La Belgique divisée sur le libre-échange avec Trump

L’Echo | 15 avril 2019

La Belgique divisée sur le libre-échange avec Trump

La Belgique a été forcée de s’abstenir lorsque les ministres de l’Union européenne ont pris position sur le mandat de négociation pour un accord commercial avec les États-Unis. Le gouvernement bruxellois a bloqué l’adoption d’une position belge, et le ministre wallon de l’Agriculture plaide pour que la Belgique suive la voie de la France.

La Belgique s’est abstenue ce lundi lorsque le Conseil de l’Union a adopté les directives de négociation en vue d’un accord commercial entre l’UE et les États-Unis. Le document était adopté formellement lors d’une réunion des ministres de l’Agriculture - première formation du Conseil à se réunir depuis que les ministres en charge du Commerce ont arrêté leur position de manière informelle.

Le gouvernement de la région Bruxelles-Capitale avait refusé que les mandats de négociation soient validés au nom de la Belgique. Le gouvernement wallon ne s’est pas formellement exprimé contre l’ouverture des négociations avec l’administration Trump, mais son ministre de l’Agriculture René Collin a indiqué dans un communiqué : "Je ne peux accepter d’embarquer la Wallonie dans le mandat qui serait accordé à l’UE." Il a plaidé "pour que la Belgique s’inspire de la ligne de conduite défendue par la France: le respect préapable à toute négociation d’accord de libre-échange de l’Accord de Paris sur le Climat". [1]

Lorsque les entités belges ne parviennent pas à trouver une position commune sur une question européenne, la Belgique s’abstient. La position bruxelloise a suscité une réaction irritée du ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA), qui a jugé "inacceptable" que la région capitale bilingue "hypothèque le bien-être flamand".

L’accord de Paris d’abord

Sans être unanime, le Conseil de l’UE est très largement favorable à l’ouverture de ces négociations avec Washington, censées apaiser les tensions commerciales déclenchées à son arrivée par Donald Trump. Outre la Belgique qui s’est donc abstenue, seule la France s’est exprimée contre l’adoption des directives de négociation (il n’y a pas eu de vote formel parce qu’il ne s’agit pas d’un point législatif, mais chaque État a exprimé sa position). Le refus français et l’abstention belge n’ont pas d’incidence sur l’adoption des directives, qui se fait à la majorité qualifiée (55% des États membres pesant 65% de la population de l’UE).

Paris plaide pour que toute négociation d’accord de libre-échange soit conditionnée au respect préalable de l’Accord de Paris sur le climat. Le ministre wallon René Collin (CDH) "plaide pour que la Belgique s’inspire de la ligne de conduite défendue par la France", indique son communiqué. Il explique aussi sa position par une "vigilance" face aux intentions des États-Unis sur l’agriculture. Le secteur n’est pas concerné par le mandat de négociation européen, mais Washington souhaite obtenir des concessions dans ce domaine.

"L’agriculture ne fera certainement pas partie de ces négociations, c’est une ligne rouge pour l’Europe", a précisé la commissaire au Commerce Cecilia Malmström, lundi.

Les directives de négociations portent :

  • sur l’élimination des barrières aux échanges de biens industriels
  • sur la levée de barrières non tarifaires sur l’évaluation de la mise en conformité des produits.

L’élimination des barrières tarifaires sur les biens industriels augmenteraient les exportations de l’Union vers les États-Unis de 8%, et les importations de 9%, a précisé Mme Malmström lors d’une conférence de presse.

Contrairement à l’accord conclu avec le Canada (CETA) ou à la précédente négociation avortée avec les États-Unis (TTIP), ce projet d’accord commercial n’est donc pas global mais sectoriel, et il ne porte pas sur la protection des investissements, qui relève de la compétence des États membres. Si un accord est scellé, il devra être adopté par le Conseil de l’UE à la majorité qualifiée et par le Parlement européen, qui s’est exprimé lors d’un vote consultatif contre les directives de négociation.

L’Union est prête, la balle est à présent dans le camp américain pour fixer la date du premier round de négociation formelle. Et à entendre la commissaire responsable, la négociation ne devrait pas tarder à être pliée: "Je pense que ça peut aller assez vite. De notre côté, nous sommes déterminés à faire tout ce que nous pouvons pour finir ça sous la commission Juncker" - c’est à dire avant novembre.

Footnotes

[1Dans la première version de cet article, nous indiquions erronément que la Wallonie s’était exprimée contre les mandats de négociation : son ministre de l’agriculture René Collin (CDH), s’exprimait en fait sans engager le gouvernement, selon le cabinet du ministre-président Willy Borsus (MR).

source : L’Echo

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