Les quotas de viande embarrassent la France dans les accords commerciaux

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Euractiv | 27 juin 2019

Les quotas de viande embarrassent la France dans les accords commerciaux

Par Cécile Barbière

Alors que la France monte au créneau contre les quotas de viande prévus au sein de l’accord UE/Mercosur, elle programme dans le même temps la ratification du CETA, pourtant dénoncé par les producteurs de viande bovine.

Les producteurs de viande bovine en France sont vent debout contre les accords de libre-échange négociés par la Commission européenne, craignant la concurrence déloyale des pays tels que l’Argentine, le Brésil ou encore le Canada.

Alors que les négociations vont bon train avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), plusieurs États membres ont pressé la Commission de conclure ces pourparlers commerciaux. Ils sont ainsi 7 États membres à avoir envoyé une missive à Bruxelles pour réclamer l’aboutissement rapide des discussions.

À contre-courant, Paris a exprimé cette semaine aux côtés de l’Irlande, de la Pologne et de la Belgique sa préoccupation quant à cet accord commercial et à ses répercussions sur leurs secteurs agricoles, qui seraient exposés plus frontalement à la concurrence des producteurs argentins et brésiliens.

« L’effet cumulé des différents quotas négociés au sein des différents accords de libre-échange signés par l’Union européenne pourrait au final déstabiliser la production et le secteur agricole », ont déploré les quatre chefs d’État et de gouvernement.

Quotas de viande

Parmi les points de vigilance soulevés dans le courrier figurent les quotas de bœuf, de volaille, de sucre et d’éthanol, la qualité des produits agricoles exportés en Europe, en particulier de la viande ou encore les contrôles aux frontières.

C’est en particulier sur la viande que les inquiétudes sont les plus vivaces, car le Brésil et l’Argentine sont de gros producteurs. « On veut que la viande bovine ne fasse pas partie du paquet des négociations avec le Mercosur », affirme un porte-parole de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev).

« Dans la loi française, on nous demande de monter en gamme dans la façon dont nous produisons de la viande bovine, et le consommateur veut des engagements sur l’environnement et le bien-être animal, etc. On ne peut pas de l’autre côté ouvrir les portes à des importations qui ne respectent aucun de ces critères de qualité », poursuit-il .

Qualité de la production

Les inquiétudes sur écarts de qualité de production entre l’UE et les pays du Mercosur se sont accentuées depuis l’élection du président d’extrême droite, Jair Bolsonaroa, au Brésil. Ce dernier a déjà permis l’homologation de 152 pesticides auparavant interdits, et proscrits en grande partie au sein de l’Union européenne.

Outre le recours extensif aux intrants chimiques, les conditions de production de viande sont très éloignées des standards européens. « Les bœufs aux hormones sont exclus des quotas certes, mais tout le reste y est : nourriture aux OGM de cultures issues de la déforestation, antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, etc. » rappelle le porte-parole d’Interbev.

Aujourd’hui, l’élevage de bétail est responsable de 80 % de la déforestation de l’Amazonie brésilienne, qui abrite 40 % des forêts humides restantes dans le monde.

« Au Brésil, les normes environnementales, sanitaires et phytosanitaires imposées aux modèles de production sont inférieures à celles appliquées en Europe », s’indigne le principal syndicat agricole européen Copa-Cogeca, dans une lettre ouverte.

« Les agriculteurs européens peuvent […] assumer la mise en œuvre de mesures ambitieuses pour s’adapter au changement climatique […].Toutefois, cela ne sera possible que si l’UE ne mine pas leurs efforts en tolérant les importations de produits provenant de pays qui encouragent la déforestation et soutiennent des pratiques agricoles qui ne sont pas acceptées au sein de l’UE », a rappelé Pekka Pesonen, Secrétaire général du Copa et de la Cogeca.

« Nous avions déjà beaucoup de raisons de nous inquiéter des conséquences de cet accord sur l’environnement, le climat, la santé, les droits des travailleurs ou encore l’agriculture européenne. L’élection de M. Bolsonaro à la tête du Brésil a encore aggravé ces craintes », explique Aurore Lalucq, économiste et eurodéputée française du groupe S&D.

Le CETA en embuscade

En parallèle de l’accord avec le Mercosur auquel la France s’oppose, avec peu d’alliés, la ratification du CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, a été annoncée. Le texte de ratification devrait passer devant les députés de l’Assemblée nationale le 17 juillet.

Le CETA était entré en vigueur en septembre 2017, mais la France ne l’a toujours pas ratifié en raison de certaines inquiétudes notamment face à la concurrence que le bœuf canadien pourrait créer sur le marché français.

À l’occasion d’une visite du Premier ministre canadien Justin Trudeau en France le 7 juin, Emmanuel Macron avait affirmé que le déferlement redouté de viande bovine canadienne sur le marché français n’avait pas eu lieu. « Après presque deux ans de mise en œuvre provisoire, le bilan du CETA est positif, la déstabilisation économique qui avait été crainte par certaines filières agricoles sensibles n’a pas eu lieu, en particulier les importations de viande bovine », avait alors soutenu Emmanuel Macron.

Les éleveurs s’étaient déjà érigés contre le CETA, qui ouvrait la porte à une concurrence déloyale de la viande canadienne, où l’utilisation d’hormones pour l’engraissement du bétail est autorisée.

Mais la volonté du gouvernement de ratifier définitivement le CETA est mal comprise par la filière. « Il est vrai qu’il n’y a pas eu d’impact visible sur le marché français. Mais les Canadiens sont en train de se préparer pour monter en puissance, notamment sur les morceaux nobles du bœuf comme l’aloyau », explique Interbev. Un morceau de viande vendu entre 13 et 14 euros le kilo dans l’Hexagone, contre environ 7 euros au Canada. Une différence de prix qui pourrait fortement mettre à mal les élevages européens et français.

La production de viande bovine au Canada est certes moins pire que dans le pays du Mercosur, mais les mêmes méthodes sont autorisées : recours aux farines animales, aux antibiotiques activateurs de croissance, etc » regrette le porte parole d’Interbev.

source : Euractiv

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