l’Elysée.

Le N.2 sur la liste du parti présidentiel LREM pour les Européennes, Pascal Canfin, a salué "une décision politique forte".

"C’est la première fois qu’un chef d’Etat s’oppose à l’ouverture d’une négociation commerciale au nom du climat", a-t-il relevé.

L’ONG Friends of the Earth Europe a pour sa part qualifié l’ouverture de ces nouvelles négociations de "gifle pour les centaines de milliers de jeunes et d’adultes qui protestent chaque semaine pour l’action climatique en Europe".

Signe d’un regain des tensions commerciales, Donald Trump a, sur un autre front, menacé l’UE de nouveaux tarifs douaniers si elle ne mettait pas fin aux subventions à Airbus. Bruxelles a prévenu qu’elle riposterait.

source : Le Point

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